FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 19209  de  M.   Sarre Georges ( Radical, Citoyen et Vert - Paris ) QE
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  21/09/1998  page :  5141
Réponse publiée au JO le :  11/01/1999  page :  198
Rubrique :  organisations internationales
Tête d'analyse :  FMI et banque mondiale
Analyse :  transparence. attitude de la France
Texte de la QUESTION : M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les crédits internationaux consentis par la France à travers le Fonds monétaire international (FMI). Il observe, d'une part, que ces engagements français auprès du FMI sont loin d'être négligeables, puisqu'ils s'élevaient au total (selon la Cour des comptes) à quelque 41,9 milliards de francs au 31 décembre 1997, auxquels il faut notamment ajouter les 5 milliards de francs que la France va devoir verser au titre des Accords généraux d'emprunts (AGE) mobilisés par le FMI en 1998 pour secourir la Russie. Il remarque, d'autre part, qu'en dépit de l'ampleur de ces crédits, les gouvernements français successifs ont maintenu une relative opacité sur ces données chiffrées, qui n'ont pour l'heure pas donné lieu à débat - contrairement aux engagements directs de la France hors FMI, pour lesquels le Gouvernement sollicite l'autorisation du Parlement, comme il le fit au printemps dernier pour une aide de 1,25 milliard de dollars à la Corée du Sud. Cette discrétion gouvernementale persistante pourrait certes s'expliquer en partie par le fait que les relations financières de la France avec le FMI ne sont nullement des crédits budgétaires mais des opérations de « trésorerie » - transitant dans un « compte spécial du Trésor » géré par la Banque de France via le « fonds de stabilisation des changes » - et ne sollicitent donc pas l'argent des contribuables. Par ailleurs, ces avances de trésorerie consenties aux Etats conjoncturellement insolvables ne présenteraient aucun risque, le FMI n'ayant jamais vu un débiteur lui faire défaut en cinquante ans d'existence. Il s'étonne cependant que l'on puisse généralement considérer en France le FMI comme le bras séculier de l'administration américaine (dont la contribution au financement du FMI est âprement débattue au Congrès), alors même que les gouvernements français successifs ont toujours soutenu sans faille ses demandes répétées d'accroissement de moyens sans juger bon, pour autant, d'engager un réel débat sur les politiques d'ajustement de cet organisme, pourtant l'objet de critiques radicales. D'éminents experts ont ainsi abondamment diagnostiqué l'échec, largement confirmé par les faits, de la stratégie économique de transition par la financiarisation et le libéralisme prônée par le FMI en Russie, en Asie du Sud-Est, en Amérique latine et dans les PECO. Il note enfin que le FMI semble commencer de prendre acte de son propre échec, comme en témoigneraient ses deux changements de cap amorcés au mois de juin 1998. Ainsi, s'éloignant quelque peu des dogmes de l'orthodoxie budgétaire, le FMI a-t-il réorienté partiellement ses crédits à l'Indonésie vers la consolidation de l'économie interne alors qu'ils visaient surtout jusqu'alors à renforcer les réserves indonésiennes de change pour éviter une cessation de paiements. Ainsi M. Michel Camdessus a-t-il publiquement envisagé la possibilité pour le FMI de déclarer discrétionnairement un moratoire provisoire sur « les paiements des obligations dues », « afin de laisser à la communauté internationale le temps de s'organiser et de répartir la charge du redressement d'un pays » en cessation de paiement - se rapprochant ainsi de l'idée d'une régulation publique des marchés financiers, au rebours de la position dominante depuis le début de la décennie. Estimant que la France doit désormais sortir de son rôle de financier silencieux du FMI, il lui demande donc de lui indiquer son analyse du dossier et d'engager enfin le débat de fond qui s'impose.
