FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1969  de  M.   Birsinger Bernard ( Communiste - Seine-Saint-Denis ) QG
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  22/03/2000  page :  2355
Réponse publiée au JO le :  22/03/2000  page :  2355
Rubrique :  élections et référendums
Tête d'analyse :  élections municipales
Analyse :  droit de vote. ressortissants extracommunautaires
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Bernard Birsinger.
M. Bernard Birsinger. Monsieur le président, chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le 21 mars est la journée internationale de lutte contre le racisme. De très nombreuses initiatives se tiennent dans le pays pour faire reculer ce fléau. Et nous nous félicitons que le Gouvernement ait annoncé samedi des mesures visant à lutter contre les actes racistes dans le travail et le logement.
Mais peut-être pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, aller plus loin en ce jour symbolique et en finir avec une discrimination majeure qui frappe les étrangers non communautaires. Je parle bien évidemment du droit de vote et d'éligibilité pour les élections municipales. L'apport de ces hommes et de ces femmes à la société française est en effet considérable. Ce progrès démocratique vers l'égalité des droits permettra aux habitants de nos villes de mieux vivre ensemble. J'irai même plus loin: pour promouvoir une nouvelle démocratie, une citoyenneté qui associe chacune et chacun aux grands choix collectifs, nous avons besoin d'eux. C'était d'ailleurs un des grands engagements de 1981 et cela reste aussi un des grands rendez-vous manqué de cette période.
Aujourd'hui, cette exigence est majoritaire dans notre peuple. De nombreuses associations ont pris une part décisive dans cette évolution. Je pense particulièrement à celles qui se sont regroupées au sein du collectif «Même sol, mêmes droits, même vote». En octobre dernier, le groupe communiste a déposé une proposition de loi qui a relancé le débat.
Tous les groupes de la majorité plurielle souhaitent une telle réforme à laquelle certains maires de grandes villes de l'opposition sont favorables. Des millions de citoyens, notamment les étrangers qui vivent ici depuis de nombreuses années et dont les enfants sont, pour la plupart, français, attendent de votre part une détermination comparable à celle qui fut la nôtre pour le PACS ou pour les 35 heures.
Une telle mesure ferait honneur à la gauche, à notre pays et serait un signal fort lancé à l'Europe, particulièrement aux démocrates autrichiens. Une volonté politique claire permettrait d'accorder le droit de vote aux étrangers dès les municipales de 2001. Le temps est compté, mais c'est encore possible. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à tout mettre en oeuvre pour que ce droit soit effectif dès les élections municipales de 2001 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
Mme Frédérique Bredin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, en interrogeant le Gouvernement sur le droit de vote des étrangers aux élections municipales, vous posez la question très vaste des liens entre citoyenneté et nationalité. Si les citoyens français ont la responsabilité de l'avenir de la France, de son influence, de son rayonnement, de sa cohésion, on ne peut demander la même chose à des étrangers qui ont préféré conserver la nationalité de leur pays d'origine, ce qui est d'ailleurs leur droit. Pour autant, en vertu du traité de Maastricht, les étrangers ressortissants de l'Union européenne peuvent voter aux élections municipales.
La question que vous posez, monsieur le député, a déjà été évoquée au sein de la majorité plurielle. Votre groupe a déposé une proposition de loi. Quant au groupe socialiste, il a également déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et l'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Le Mouvement des citoyens a adopté une attitude d'ouverture pour que le droit de vote puisse être accordé au moment du renouvellement de la carte de dix ans, mais seulement pour les élections locales et, à ma connaissance, les Verts ont réagi de la même façon. S'agissant des groupes de l'opposition, j'ai cru entendre M. Barre dire quelque chose d'analogue.
Sur un tel sujet, il faut éviter de lancer un brûlot qui aurait pour seul effet de ressusciter des passions malsaines. Nous devons faire un effort de conviction, de rassemblement pour que de telles dispositions, concernant les élections locales seulement, n'interviennent que dans le cadre d'un large consensus.
Cela dit, monsieur le député, il faut garder le sens du relief et se rappeler que les quelque 2 millions de jeunes nés des dernières vagues de l'immigration et possédant la nationalité française connaissent un taux de chômage double, voire triple, de celui des autre jeunes. Le Gouvernement a donc organisé les Assises de la citoyenneté et le Premier ministre a annoncé toute une série de mesures, notamment l'octroi de 5 000 bourses de service public, de 10 000 bourses au mérite pour favoriser l'accès à la fonction publique, ainsi que des dispositions facilitant la naturalisation pour des jeunes arrivés avant l'âge de six ans sur le territoire national, institutionnalisant et donnant un nouvel élan aux commissions d'accès à la citoyenneté. Cette politique concerne près de 2 millions de jeunes et je voudrais que vous ayez cela à l'esprit lorsque vous évoquez la question du droit de vote des étrangers non communautaires. Pour ma part, je pense que les Algériens, les Marocains, les Tunisiens, les Sénégalais ou les étrangers appartenant à l'ancienne Communauté pourraient accéder au droit de vote aux élections locales dans les mêmes conditions que les étrangers communautaires. Mais c'est là un débat que nous devons avoir en toute sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
COM 11 REP_PUB Ile-de-France O