FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 18262  de  M.   Destot Michel ( Socialiste - Isère ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  17/08/1998  page :  4516
Réponse publiée au JO le :  26/10/1998  page :  5815
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Russie
Analyse :  occupation de l'ambassade de Lituanie. Paris
Texte de la QUESTION : M. Michel Destot attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur l'occupation par la Fédération de Russie de l'ambassade de Lituanie en France. En 1925, l'Etat lituanien a acheté l'hôtel Fournier, sis 14, place Malesherbes, actuellement 14, place du Général-Catroux, où la légation de Lituanie a été installée. Cet achat est enregistré à la Conservation des hypothèques de Paris, l'inscription n'a pas varié depuis lors et aucune autre inscription ne l'a remplacée. Une lettre du conservateur des hypothèques, datée du 15 mars 1993 et adressée au consul de Lituanie, confirme qu'« il n'existe aucune trace de transaction intervenue depuis le 1er janvier 1956, date de la création du fichier, concernant l'immeuble cadastré », et une lettre du conservateur des hypothèques datée du 9 janvier 1979 atteste que « le propriétaire inscrit à la Conservation des hypothèques est toujours l'Etat lituanien, la dernière formalité datant du 27 juillet 1925 ». Ces deux lettres, qui couvrent la période de 1925 à 1993, sont sans ambiguïté quant à la qualité de propriétaire de l'immeuble en question. La Lituanie fut occupée militairement par les troupes soviétiques le 15 juin 1940 en application des accords Hitler-Staline (Ribbentrop-Molotov) - que la France n'a jamais reconnus. Conséquence de ces événements à l'Est, en août 1940 la légation lituanienne est supprimée par le gouvernement de Vichy sous la pression des autorités d'occupation et l'immeuble cédé aux soviétiques : le directeur de la police judiciaire à Paris s'est fait remettre les clés de l'immeuble et les a données aux autorités soviétiques. Le 22 juin 1941, les Allemands ont occupé l'immeuble lituanien qu'ils ont abandonné au moment de la libération de Paris. En 1944, dans une lettre du 9 septembre adressée à M. Kossirev, chargé d'affaires de l'URSS à Paris, le ministre français des affaires étrangères faisait savoir qu'il mettait à la disposition de l'ambassade soviétique les immeubles des trois pays baltes. Sur les murs de la légation lituanienne apparut une plaque avec l'inscription « Consulat d'URSS ». Depuis les années 50, il n'y avait plus aucune plaque ni aucun drapeau, mais cet immeuble abritait un « bureau soviétique d'information ». Les autorités soviétiques, conscientes qu'un jour l'illégalité de cette occupation serait dénoncée, ont essayé de vendre l'immeuble en 1955 et 1977, mais l'absence de documents de propriété a rendu impossible cette opération. Ce dossier a été présenté deux fois au tribunal de grande instance de Paris. Le tribunal s'est déclaré incompétent vu le caractère international du litige. L'occupant actuel, la Fédération de Russie, a décidé, en accord avec le gouvernement lituanien au mois de décembre 1993, de négocier la question, et à cette fin deux groupes de travail, lituanien et russe, ont été créés. Cependant, le 4 avril 1994, à l'entrée du bâtiment lituanien est apparue une plaque portant l'inscription « Ambassade de la Fédération de Russie. Section agroalimentaire. » Depuis cette date, les négociations n'ont pas avancé. Cette histoire n'est pas purement et simplement une question bilatérale entre la Lituanie et la Fédération de Russie. La France a une responsabilité dans ce conflit. En outre, il est de son devoir d'aider à la médiation entre les deux pays. Il lui demande donc quelles initiatives il pourrait engager pour mettre fin à cette situation, héritée du passé et qui n'a que trop duré.
Texte de la REPONSE : Comme le souligne l'honorable parlementaire, la Lituanie, comme les deux autres Etats baltes, n'a jamais cessé d'être en droit propriétaire de l'immeuble qui abritait sa légation jusqu'en 1940. La France n'a, pour sa part, jamais reconnu le transfert de propriété à l'Union soviétique, et ne peut donc être tenue pour responsable - ni même coresponsable - au regard du droit international. Néanmoins, il est vrai que la France s'efforce de contribuer au règlement de ce délicat problème. Il est vite apparu évident qu'une considération strictement juridique de ce contentieux russo-lituanien ne permettrait pas d'avancer vers une solution. De plus, même dans le cas d'une décision de justice en faveur de la Lituanie sur cette affaire, la Russie pourrait toujours se prévaloir de l'immunité d'exécution. La France a proposé dès 1993 une mission de médiation concernant les trois légations baltes. En outre, elle supporte depuis le 19 novembre 1991 le loyer et les charges locatives de l'ambassade provisoire de Lituanie à Paris, située boulevard Montmartre. Nous abordons régulièrement la question avec les responsables russes chaque fois que les contacts bilatéraux nous en donnent l'occasion. Les autorités lituaniennes sont elles-mêmes parfaitement au courant de ces démarches, et nous sommes régulièrement en contact avec elles à ce sujet.
SOC 11 REP_PUB Rhône-Alpes O