FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1997  de  M.   Cuvilliez Christian ( Communiste - Seine-Maritime ) QG
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  05/04/2000  page :  3010
Réponse publiée au JO le :  05/04/2000  page :  3010
Rubrique :  banques et établissements financiers
Tête d'analyse :  crédit commercial de France
Analyse :  acquisition par HSBC
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Christian Cuvilliez.
M. Christian Cuvilliez. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Depuis deux jours, une campagne calamiteuse, et peut-être sans fondement, stigmatise le manque de patriotisme fiscal de Laetitia Tasca... (Rires et exclamations.)
M. le président. Mme Tasca est toujours ici, monsieur Cuvilliez ! (Sourires.)
M. Christian Cuvilliez. C'est de Laetitia Casta dont je veux parler, bien sûr ! On voit bien quelle est la véritable cible.
Mais ceux-là mêmes qui mènent cette campagne célèbrent avec force louanges le succès de la vente à l'encan du Crédit commercial de France par ses actionnaires à l'HSBC - Hong Kong and Shanghai Banking Corporation. («Bravo !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Au moment où nous allons aborder la discussion du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques visant à moraliser les transactions, les OPA et les OPE, à les rendre plus transparentes, à sécuriser le marché, le Crédit commercial de France se vend trois fois et demie le prix de sa valeur comptable dans le secret de négociations de week-end, avec à la clé des plus-values affriolantes pour les principaux cadres actionnaires et dirigeants, sans préjudice des stock-options pour l'avenir. Cette opération laisse 13 400 salariés du CCF hors du champ de l'information et a fortiori de l'intervention, hors du champ de l'aubaine sur l'échange ou l'achat des actions, et qui plus est dans la crainte d'avoir à payer la rançon d'un tel succès sur la masse salariale. Cette première prise de contrôle d'une banque française par un établissement étranger pose la question de l'intervention de l'autorité publique.
Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour empêcher cette absorption qui n'est librement consentie que par ceux à qui elle profite ? Quelle transparence, quelle moralisation, quelle protection de notre secteur bancaire à base nationale, quelle garantie pour les emplois allez-vous exiger face à cette appropriation supranationale du CCF par le cheval de Troie anti-euro, HSBC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, vous avez commencé par une allusion à la situation d'une jeune femme, pour centrer ensuite l'essentiel de votre question sur l'opération bancaire CCF-HSBC. Je n'ai pas le temps de traiter les deux sujets. Je me consacrerai donc au second, mais si d'autres veulent que je revienne sur le premier, compte tenu de sa nature ce sera avec plaisir ! (Sourires.)
La question de l'offre publique d'échange-offre publique d'achat de la société HSBC sur le CCF est très importante puisque c'est la première fois qu'une banque française classée parmi les dix premières du pays fait l'objet d'une acquisition par une grande banque étrangère. A cette question sérieuse, il faut répondre sérieusement, comme vous m'y avez invité.
D'abord, quels sont les faits ? Avant cette opération, le CCF, qui est un établissement très bien géré, représentait, en termes de capitalisation boursière, à peu près 10 milliards d'euros. Dans le passé, plusieurs tentatives avaient été faites, et on le comprend, pour rapprocher cette grande banque d'autres banques françaises. Mais elles avaient échoué ! Et tous ceux qui, comme vous, connaissent ces questions savent qu'il n'y a pas, sur la place française, de société ayant envisagé de se marier avec le CCF. J'ajoute que, de fait, celui-ci était déjà à majorité étrangère puisque 58 % de son capital était détenu par des groupes étrangers, ING, le principal actionnaire, étant néerlandais,...
M. Pierre Lellouche. Qu'est-ce qu'on attend pour nos fonds de pension ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... KBC, belge, et Swiss Life étant de nationalité suisse, comme son nom l'indique. Le CCF était donc une proie possible.
A partir de là, à la fin de la semaine dernière, la deuxième banque mondiale asiatique et britannique a fait une proposition pour acquérir le CCF. Quels sont les pouvoirs des autorités françaises et quelle peut être notre réaction ?
Sur le plan administratif, l'essentiel est entre les mains du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement - CECEI -, autorité qui contrôle les établissements en matière bancaire. Or, il ne s'est pas encore prononcé. Cela dit, dans la mesure où le CCF détient un élément d'une compagnie d'assurance, une autorisation gouvernementale est nécessaire et le ministère des finances peut donc intervenir. Quelle a été notre préoccupation, sans pour autant que nous ayons à donner une approbation formelle ?
D'abord, et c'est l'essentiel, nous veillerons à la préservation des intérêts français. Mais l'acquéreur n'étant pas implanté dans la zone euro, il n'y aura pas de compétition entre cette banque et le CCF sur ce plan, alors que cela aurait été le cas si l'acquéreur avait été néerlandais.
Ensuite, il est très important de voir si l'emploi pourra être préservé et si des marges de développement pourront être réalisées. Or, de ce point de vue-là, le conseil d'administration du CCF, où les salariés sont représentés, s'est prononcé à l'unanimité en faveur de ce qui a été proposé à la direction par HSBC. Il n'y a eu ni voix contre ni abstention. Mais, bien évidemment, nous resterons vigilants quant à la bonne fin de l'opération.
J'ajouterai deux remarques.
D'une part, nos établissements prennent aussi des positions et des contrôles sur des banques européennes ou des banques internationales. Dès lors que l'essentiel est respecté, il faut s'attendre à ce que la réciproque puisse exister.
D'autre part et surtout, nous devons tous veiller à ce que des mouvements de cette sorte, mais hostiles ceux-là, ne se produisent pas à l'égard d'autres banques; et c'est sans doute le sens profond de votre question. Je vous rappellerai donc la jurisprudence du CECEI (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), dont les termes sont pesés: il faut que la proposition soit claire et concertée. Il n'est pas question qu'il y ait acquisition d'un établissement bancaire important en France sans accord entre l'acquéreur, la banque cédée et les pouvoirs publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
COM 11 REP_PUB Haute-Normandie O