FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1900  de  M.   Goulard François ( Démocratie libérale et indépendants - Morbihan ) QG
Ministère interrogé :  fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation
Ministère attributaire :  fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation
Question publiée au JO le :  02/03/2000  page :  1900
Réponse publiée au JO le :  02/03/2000  page :  1900
Rubrique :  fonction publique de l'Etat
Tête d'analyse :  durée du travail
Analyse :  réduction. application
DEBAT : M. le président. La parole est à M. François Goulard.
M. François Goulard. Monsieur le Premier ministre, en entendant le ministre de la fonction publique, on ne pouvait qu'être frappé de la différence d'attitude du Gouvernement s'agissant des 35 heures, selon qu'elles s'appliquent aux entreprises ou au secteur public.
Pour les 14 millions de salariés des entreprises privées, vous vous êtes évertué à nier les difficultés de mise en oeuvre d'une réduction uniforme et imposée du temps de travail. Encadrés par deux lois, les partenaires sociaux avaient peu d'espace pour négocier; ils ont été néanmoins sommés de s'entendre, ce qui ne nous a d'ailleurs pas empêché, une fois les négociations conclues, de vider en partie les accords de leur portée. Aujourd'hui, les difficultés d'application des 35 heures, avec leur cortège de blocages salariaux et de modifications d'horaires plus ou moins bien acceptées, vous laissent totalement indifférent.
Dans le secteur public, au contraire, l'Etat, de législateur devient employeur et il prend subitement conscience des difficultés. Alors, il diffère: l'urgence qui prévalait pour l'entreprise disparaît pour le secteur public. Les créations d'emplois, grand prétexte des 35 heures dans l'entreprise, se heurtent - on le comprend - à l'impossibilité budgétaire. Quant à la négociation, elle échoue lamentablement, et les grèves se succèdent et vont se succéder, faute pour les syndicats du secteur public de trouver en face d'eux un employeur à la hauteur de ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Aussi ai-je voulu, monsieur le Premier ministre, à défaut de l'avoir entendu à l'instant dans la bouche du ministre de la fonction publique, vous demander de nous préciser quelle est la politique de réduction du temps de travail dans le secteur public. Qui est concerné ? Qui ne l'est pas ? Et en fonction de quels critères ? Les enseignants, par exemple, gros bataillon de la fonction publique, sont-ils exclus de la réduction du temps de travail ? («Démago !» sur les bancs du groupe socialiste.)
Avez-vous une règle pour dire si, oui ou non, dans telle ou telle administration, dans tel ou tel ministère, des créations de postes auront lieu (Même mouvement), et quelles en seront les conséquences financières ? («Qui va payer ?» sur les bancs du groupe pour la Démocratie libérale et Indépendants.)
En d'autres termes, monsieur le Premier ministre, une réforme aussi importante, aussi lourde de conséquences («Et aussi mal préparée !» sur les mêmes bancs) est-elle pilotée ou obéit-elle à la logique du chien crevé au fil de l'eau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, je retrouve bien là le sens de la nuance avec lequel vous avez discuté sur les 35 heures !
M. Pierre Lellouche. Seriez-vous, vous-même, un modèle de nuance ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais vous rappeler les raisons pour lesquelles le Gouvernement s'est engagé, dans le secteur public comme dans le secteur privé, dans la réduction à 35 heures du temps de travail.
C'est en premier lieu parce que nous avons, les uns et les autres, échoué, pendant des années, à résorber le chômage et que les Français n'auraient pas accepté que nous négligions une piste susceptible d'y contribuer.
Nous avons toujours dit que les 35 heures avaient d'abord pour objectif la création d'emplois, à la condition, dont vous conviendrez sans doute, monsieur Goulard, que ceux qui passent à 35 heures n'y soient pas déjà ! Vous reconnaîtrez avec moi que même s'il n'est pas très subtil, il faut bien tenir compte de ce fait.
Le bilan montre que près de 175 000 emplois ont déjà été créés ou préservés dans le secteur privé - 85 % de créations - grâce à la réduction de la durée du travail. Nous avons dit que dans la fonction publique hospitalière, là où il y a des besoins, là où les hommes et les femmes travaillent beaucoup, il y aura des créations d'emplois en réduisant la durée du travail.
Pour nous, la réduction de la durée du travail est destinée aussi à changer profondément l'organisation du travail. Pourquoi 86 % des entreprises qui ont signé des accords déclarent-elles qu'elles fonctionnent mieux après qu'avant ? Parce que nous avons pensé à prendre en compte l'ensemble des éléments de compétitivité, à améliorer la qualité et les délais de livraison, par exemple. (Sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République: «N'importe quoi !»)
Pour le service public - M. Zuccarelli, vient de le rappeler - notre ambition est la même, car nous croyons à l'Etat et au service public et nous pensons qu'ils doivent être sans cesse plus efficaces. Chaque franc versé au titre des impôts doit favoriser des services ouverts à tous. Le grand défi qui nous attend dans les fonctions publiques locales, d'Etat ou hospitalière, c'est de faire en sorte que la réduction du temps de travail se traduise par une amélioration du service rendu aux usagers. Cela fait aussi partie des propositions du Gouvernement.
Enfin, le troisième objectif est d'améliorer les conditions de vie au travail. Vous ne sauriez me reprocher de dire qu'il faut d'abord le faire pour ceux qui travaillent beaucoup ou dans des conditions pénibles.
Ces trois objectifs sont les mêmes pour les fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière que pour le secteur privé. Je ne parle même pas des entreprises publiques, EDF, la SNCF, ou des établissements publics qui sont d'ores et déjà passés aux 35 heures et qui ont créé des emplois.
J'ajoute, monsieur le député, qu'il est un peu paradoxal qu'un groupe qui défend sans arrêt le «moins d'Etat», le «moins de fonctionnaires» («Le mieux d'Etat !» sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et qui met en doute - vous l'avez fait au moment du rapport Roché -, la façon dont ceux-ci travaillent, nous reproche ces efforts.
Le Gouvernement est cohérent: la réduction de la durée du travail s'applique à ceux qui travaillent au-delà de 35 heures, nous créerons des emplois partout où cela est nécessaire, et nous tentons, dans tous les cas, d'améliorer les conditions de travail.
Gageons, comme le fait aujourd'hui la presse britannique, que, dans cinq ans, notre pays aura franchi une étape majeure dans la modernisation de nos entreprises et de nos services publics, grâce à ces débats qui s'engagent sur les 35 heures. C'est un vrai projet de société. Peut-être est-ce pour cela que nous ne le partageons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
DL 11 REP_PUB Bretagne O