Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Marie Morisset appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les questions posées par une commune qui se trouve dans la situation suivante : le conseil municipal a accepté la donation d'une maison au titre d'un testament olographe qui a fait l'objet des procédures en vigueur et des formalités de publicité et d'interpellation des héritiers prescrites par le décret du 1er février 1896. Or, il s'avère que sur les quatre héritiers contactés, l'un d'entre eux - un neveu - a formulé par écrit au préfet de son département son opposition en arguant de la précarité de sa situation, l'absence de revenus. De ce fait, le dossier est transmis à la direction des affaires territoriales et politiques du ministère de l'intérieur et il appartiendra au ministre de prendre une décision. Plusieurs questions se posent alors de savoir, d'une part, si depuis les lois de décentralisation, l'Etat est encore en droit de « déshériter » une collectivité aux termes d'un décret de 1896 ; d'autre part, si l'affectation par l'Etat de l'héritage à une seule personne n'est pas en contradiction avec les volontés testamentaires ; et enfin, dans la mesure où la commune serait dessaisie de cet héritage, si elle est en droit de demander à l'Etat réparation du dommage. Par ailleurs, la commune souhaiterait savoir si la personne qui a fait connaître son opposition peut être considérée démunie au sens du décret de 1896 alors même qu'elle bénéficie d'une allocation et qu'elle est propriétaire d'un bien. Il le remercie de bien vouloir lui fournir des éléments de réponses.
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Texte de la REPONSE :
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Depuis les lois de décentralisation n° 82-213 du 2 mars 1982 et n° 82-623 du 22 juillet 1982, les collectivités locales ne sont plus soumises à la tutelle administrative préalable. Par conséquent, elles peuvent accepter librement les libéralités qui leur sont consenties par délibération de leur conseil municipal, conformément à l'article L. 2242-I du code général des collectivités territoriales. La procédure d'interpellation des héritiers issue du décret du 1er février 1896, codifiée aux articles R. 312-4 et suivants du code des communes, applicable aux legs seulement et non aux libéralités faites sous la forme d'une donation, fait obligation au notaire d'adresser notamment au préfet du lieu de l'ouverture de la succession la copie intégrale du testament et un état des héritiers dont l'existence lui a été révélée. Le préfet invite les personnes qui lui sont signalées comme héritières, soit par le notaire, soit par le maire, à prendre connaissance du testament, à donner leur consentement à l'exécution du legs ou à produire leurs moyens d'opposition, le tout dans un délai d'un mois. Lorsqu'un hériter s'oppose, l'article 7 de la loi du 4 février 1901 sur la tutelle administrative en matière de dons de legs dispose que « dans tous les cas où les dons et legs donnent lieu à réclamation des familles, l'autorisation de les accepter est donnée par décret en Conseil d'Etat ». Si une transaction est conclue entre un héritier opposant et la collectivité légataire, l'article R. 312-1 du code des communes soumet l'acceptation de la libéralité à un arrêté préfectoral pris après avis du tribunal administratif. En l'absence d'une telle transaction, l'acceptation du legs est autorisée par décret pris après avis du Conseil d'Etat. Il appartient donc à l'autorité administrative compétente d'autoriser l'acceptation du legs par la commune, au terme d'une procédure administrative qui se limite à examiner les moyens soulevés par l'opposant qui sont relatifs à la situation économique et sociale, à l'exclusion de tout autre motif qui relèverait de la seul compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire auprès desquels les héritiers ont parallèlement la possibilité de faire valoir leurs droits. S'il apparaît que l'opposant est dans une situation de précarité économique et sociale manifeste, l'Etat, par le biais de ses services compétents, à la possibilité de suggérer à la collectivité bénéficiaire du legs de prendre en compte la situation de cet héritier et d'obtenir, le cas échéant, de cette collectivité un engagement aux termes duquel celle-ci consentirait à verser à l'opposant un secours financier. Conformément à une jurisprudence constante du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, l'autorité administrative compétente peut refuser d'autoriser l'acceptation du legs ou ne l'autoriser que partiellement en cas de refus par la collectivité gratifiée de verser un secours financiers. En revanche, il s'agit d'une libéralité consentie à la commune sous la forme d'une donation, aucun texte ne prévoit l'interpellation des héritiers légaux du donateur même si l'acte réglementaire autorisant son acceptation est pris dans les conditions et selon les différents cas évoqués ci-dessus. Il ne s'agit donc pour l'Etat ni de déshériter une collectivité gratifiée, ni de porter atteinte à la volonté du testateur mais, conformément à l'article 910 du code civil et à l'article 7 de la loi du 4 février 1901 précitée, de se prononcer sur l'acceptation du legs soumise à son autorisation au vu de tous les intérêts en présence (montant du legs, intérêt de la personne morale gratifiée, situation de fortune de l'opposant, intérêt des familles), sans intervenir ni sur l'analyse du testament ni sur la volonté du testateur qui s'entend comme le libre choix de ce dernier de désigner la personne morale qui pourra disposer après sa mort de ses biens. C'est la raison pour laquelle l'Etat s'interdit de régler lui-même la dévolution des biens ou la partie de ces biens dont il n'autorise pas l'acceptation. Dans ce cas, le legs ou la portion du legs devenue caduque doit retomber dans la succession du testateur pour être dévolue aux ayants droit, suivant les règles du droit des successions. Lorsque l'acception du legs est refusée, la commune ne peut pas obtenir réparation du dommage résultant de cette impossibilité de bénéficier de la libéralité sauf à prouver que ce refus est entaché d'une illégalité ayant un lien de causalité avec le préjudice qu'elle a subi. L'appréciation de l'état d'indigence d'un hériter opposant qui bénéficie d'une allocation et qui est titulaire d'un droit de propriété sur un bien dépend du montant de cette allocation et de la nature et la valeur de ce bien. Il est nécessaire de diligenter une enquête administrative de fortune. Celle-ci peut mettre en évidence des ressources qui ne permettent pas de faire face aux besoins de la vie courante ou aux soins nécessités par un grand âge, un grand handicap ou un état de maladie, ou encore de satisfaire à des charges de famille (loyer, entretiens des enfants vivants sous le même toit par exemple).
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