Texte de la QUESTION :
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M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur la « guerre du coton écru » qui fait rage depuis bientôt cinq ans au sein de l'Union européenne et qui fut déclenchée, en janvier 1994, par une plainte des tisseurs européens d'Eurocoton qui s'estimaient lésés par des importations communautaires trop bon marché en provenance de six pays tiers - Chine, Inde, Indonésie, Pakistan, Egypte et Turquie. Il rappelle qu'à l'issue d'une première enquête de la Commission européenne, celle-ci conclut effectivement au dumping des six pays exportateurs incriminés, le préjudice - correspondant à la différence entre les prix européens et ceux artificiellement minorés par les dix-neuf entreprises en cause - portant en l'espèce sur près d'un tiers des 379 millions d'écus que représentait en valeur la part des importations communautaires provenant de ces six Etats en 1995. A titre provisoire, la Commission envisagea donc en septembre 1996 d'imposer aux contrevenants, pour une durée de six mois, des droits de douane punitifs s'échelonnant entre 18,3 et 36,1 %. Au sein du comité consultatif antidumping, où siègent les experts nationaux des Quinze, neuf pays (Grande-Bretagne, Allemagne, Suède, Finlande, Luxembourg, Irlande, Autriche, Pays-Bas, Danemark) s'opposèrent cependant au projet de la Commission, se ralliant ainsi aux deux arguments clés avancés par les industriels du secteur de la transformation textile, selon lesquels : d'une part, les droits antidumping détruiraient dans le secteur de la transformation textile européenne bien plus d'emplois qu'ils n'en protégeraient dans celui des tisseurs d'Eurocoton ; d'autre part, cette pénalisation pourrait conduire les six pays exportateurs concernés à délaisser le coton écru au profit de produits plus finis, au risque d'une pression accrue sur la transformation textile européenne, sans aucun profit pour les tisseurs européens. C'est donc contre l'avis de neuf Etats membres que la Commission décida, le 20 novembre 1996, d'imposer des sanctions à ces six pays. Mais, pour que ces sanctions de six mois se transforment en droits définitifs d'une durée de cinq ans, la Commission a cependant besoin de l'aval du Conseil des ministres et, lorsque s'effectua le 16 mai 1997 le décompte des votes nationaux, les neufs capitales européennes qui avaient pris position contre la Commission en 1996 renouvellèrent leur opposition, rendant ainsi ces sanctions caduques, au-delà des six mois initiaux. Les tisseurs d'Eurocoton formèrent alors, dès le 26 mai 1996, une nouvelle plainte qui aboutit le 25 mars 1998 à une nouvelle pénalisation provisoire, par le Commission, des six mêmes pays, contre l'avis des mêmes Etats membres. Soucieuse de ne pas se voir infliger un nouveau revers, la Commission baissa toutefois par la suite les droits punitifs infligés, en exempta la Turquie et proposa par ailleurs aux cinq autres pays concernés de pratiquer des prix moins bas. Peine perdue : le 16 septembre 1998, le comité consultatif antidumping lui infligea un nouveau camouflet en rejetant ces sanctions par huit voix contre six (la Belgique s'étant alors abstenue), laissant prévoir un nouveau rejet définitif lors du Conseil des ministres du 9 octobre prochain. Au vu de tous ces éléments et compte tenu des répercussions de ce dossier sur les industries de l'habillement, du linge de maison et de l'ameublement, il lui demande d'expliciter la position de la France sur ce dossier, ainsi que les voies permettant de sortir de l'impasse actuelle.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire a bien voulu attirer l'attention du ministre délégué chargé des affaires européennes sur l'état de la concurrence dans le secteur du coton écru et plus particulièrement sur la question de la dernière procédure antidumping mise en oeuvre par la Commission, dans ce secteur. Comme le sait l'honorable parlementaire, la Commission, sur plainte du syndicat Eurocoton (qui représente une partie des industriels européens du secteur), avait engagé une procédure antidumping en juillet 1997 sur les importations de tissus de coton écru en provenance de six pays : la Chine, l'Egypte, l'Inde, l'Indonésie, le Pakistan et la Turquie. Cette procédure faisait elle-même suite à des procédures antidumping similaires qui n'avaient pu précédemment aboutir. Après avoir institué, le 25 mars 1998, des droits privisoires, qui relèvent de sa seule responsabilité, la Commission a soumis aux Etats membres un projet de règlement définitif qui prévoyait notamment l'exclusion de la Turquie du champ des mesures définitives, la mise en oeuvre d'engagements de prix, et la fixation de droits antidumping résiduels. Fidèle à la position qui a toujours été la sienne dans le suivi de ce dossier, le Gouvernement français a soutenu, au sein des instances compétentes du Conseil, la proposition de la Commission. Reposant sur l'identification de cas de dumping avérés, cette proposition, qui répondait aux préoccupations légitimes de la filière cotonnière française, essentielle en termes d'emplois et d'aménagement du territoire, était de nature à apporter une solution équitable au problème posé. En dépit de nos efforts, cette proposition n'a pas pu aboutir. C'est pourquoi la Commission a choisi, en accord avec la présidence autrichienne de l'Union, de ne pas y donner suite à ce stade. Le Gouvernement tient à souligner le caractère paradoxal de cette situation, dans laquelle la Commission, qui avait elle-même constaté les pratiques de dumping dénoncées par certaines entreprises, n'a pas pu réunir autour de sa proposition la majorité qualifiée des Etats membres de l'Union. Cela pose à l'évidence la question de l'efficacité des instruments de politique commerciale de l'Union dont cette affaire a montré les limites. Dans ces conditions, l'honorable parlementaire peut compter sur l'entière détermination du Gouvernement, d'une part, pour continuer à suivre de près l'évolution de ce dossier, d'autre part, pour proposer à nouveau à nos partenaires, comme il a déjà eu l'occasion de le faire, d'améliorer le fonctionnement des instruments de politique commerciale de l'Union, qui, à l'instar de l'antidumping, doivent reposer sur des critères objectifs.
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