Texte de la REPONSE : Le Fonds monétaire international (FMI) doit disposer de ressources suffisantes pour contribuer à rétablir la balance des paiements des pays membres lorsque celle-ci est notablement déséquilibrée. A ce titre, le FMI dispose comme ressource principale des quotes-parts versées par ses membres, qui constituent en pratique un dépôt rémunéré. A ces quotes-parts s'ajoutent des ressources exceptionnelles comme les accords généraux d'emprunt, et bientôt les nouveaux accords d'emprunt, qui peuvent être assimilées à des aides multilatérales concertées via le FMI. Ces ressources constituent la condition sine qua non pour que le FMI puisse effectuer des programmes d'ajustement à la mesure des déséquilibres des balances des paiements observés en temps de crise, et éviter ainsi la contagion des crises à une échelle régionale ou mondiale. Le développement considérable des mouvements de capitaux internationaux privés rendent ce besoin en ressource encore plus pressant ; c'est pour cette raison que le Conseil des gouverneurs a décidé en septembre 1997 de procéder à une augmentation des quotes-parts de 45 %. La France soutient la mise en oeuvre rapide de cette augmentation, qui constitue en outre le signal indispensable pour redonner aux marchés la confiance dans la capacité d'action du FMI. Les positions de réserve de la France au FMI sont par ailleurs tout à fait transparentes. Le montant de la quote-part des Etats membres, dont celle de la France, est par exemple publié régulièrement par le FMI. Le détail des relations financières de la France avec le FMI fait l'objet de réponses détaillées aux questionnaires du Parlement chaque année. Le montant de la quote-part française est aujourd'hui de 7,414 milliards de droits de tirage spéciaux. Sur le fond, le gouvernement français considère que beaucoup des critiques dont le FMI a récemment été l'objet sont injustifiées. Ces critiques s'attaquent aux grandes orientations stratégiques du Fonds, telles que stipulées dans les statuts : liberté et stabilité des changes, promotion des échanges, libéralisation des prix, etc. Ces orientations stratégiques relèvent de la responsabilité des Etats membres et non du FMI lui-même, ce qui doit nous amener à réfléchir au renforcement du gouvernement du Fonds pour en légitimer le cadre opérationnel. De plus, il convient de noter que la plupart des programmes récents du FMI, bien que largement occultés par le cas russe, fonctionnent correctement. En Corée et en Thaïlande notamment, l'application des programmes du FMI a permis d'obtenir rapidement une stabilisation des monnaies ainsi que des taux d'intérêt suffisamment bas pour envisager une reprise de la croissance, qui reste aujourd'hui, il est vrai, freinée par la récession japonaise. Il s'agit donc que les actionnaires du Fonds, c'est-à-dire les Etats membres, exercent une vigilance accrue et cherchent à doter le FMI de la légitimité nécessaire à son action ; c'est tout le sens de la proposition centrale du mémorandum de la France visant à faire du Comité intérimaire un véritable organe politique décisionnel sous la forme du « collège » prévu dans les statuts. Le gouvernement français veut faire du FMI la pierre angulaire d'une reconstruction du système monétaire et financier international, en lui donnant les moyens financiers et politiques nécessaires à son action. Ce n'est que dans ces conditions que le FMI pourra s'adapter aux défis que lui pose la crise actuelle : les propositions françaises, en lançant l'idée d'un nouveau « Bretton-Woods », ont fortement contribué à lancer le débat sur le renforcement du système monétaire international. Les réunions du G7 Finances et du Comité intérimaire du FMI début octobre ont vu en effet pour la première fois le débat s'engager sur la réforme, voire la transformation du Comité intérimaire en collège. Outre qu'elle permettrait de donner une meilleure légitimité au FMI, cette transformation associerait plus justement les pays en développement, qui représentent 40 % des droits de vote, au dialogue financier international. Les autres propositions issues du mémorandum français ont également été bien accueillies à Washington : l'effort que la France avait appelé de ses voeux en matière de transparence et de régulation prudentielle du secteur privé est aujourd'hui soutenu par tous. En particulier, les cas spécifiques des fonds d'investissement à « haut effet de levier », autrement dit les hedge funds, et des centres financiers off shore feront l'objet d'une attention soutenue de la communauté internationale dans les prochaines semaines, comme le demandent les communiqués du G7 et du Comité intérimaire. Déjà, à l'initiative de la France, le Groupe d'action financière internationale avait, lors de sa dernière réunion plénière en septembre, approuvé la création d'un groupe ad hoc sur les centres off shore. Le principe d'une ouverture plus progressive et ordonnée des marchés de capitaux émergents fait aujourd'hui consensus au plan internationl. L'effort en matière de renforcement des systèmes financiers nationaux constitue dans ce cadre une priorité dans la mesure où les pays émergents doivent, avant de tirer profit des opportunités offertes par les capitaux internationaux, disposer des infrastructures, notamment financières, nécessaires à leur accueil. De même, la communauté financière internationale convient que l'implication du secteur privé dans les crises devra être systématiquement recherchée dans le cadre de solutions négociées sous l'égide du FMI, si nécessaire en collaboration avec le Club de Paris. Enfin, le G7 et le FMI ont constaté à Washington que l'euro constitue déjà un puissant élément stabilisateur au sein du système monétaire international. L'Europe aura un rôle central à jouer à l'avenir en matière de coopération monétaire internationale, en élargissant la zone de stabilité actuelle procurée par l'euro et en renforçant le dialogue avec ses partenaires économiques principaux, notamment au sein du tripôle dollar-euro-yen. La France a été ces dernières semaines très active en vue de réformer le système monétaire et financier international, en proposant une série de mesures concrètes à ses partenaires européens, marquant ainsi son souci d'une démarche européenne coordonnée. Le débat de fond qui a résulté à Washington des propositions convergentes de plusieurs pays, dont au premier chef les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et plus généralement les pays de la zone euro, doit aujourd'hui permettre de bâtir dans les prochains mois les bases d'un nouveau « Bretton-Woods », plus légitime et plus efficace.
RCV 11 REP_PUB Ile-de-France O