FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1932  de  M.   de Robien Gilles ( Union pour la démocratie française-Alliance - Somme ) QG
Ministère interrogé :  aménagement du territoire et environnement
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  09/03/2000  page :  1605
Réponse publiée au JO le :  09/03/2000  page :  1605
Rubrique :  environnement
Tête d'analyse :  politique de l'environnement
Analyse :  perspectives
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Gilles de Robien, pour poser brièvement une question.
M. Gilles de Robien. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de l'environnement, ne concerne ni les gestes de cette dernière ni les photos qui sont faites d'elle (Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste) mais tout simplement la politique de l'environnement.
Je citerai deux exemples. Beaucoup d'entre nous, en arrivant en Ile-de-France, aperçoivent de grands panneaux qui soulignent la pollution qui y sévit, ce qui inquiète, bien sûr, les provinciaux mais aussi les Parisiens, notamment les parents dont les enfants sont atteints par des maladies touchant les bronches. Qu'en est-il, madame la ministre, de l'action contre la pollution provoquée en particulier par les effets nocifs du diesel ? Une loi sur l'air a été votée il y a trois ans, mais nous en attendons toujours les décrets d'application: quand allez-vous les prendre ? Que faites-vous de concret pour favoriser la motorisation électrique des véhicules ?
M. Thierry Mariani. Rien !
M. Gilles de Robien. Pourquoi le ministère de l'environnement est-il absent des contrats de plan, laissant la part belle aux tenants du bitume et du «tout-automobile» ?
Le deuxième exemple que je citerai est celui de l'Erika. Aujourd'hui, l'Institut national de l'environnement a remis un rapport dont je vais citer un extrait: «Les rejets de l'Erika contiennent une proportion de substances toxiques pour l'homme, et notamment cancérigènes, suffisante pour constituer un danger réel qui induirait un risque pour les personnes qui y seraient exposées.» Dès lors, madame la ministre, je m'étonne, une fois de plus, avec mes amis de l'UDF, de l'absence de réactivité de votre ministère, du déficit d'information, du cruel manque d'initiative des pouvoirs publics. Pourquoi avoir tant attendu pour rendre publiques de telles informations, et encore sous la pression des médias ? Pourquoi avoir laissé tout un week-end des bénévoles, des «éco-citoyens», travailler au contact de cette pollution probablement cancérigène sur ces plages contaminées ?
Mme Odette Grzegrzulka. Quelle mauvaise foi !
M. Gilles de Robien. Nous constatons avec regret que la politique de l'environnement est en panne: l'ADEME dispose de moins de moyens, le tri sélectif et les déchetteries sont moins subventionnés. Où en sommes-nous pour le ferroutage, la lutte contre l'effet de serre, la mise en valeur de nos espaces naturels ?
Madame la ministre, la présence d'un ministre Vert dans un gouvernement ne suffit pas à faire une grande politique de l'environnement. Quand allez-vous réagir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le député, la question du bilan de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est une question sérieuse. Je vous invite donc, parce que vous aurez plus de public et que vous pourrez faire encore plus d'effets, à la poser à nouveau une prochaine semaine. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Aujourd'hui, je me contenterai de vous répondre sur un sujet qui me paraît particulièrement d'actualité et qui concerne la toxicité du fioul de l'Erika, sujet qui me semble avoir donné lieu à trop d'exploitations politiciennes contradictoires ces derniers jours.
Avant même l'arrivée des premières nappes de pétrole, des dispositions ont été prises par les pouvoirs publics pour évaluer les risques sanitaires éventuels et engager, sous l'autorité des préfets, les mesures de gestion qui visaient à prévenir ces risques.
M. Thierry Mariani. Lesquelles ?
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. A la demande des directions départementales des affaires sanitaires et sociales, le centre interrégional de toxico-vigilance du Grand-Ouest a indiqué, le 21 décembre, monsieur de Robien, soit quatre jours avant que les premières gouttes de fioul arrivent sur les côtes, que le risque par inhalation était faible, car les déchets pétroliers comportaient peu de composés organiques volatiles, mais qu'il convenait, en revanche, d'éviter les expositions cutanées. Il a estimé, en outre, que «le niveau et la durée probable d'exposition semblaient suffisamment limités pour négliger les problématiques carcinogènes».
En conséquence, dès le 24 décembre, des recommandations ont été transmises par les préfets aux professionnels et aux bénévoles, tant pour les opérations de ramassage des déchets pétroliers que pour celles de nettoyage des oiseaux. J'ai moi-même réitéré à moult reprises ces recommandations lors de mes visites sur les plages, sur les sites, devant les élus, devant les socioprofessionnels.
Cela dit, quand nous avons entendu parler de rumeurs relayées par Internet concernant la possible dangerosité d'un produit qui aurait pu ne pas être du fioul lourd n° 2 mais éventuellement un déchet, nous avons commandé des expertises et des contre-expertises complémentaires tant à l'Institut national d'évaluation des risques industriels qu'à l'institut néerlandais RIVM. Cette étude a été réalisée de façon extrêmement sérieuse. Elle a confirmé - et les résultats de l'INERIS et de RIVM sont concordants - que le fioul rejeté sur les côtes contient, comme tous les produits pétroliers, des composés toxiques, notamment des hydrocarbures aromatiques polycycliques.
L'INERIS a évalué les risques auxquels sont susceptibles d'être exposés bénévoles et professionnels en étudiant trois scénarios différents: l'exposition pendant le travail de collecte des hydrocarbures sur les plages; l'exposition au cours du nettoyage des vêtements, qui se fait avec des kärchers sous pression, et qui peut donc projeter des gouttelettes; et l'exposition dans les cliniques à oiseaux.
Les résultats des études confirment que l'exposition par inhalation et pénétration du produit à travers la peau est faible, en particulier si les mesures de protection recommandées aux professionnels et aux bénévoles ont été respectées, que l'exposition par inhalation peut être tenue comme négligeable, de même que le risque par contact, si des gants adaptés ont été portés.
Cela dit, nous savons que, dans les premiers jours du nettoyage, des bénévoles ont été invités, pour être plus précis et plus subtils dans leurs contacts avec les oiseaux, à ne pas porter de gants. C'est pourquoi nous avons demandé à l'institut de veille sanitaire d'établir un bilan épidémiologique de l'impact sanitaire éventuel des chantiers de dépollution.
Pour terminer, je voudrais vous dire deux choses, monsieur de Robien. La première, c'est que les résultats ont été mis en ligne sur le site du ministère de l'environnement au fur et à mesure de leur disponibilité. Nous n'avons rien caché à aucun moment.
Mme Odette Grzegrzulka. Très juste !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La deuxième chose, c'est que, lors de mes déplacements en Bretagne et dans les pays de Loire, j'ai été pratiquement insultée par certains élus parce que je refusais de rassurer à bon compte. J'ai été sommée de le faire. A défaut, me disait-on, il n'y aura plus un bénévole sur les plages. Je considère qu'une telle attitude aurait été irresponsable et qu'elle se serait accompagnée d'une baisse de la vigilance des bénévoles, qui, elle, aurait exposé ceux-ci à des risques inconsidérés.
M. Rudy Salles. Gardez votre sang-froid !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Rétrospectivement, je suis plutôt fière d'avoir tenu bon. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
UDF 11 REP_PUB Picardie O