Texte de la QUESTION :
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M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le devenir du projet international de stabilisation des trois grands fleuves du Bangladesh (Gange, Brahmapoutre, Meghna) - l'un des pays les plus pauvres du monde, actuellement confronté aux plus grandes crues du siècle -, lancé à l'initiative de la France lors des inondations majeures de 1988. Il rappelle que le Président de la République, s'adressant le 29 septembre 1988 à l'Assemblée générale des Nations unies, avait ainsi lancé l'idée que « le développement passe par le lancement de grands projets d'intérêt mondial capables de mobiliser les énergies au service de telle ou telle région blessée par la nature », à l'exemple du Bangladesh, explicitement cité. Quelques semaines plus tard, la France avait alors publié une étude de préfaisabilité pour le contrôle des inondations au Bangladesh, qui prévoyait la construction de quelque 4 000 kilomètres de digues, d'épis de protection, de dispositifs de drainage et d'irrigation, pour un coût de dix milliards de dollars (soit 100 milliards de francs de l'époque) qui serait supporté par la communauté internationale sur plusieurs décennies. La création, lors du sommet de Paris du G7 en 1989, du Flood Action Plan (FAP) - coordonné par la Banque mondiale et financé par quinze grands pays donateurs (dont la France) - manifesta dans un premier temps une réelle volonté internationale d'engagement sur ce dossier. Il note cependant, dix ans après son lancement, que cette ambitieuse initiative internationale ne s'est nullement concrétisée sur le terrain. Aucun des seize projets pilotes retenus par le FAP en 1995 n'aurait ainsi vu le jour, en dépit des quelque 150 millions de dollars consacrés à la réalisation de multiples études théoriques et rapports techniques à ce sujet. Alors que trente millions de Bangladais (soit le quart de la population nationale) actuellement sans abri du fait des inondations ont un besoin urgent d'aide internationale, il s'interroge sur les raisons profondes de l'inaboutissement de cette initiative d'inspiration française, qui tendrait une nouvelle fois à témoigner - comme l'écrivait en 1996 M. Hubert Védrine à propos de la tragédie yougoslave - que « la fameuse communauté internationale» est un objectif, un objectif louable, certes, mais pas encore une réalité «, sachant qu'elle » ne prend momentanément corps que si les puissances effectives sont exactement sur la même longueur d'ondes «. Il lui demande donc de lui indiquer l'analyse qu'il fait de cet échec, ainsi que les pistes de travail envisagées par la France afin de relancer de dossier.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire a bien voulu attirer l'attention du Gouvernement sur le phénomène des inondations au Bangladesh et les moyens de les prévenir. Le Bangladesh est en effet actuellement confronté aux conséquences des inondations les plus graves du siècle, largement supérieures en durée et en étendue à celles de 1988. Les inondations ont débuté au début du mois d'août. Le niveau du Gange, du Brahmapoutre et du Meghna n'a cessé de s'élever jusqu'à la mi-septembre, et a reflué depuis. Les conséquences humaines, en particulier alimentaires, et économiques sont lourdes. Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ce phénomène naturel quant aux moyens nécessaires pour surmonter leurs conséquences néfastes. Il faut souligner que les crues annuelles au Bangladesh sont d'abord l'une des sources principales de la fertilité des sols. Elles peuvent aussi se révéler un fléau lorsqu'elles dépassent une certaine mesure, ce qui advient à un rythme régulier, à intervalle de 7/8 ans environ. C'est le cas cette année. Ainsi que le souligne l'honorable parlementaire, après la crue exceptionnelle de 1988, le gouvernement français s'est mobilisé pour susciter un mouvement de soutien international à ce pays sur le thème de la lutte contre les crues. Sans le soutien appuyé de la France, dans le cadre du G 7 au sommet de l'Arche en 1989, le plan de lutte contre les crues au Bangladesh n'aurait certainement pas vu le jour. La volonté de réunir la communauté internationale pour soutenir un des pays les plus déshérités dans sa lutte contre une catastrophe naturelle et la capacité à mobiliser cette communauté sont à mettre au crédit de la France. La participation française totale au plan d'action contre les crues a positionné la France au deuxième