Texte de la QUESTION :
|
M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les orientations préoccupantes des modifications au régime des brevets envisagées par les instances européennes, qui remettraient notamment en cause l'obligation de traduire intégralement en français les brevets européens déposés dans d'autres langues. Il relève que les arguments retenus par l'Office européen des brevets (OEB) à l'appui de ce projet unilatéral - alourdissement des coûts, allongement des délais, complexification du fonctionnement des Offices internationaux, dus à l'exigence de multilinguisme -, s'ils ne résistent pas à l'examen, occultent surtout les enjeux de ce dossier, en focalisant sur des aspects prétendûment techniques un problème éminemment politique. Il estime en effet que toute remise en cause du multilinguisme des brevets, au profit d'un monolinguisme inévitablement anglais, aurait des conséquences économiques, politiques et culturelles particulièrement préjudiciables pour notre pays. En termes économiques, les titulaires de brevets européens étant majoritairement des non-Européens, une remise en cause du multilinguisme bénéficierait avant tout aux entreprises anglo-saxonnes et constituerait une véritable distorsion de concurrence aux dépens des entreprises européennes - ce qui ne saurait échapper aux commission et cour de justice européennes. Au vu des risques d'erreur et de contrefaçon qu'engendrerait une traduction incomplète des brevets, le maintien du multilinguisme des brevets constitue également un élément fondamental de la sécurité juridique du déposant et de la sécurité du consommateur. Enfin, ces moteurs d'innovation et de création d'emplois que sont les PME-PMI, qui ont souvent du mal à défendre leurs brevets à l'étranger et doivent en acquérir pour rester concurrentielles, pâtiraient sévèrement d'une atteinte à leur intelligibilité directe, en termes de veille technologique (donc de maintien de leur expertise et compétences techniques) comme d'emplois. En termes politiques et culturels, tout recul de la traduction des brevets provoquerait d'une part un appauvrissement rapide et inéluctable de notre langue sur le plan scientifique et technique - 90 % des brevets déposés l'étant en langues étrangères -, gravement préjudiciable à l'ensemble de la communauté des chercheurs et industriels francophones. Une capitulation des pays européens sous la pression des Etats-Unis, qui leur demandent clairement d'adopter l'anglais comme langue unique en matière de brevets (pour leur plus grand profit et sans même envisager une quelconque réciprocité), ouvrirait par ailleurs une dangereuse brèche dans notre volonté affirmée de faire échapper notre potentiel de recherche et de création à l'uniformisation anglo-saxonne. Dès lors que notre Constitution stipule dans son article 2 que « La langue de la République est le français », il estime enfin qu'on ne saurait admettre que le brevet, monopole d'exploitation accordé par l'Etat, puisse être exprimé en tout ou partie autrement que dans la langue de cette République précisément appelée à garantir l'exercice de ce droit. Convaincu que le Gouvernement ne saurait ainsi sacrifier nos intérêts économiques et notre culture, il lui demande donc d'opposer un refus absolu à toute remise en cause de l'exigence d'une traduction intégrale en français des brevets européens déposés dans d'autres langues.
|
Texte de la REPONSE :
|
L'honorable parlementaire attire l'attention du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les projets de modification du régime des brevets envisagés par les instances européennes qui pourraient supprimer une partie de l'obligation de traduction. Il indique que 90 % des brevets ne sont pas déposés en français et estime que cela peut être gravement préjudiciable à l'ensemble de la communauté des chercheurs et industriels francophones s'ils ne sont pas traduits en français. Il se réfère à l'article 2 de la Constitution qui stipule que « La Langue de la République est le français » pour demander d'opposer un refus absolu à toute remise en cause de l'exigence d'une traduction intégrale en français des brevets européens déposés dans d'autres langues. Le Gouvernement constate qu'aujourd'hui l'insuffisance de prise de brevets en Europe et encore plus par les Européens pose un grave problème. Les statistiques montrent en effet que l'Europe protège moins ses innovations que le reste du monde, et que les Européens déposent moins de la moitié des brevets en Europe. Ils sont les seuls à être ainsi minoritaires dans leur propre espace économique. La leçon de ce décalage européen est d'abord le retard pris par l'Europe en termes de valorisation de l'innovation, ensuite le résultat du système actuel, issu de la convention du Munich de 1973 et contrôlé par l'Office européen des brevets (OEB), qui coordonne les procédures nationales sans créer un titre unique de propriété intellectuelle, donne un avantage, de facto, aux multinationales d'origine non européenne. Pour remédier à cette situation, le Premier ministre a annoncé lors des assises de l'innovation que la France prendrait deux initiatives, l'une en matière de relance de l'innovation, l'autre en matière de brevets européens. L'objectif fixé par le Premier ministre est de déboucher aussi rapidement que possible sur un brevet compétitif au niveau européen qui corresponde bien aux besoins des déposants. Le brevet européen devra favoriser le processus communautaire et un accord recherché avec les services de la Commission européenne et avec les partenaires de la France au sein de l'Union européenne devra être poursuivi. Il convient certainement d'inventer des solutions favorables au rayonnement de la culture scientifique et technologique française, à la commercialisation des technologies des grandes entreprises et des PME. Il importe de dresser un tableau réaliste du préjudice que fait courir à la compétitivité européenne, en particulier française, le régime actuel de brevet qui prévaut en Europe. A la suite de ces études, les propositions devront faire l'objet de larges consultations avec les partenaires de la France afin de les adapter aussi précisément que possible aux besoins des acteurs économiques qui s'engagent dans des collaborations transeuropéennes ou internationales. Elles devront distinguer entre les aspects du brevet qui correspondent aux enjeux de diffusion et d'exploitation des techniques et ceux qui correspondent aux besoins de défense juridique et de protection du patrimoine des ayants droit. En ce qui concerne les PME, le Gouvernement est tout particulièrement attaché aux critères de simplicité d'accès, de lisibilité des potentiels d'innovation et de réduction des coûts, notamment des coûts de traduction. Le Gouvernement est d'avis que ces travaux sur la réforme des brevets européens doivent se poursuivre et s'intensifier, mais en aucun cas les innovations qui seront apportées au régime des brevets européens ne pourront avoir pour effet d'imposer la langue anglaise comme unique langue de travail de l'OEB ou comme la langue unique du dépôt de brevet.
|