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M. Hervé de Charette. Monsieur le Premier ministre, en vous interrogeant au nom du groupe UDF, je forme le voeu que vous poursuiviez cet échange que vous avez engagé avec l'Assemblée nationale et que vous me répondiez personnellement. («Très bien !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) C'est peu dire, en effet, que votre voyage au Proche-Orient est assez éloigné du résumé idyllique que vous en avez fait à l'instant. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les images reproduites par toutes les télévisions du monde nous ont montré un spectacle dont personne ici ne se réjouit et qui a d'ailleurs été condamné par tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) S'il ne nous réjouit pas, c'est parce que ces images sont celles de l'humiliation française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est aussi l'image d'un travail conduit pendant des années qui, tout à coup, est réduit en poussière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, le groupe UDF est appelé aujourd'hui à vous demander des éclaircissements, des précisions, des clarifications que vous venez de commencer à apporter et que la France et, sans doute aussi, l'ensemble des chancelleries attendent. J'ai entendu dire, et vous l'avez répété à l'instant, que vous vouliez répondre aux interrogations, aux doutes et aux critiques parfois exprimés en Israël, voire - pourquoi pas ? - dans la communauté juive de France à l'encontre de la politique française au Proche-Orient. Ces interrogations, ces critiques, nous les connaissons aussi bien que vous. M. René Dosière. Oh ! M. Hervé de Charette. Elles sont aussi importantes à nos yeux qu'aux vôtres. Vous n'avez pas le monopole de la sensibilité et du coeur pour les intérêts d'Israël ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) M. Christian Bataille. Giscard de pacotille ! M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues ! M. Hervé de Charette. Ne vous excitez pas, nous essayons de dialoguer avec le Premier ministre ! Au cours des années écoulées et jusqu'à maintenant la réponse de la France s'était résumée ainsi: la sécurité d'Israël passe par la paix et la paix passe par une attitude de la France fondée sur l'impartialité et l'équilibre, telle qu'elle a été rappelée par le Président de la République à votre retour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Oui, bien sûr, la France se veut et est l'amie d'Israël. Depuis toujours, avez-vous dit; cela est vrai. Mais il n'est pas besoin de changer de politique pour autant ! La France partage les légitimes aspirations d'Israël à la sécurité, mais elle partage aussi les non moins légitimes aspirations de ses voisins à la souveraineté et à l'intégrité de leur territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Nous sommes les amis d'Israël, oui. Nous sommes les amis du Liban, oui. Nous avons des partenaires au Proche-Orient qui ont une grande importance pour les intérêts, pour le prestige et pour le rayonnement de la France. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Cette politique a fait jusqu'à présent l'objet d'un certain consensus dans notre pays. Elle nous a valu une présence, une autorité, un prestige au Proche-Orient que le monde entier nous reconnaît. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur le Premier ministre, après tout ce qui s'est passé et après les corrections de tir que nous avons bien entendues, exprimées par votre ministre des affaires étrangères ou par vous-même, pouvez-vous nous confirmer que la politique de la France au Proche-Orient est bien toujours celle qui a été définie et établie par le Président de la République lors de ses différentes interventions, notamment lorsqu'il est allé en Israël et au Proche-Orient ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Enfin, monsieur le Premier ministre, ma dernièrequestion concerne le fonctionnement global de l'exécutif français. Nous ne vous contestons nullement non seulement le droit mais aussi le devoir d'agir, de travailler, de vous exprimer dans le domaine de la politique internationale de la France. Tous les Premiers ministres l'ont fait et cela est très bien ainsi. Mais ce dont nous avons besoin, alors que nous nous acheminons vers la présidence française de l'Union européenne, c'est d'être assurés que cette politique étrangère s'exprimera d'une seule voix sous l'autorité du Président de la République, qui en est l'inspirateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, je vous répondrai en évitant toute polémique liée à des considérations de politique intérieure et toute relance de controverse au plan extérieur, en m'efforçant d'éclairer, comme vous le demandez, les deux dimensions de votre interpellation: l'élaboration de notre politique extérieure dans la cohabitation et celle de la politique de la France au Proche-Orient. En ce qui concerne la conduite de politique étrangère de la France dans le cadre de la cohabitation, si nous regardons depuis le début, le moins que nous puissions dire est qu'il y a peu de problèmes. Le Président de la République joue un rôle éminent. Il le tient de certaines prérogatives constitutionnelles (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)... M. Jean-Luc Warsmann. Du peuple ! M. le Premier ministre. ... et aussi de la tradition de la Ve République. Jamais du reste le Gouvernement, ou le Premier ministre, au cours des mille jours qui viennent de s'écouler, n'a fait en politique extérieure la moindre critique à l'égard du Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants). Le Gouvernement, ainsi que le dit l'article 20 de la Constitution, détermine et conduit la politique de la nation. Or la politique de la nation ne se réduit pas à la politique intérieure; elle englobe la politique extérieure. Nous agissons, nous participons à l'élaboration de cette politique que porte en particulier le ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine. M. Maurice Leroy. Heureusement qu'il est là pour souffler ! M. le Premier ministre. Au demeurant, les dialogues entre nous, c'est-à-dire entre vous, le législatif, et nous, l'exécutif, sont constants à cet égard. Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. On l'a vu pour le Kosovo ! M. le Premier ministre. Vos auditions des ministres des affaires étrangères ou de la défense, les débats que nous avons eus ici même sur des questions aussi difficiles que celle du Kosovo, la façon dont vous nous interpellez lors des questions d'actualité montrent que nous prenons à l'évidence notre part de l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique étrangère de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Si vous prenez, mesdames et messieurs - je vous invite à faire cet exercice -, la chronique des deux cohabitations précédentes, particulièrement celle de 1986-1988, vous vous rendrez compte qu'il n'en était pas de même: le Premier ministre de l'époque avait multiplié les mises en cause («Polémique !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) du Président de la République et des positions qu'il adoptait. Souvenez-vous notamment des affaires du missile mobile et de la guerre des étoiles, dans lesquelles le Président avait fixé une position, qui fut publiquement contestée par le Premier ministre de l'époque. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Je me réjouis d'ailleurs de constater que, alors que les Etats-Unis s'efforcent de relancer cette politique dont nous pensions déjà - en tout cas le Président de la République à l'époque - qu'elle risquait de déstabiliser la dissuasion, le Président de la République d'aujourd'hui et le Gouvernement ont la même approche critique de cette relance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Je suis convaincu que cette façon de fonctionner, sans écarts, sans éclats et sans troubles se produira jusqu'au terme de cette législature ou jusqu'à toute autre échéance, en particulier tout au long de la présidence française. M. Maurice Leroy. Et si l'on parlait du sujet ? M. le Premier ministre. Reste le fond de la politique au Proche-Orient. M. Maurice Leroy. Il est temps ! M. le Premier ministre. La question n'est peut être pas tant celle que vous posez, c'est-à-dire celle de l'équilibre de la politique de la France au Proche-Orient. La politique française au Proche-Orient doit être équilibrée. Elle est fondée sur l'amitié historique avec Israël et le souci de sa sécurité. Elle est fondée sur l'amitié avec de nombreux pays arabes, notamment au Maghreb et au Proche-Orient, et je ne pense pas qu'il faille confondre cette politique avec une politique arabe globale, comme l'a dit à juste titre, tout récemment, le ministre des affaires étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Elle repose sur le soutien aux aspirations légitimes du peuple palestinien, à partir du moment où ses dirigeants ont choisi la stratégie de la paix. Elle est attachée au respect de l'indépendance et de l'intégrité du Liban aujourd'hui et demain. Mme Françoise de Panafieu. Et à la parole de la France ! M. Franck Borotra. Il a déjà dit le contraire ! M. le Premier ministre. Equilibre, oui. Impartialité, sans doute. Mais autour de quelles valeurs, autour de quels objectifs, pour quelle dynamique ? Voilà la question qu'il faut aussi se poser (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et à laquelle nous répondons. C'est cela qui doit effectivement conduire la politique de notre pays, et je ne doute pas que cela soit le cas. Cette politique, elle doit nous rassembler autour de trois grands mots, de trois grandes valeurs, de trois grands objectifs: la paix, la démocratie et le développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) La paix et la sécurité contre la violence, la démocratie ou le pluralisme contre la haine de l'autre et l'intolérance, le développement contre les tendances autodestructrices qui existent dans cette région du monde. M. Maurice Leroy. Et cela a marché ? M. le Premier ministre. C'est à la lumière de ces objectifs et de ces valeurs que nous devons agir, même si nous devons agir avec impartialité, car s'il est vrai que ces valeurs et ces objectifs doivent être respectés par tous, il existe aussi, c'est vrai, des ferments de violence et de haine en Israël même, où un Premier ministre a été assassiné par un fanatique. Donc, nous pouvons être équilibrés, nous pouvons être impartiaux, mais nous devons dire aussi quels sont les objectifs: la paix, la démocratie, le développement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Etre impartial ne doit pas nous conduire à rester aveugle face à des actes dangereux pour le processus de paix. Nous devons faire preuve d'équilibre, mais nous devons être sans indulgence pour ceux qui utilisent la violence, car cela ne renforce pas la position de la France que d'être faible par rapport à la violence ou au fanatisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Maurice Leroy. On l'a vu ! M. le Premier ministre. Et si vous avez pensé - peut-être auriez-vous pu l'éviter en tenant un propos différent - que la France a été humiliée par les scènes que vous avez vues à Bir-Zeit («Oui !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), je peux vous dire que la France n'a pas été humiliée. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Non seulement parce que je me suis comporté de façon digne face à la violence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), mais ausi parce que supposer que la France soit humiliée, c'est supposer qu'avaient raison ceux qui, à la différence des étudiants et les professeurs qui venaient de dialoguer avec moi, m'ont effectivement caillassé à Bir-Zeit. Or je ne pense pas que ce soit votre approche, monsieur le député. Ne soyez pas silencieux devant la violence, quelle qu'elle soit, car la violence, mesdames et messieurs les députés, est le pire ennemi de la paix. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) |