rang des bailleurs de fonds de ce plan, juste après l'Allemagne. Ce plan a constitué un exemple exceptionnel de collaboration entre bailleurs de fonds dans un même programme de développement. Le financement et la réalisation de ce programme ont été répartis entre onze bailleurs de fonds bilatéraux et quatre multilatéraux. La plupart des vingt-six composantes du plan ont été partagées par plusieurs bailleurs. La durée de réalisation du plan était prévue sur cinq ans, de janvier 1990 à décembre 1994. La plupart des études ont été terminées dans les délais. Des prolongements ont été prévus pour certaines composantes du plan. Un des résultats concrets du plan est le portefeuille de trente-quatre projets qui ont été inclus dans la stratégie de gestion de l'eau et des crues. En effet, les conclusions et les recommandations de l'évaluation réalisée à l'issue du plan ont été débattues lors de la conférence sur la stratégie de gestion de l'eau et des crues qui s'est tenue à Dacca en novembre 1995. Le plan s'est alors élargi pour devenir désormais une » stratégie nationale pour la gestion des eaux et des crues au Bangladesh «. Celle-ci comprend la réalisation de projets identifiés par les études du plan d'action contre les crues. Onze bailleurs de fonds, dont la France, se sont engagés à soutenir cette stratégie. Il est exact que la plan d'action contre les crues a alimenté le débat international sur l'opportunité d'investissement massifs dans les PMA. Les oppositions au plan ont été cristallisées sur les effets négatifs des grands ouvrages de protection. Les associations, suivies par des fractions de la population et de ses représentants, se sont opposées à l'aspect peu démocratique de décisions de réalisation d'infrastructures qui conditionnent le mode de vie des populations concernées, et dont les effets seraient défavorables aux populations les plus démunies. Elles ont par ailleurs souligné les conséquences écologiques désastreuses que pouvaient avoir ces réalisations sur la biodiversité très particulière et mal connue des plaines inondées. Ces débats ne sont pas clos. Pour ces raisons, les études et les projets ont dû prendre en compte avec une importance accrue la participation des populations et l'étude des effets sur l'environnement. La protection des crues a été incluse dans la stratégie de gestion de l'eau : il s'agit en priorité d'assurer la régulation des apports en eau, qui constitue la principale richesse du pays. Loin d'être négligeable, ces évolutions devraient déboucher dans les années à venir sur une prise en compte du problème des crues au niveau de l'ensemble du bassin du Gange, du Brahmapoutre et de la Meghna, dont le Bangladesh ne représente que 8 % en surface, mais dont il constitue le delta et en subit les conséquences. Ainsi, en écartant l'idée de travaux extrêmement onéreux, qui soulevaient l'opposition des populations locales, des programmes moins ambitieux ont été définis. Parmi ceux-ci il y a eu sans conteste une formation des ruraux à la protection de leurs villages dont on estime qu'elle a joué un rôle très important au cours des dernières crues et permis de limiter le nombre des victimes. On peut considérer également que la sensibilisation de l'opinion publique par l'élaboration du plan d'action a conduit à la construction de digues à l'ouest de Dacca qui ont permis de protéger la capitale contre les débordements des rivières dans cette zone. Il faut enfin également souligner que le gouvernement bangladais n'a pas évoqué de possible relance du plan d'action contre les crues, mais estime plutôt qu'il convient de porter l'accent sur le dragage des cours d'eau. Actuellement un immense travail d'établissement des priorités et d'organisation de la reconstruction du Bangladesh est en cours. Dans le cadre de l'ONU, le secrétaire général des Nations Unies a présenté un appel d'urgence, pour un montant de 223 millions USD, en faveur des victimes des inondations au Bangladesh. Les premières réponses sont d'ores-et-déjà très positives. Les autorités bangladaises ont d'ailleurs remercié la communauté internationale au début du mois d'octobre pour son action. En concertation avec l'ensemble de nos partenaires européens et la communauté internationale en général, le gouvernement français continue de suivre la situation de très près et participe activement à la fourniture de l'aide internationale dont ce pays a un grand besoin.
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