Texte de la QUESTION :
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M. Jean Vila fait part à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation de sa vive inquiétude à l'égard de procédés constitués par des tentatives de l'administration de vouloir procéder à des mutations en raison de l'activité politique ou syndicale de fonctionnaires ou d'époux de fonctionnaires. Ces projets de mutations tentent de se dissimuler derrière « l'intérêt du service » alors que pourtant, simultanément, des comportements relatifs à l'obligation de réserve seraient invoqués par l'administration. A chaque fois il semble que l'intervention d'élus municipaux, disposant ou ayant disposé de mandats nationaux, soit à l'origine de ces actions administratives. Parfois ces élus sont proches de l'extrême droite. L'obligation de réserve des fonctionnaires, qui n'est définie par aucun texte, connaît son champ défini par la jurisprudence du Conseil d'Etat. Sont sanctionnés, en général, des comportements qui peuvent conduire le public à penser que la neutralité du service public considéré serait en cause, que ce service public pourrait agir de façon qui ne serait plus impartiale. Le Conseil d'Etat veille à ce que cette obligation ne paralyse pas la liberté d'opinion, plus large même que la notion d'opinion politique, et son corollaire indispensable, la liberté d'expression. Bien entendu la publication de tracts ou positions émises par les institutions politiques ou associatives, qu'elles soient locales ou nationales, ne peut être imputée à leurs rédacteurs membres de celles-ci ou appartenant même à leurs organes dirigeants. « L'intérêt du service » ne se conçoit que dans l'intérêt du service rendu à la population. Les liens sont d'ailleurs difficiles à dissocier entre les faits de nature à nuire à l'intérêt du service et les faits de nature disciplinaire : le droit disciplinaire n'a-t-il pas pour fonction éminente de protéger l'intérêt du service ? Il s'agit donc la plupart du temps d'arguties juridiques inacceptables destinées à tenter d'intimider les agents ou tromper les juges. Dans ces conditions et compte tenu d'affaires récentes, est-il possible de lui indiquer s'il est envisagé que les instructions les plus fermes soient rappelées ou données tant au services centraux de l'Etat qu'à ses services déconcentrés, et qu'ils exercent dans ce cadre la tutelle la plus stricte sur les établissements publics qui en relèvent.
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Texte de la REPONSE :
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La mutation d'office est prononcée, comme toute mutation, dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire. Plusieurs circonstances peuvent la motiver. Elle est décidée lorsqu'il y a urgence à pourvoir un poste vacant. Elle peut aussi intervenir en vue d'améliorer la répartition du personnel au sein d'une administration. Elle peut également être la conséquence d'une inaptitude à exercer des fonctions ou d'une attitude pouvant nuire au bon fonctionnement du service, sans qu'une faute professionnelle soit pour autant reprochée à l'agent. Ainsi, une prise de position publique sur un problème politique d'ordre général qu ne constitue pas en elle-même un manquement au devoir de réserve peut néanmoins justifier une mutation d'office si elle est susceptible de nuire à la neutralité du service public de l'enseignement (CE, 6 octobre 1965, Mayoux). De même, des relations de travail rendues difficiles par la mésentente entre l'agent et ses collègues (CE, 16 mai 1986, Cabarat) ou le caractère public pris par des différends d'ordre privé (CE, 30 octobre 1992, ministre de l'intérieur contre M. Blandin) peuvent conduire à une mutation d'office. Une mutation d'office ne peut, par contre, être motivée par des reproches concernant la valeur professionnelle de l'agent et ne peut aboutir à un déclassement dans les fonctions exercées par le fonctionnaire concerné et/ou à une baisse de sa rémunération. La jurisprudence admet toutefois que la perte d'avantages accessoires à la suite d'une mutation d'office ne rend pas celle-ci illégale. Le déplacement d'office correspond à une sanction disciplinaire du deuxième groupe et fait donc suite à une faute commise par l'agent. Il est entouré des garanties procédurales applicables habituellement en matière disciplinaire. Différentes fautes professionnelles peuvent justifier un déplacement d'office. Ainsi, le refus de se conformer aux modalités de fonctionnement du service dans lequel l'agent travail (CE, 12 février 1988, Alezrah) ou la méconnaissance des obligations de réserve, de discrétion professionnelle et d'obéissance hiérarchique (CE, 29 mars 1993, Hernandez) peuvent justifier cette sanction. Le déplacement d'office des fonctionnaires qui exercent un mandat syndical peut donc être prononcé en cas de violation des règles fixées par la jurisprudence en matière d'obligation de réserve qui sont cependant atténuées dans le cas de l'exercice d'un mandat syndical. Le déplacement d'office se traduit généralement par la modification de la situation pécuniaire et administrative de l'agent, par exemple lorsqu'une part importante de ses attributions lui est retirée. La ligne de démarcation entre la mutation d'office et le déplacement d'office est parfois difficile à tracer dans la pratique. Le juge administratif est très attentif à sanctionner les mesures disciplinaires déguisées. Une mutation d'office peut ainsi être requalifiée en déplacement d'office lorsqu'elle est motivée par des reproches concernant la valeur professionnelle de l'agent (CE, 1er avril 1996, syndicat intercommunal du collège d'enseignement secondaire d'Esbly et Crécy-la-Chapelle) et/ou lorsqu'elle aboutit à porter atteinte à la situation professionnelle de celui-ci (CE, 22 décembre 1971, ministre de l'éducation nationale contre Lesne), ou lorsque l'intention disciplinaire apparait du fait, par exemple, d'une procédure expéditive (CE, 2 décembre 1959, Hermann). Le juge est ainsi amené à annuler ces sanctions déguisées pour non respect des garanties disciplinaires (CE, 13 juillet 1961, Sébaoun). Le juge annule également les mutations d'office qui ne constituent pas des sanctions déguisées mais ne sont pas justifiées par l'intérêt du service (mutation motivée par une animosité personnelle, par exemple (CE, 31 octobre 1973, Gille). Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation est naturellement soucieux d'éviter la confusion entre mutation et déplacement d'office et à ce que soient respectées les garanties accompagnant toute procédure disciplinaire. Dans cet esprit, un guide de la discipline dans la fonction publique vient d'être publié par la documentation française et a été très largement diffusé à l'ensemble des administrations. Il a pour but d'éclairer celles-ci sur les règles régissant le droit disciplinaire et notamment la distinction à opérer entre mutation et déplacement d'office. Il est également destiné à l'ensemble des fonctionnaires puisqu'il leur donne une information sur les obligations qu'ils doivent remplir pour l'exécution du service public et sur les droits et garanties dont ils disposent dans le cadre des procédures disciplinaires qui peuvent être dirigées contre eux.
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