Texte de la QUESTION :
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M. Maurice Leroy souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur l'Accord multilatéral sur l'investissement en cours de négociation à l'OCDE. Ce projet de libéralisation des investissements internationaux, par des dispositions touchant aux domaines social et environnemental, remet en cause la souveraineté des Etats et des citoyens dans ces domaines essentiels. Le principe de l'obligation d'abrogation des législations nationales qui ne seraient pas conformes aux dispositions de l'AMI n'est pas acceptable. Les négociations avaient été suspendues à la demande de la France, pour une durée de six mois, à partir d'avril 1998. Celles-ci devaient reprendre à partir de novembre. S'appuyant sur les conclusions de la consultation confiée à madame Catherine Lalumière, le Gouvernement a annoncé récemment, devant la représentation nationale, le refus de la France de reprendre les négociations en l'état, dans le cadre de l'OCDE. La Grande-Bretagne et plusieurs pays de l'Union européenne viennent d'annoncer leur souhait de voir reprendre les négociations sur l'AMI dans le cadre de l'OMC. Il demande au Gouvernement son sentiment face à cette annonce et la position qu'il compte adopter vis-à-vis des partenaires de l'Union européenne. Il lui demande qu'un débat devant la représentation nationale puisse être engagé, afin qu'elle soit informée régulièrement de l'évolution des propositions et de la position adoptée par le Gouvernement. Il lui rappelle qu'en aucun cas la pression de nos partenaires, et notamment des Etats-Unis, ne doit aboutir à des solutions qui seraient contraires aux intérêts essentiels de la France. Il attend sur ce point des réponses précises.
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Texte de la REPONSE :
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Ainsi que le sait l'honorable parlementaire, le Premier ministre a informé la représentation nationale le 14 octobre des raisons qui ont conduit la France à refuser la poursuite de la négociation de l'Accord bilatéral sur l'investissement à l'OCDE. En premier lieu, il convient de rappeler que nous avions demandé la suspension des négociations lors de la réunion ministérielle de l'OCDE fin avril 1998, faute d'avoir obtenu des progrès suffisants sur les quatre conditions exposées par la France en février 1998. Ces quatre conditions étaient les suivantes : la préservation de l'exception culturelle, le refus de légitimer les législations américaines à portée extraterritoriale, la préservation de la construction européenne dans tous ses éléments (acquis communautaires, intégration, élargissement), et le développement de normes contraignantes dans les domaines social et environnemental. Une mission de consultation de la société civile et d'évaluation de la négociation a été confiée en mai dernier à Mme Catherine Lalumière, député au Parlement européen. Dans son rapport, présenté au Premier ministre en octobre, Mme Lalumière a mis en évidence la difficulté qu'il y aurait à réformer ce projet d'accord, dont la conception même était contestée, pour lequel l'intérêt des milieux d'affaires apparaissait limité, et qui surtout posait des problèmes fondamentaux pour la souveraineté des Etats. En effet, le projet d'accord ne se contentait pas de poser le principe de non-discrimination entre investisseurs nationaux et étrangers, mais allait au-delà, en imposant aux Etats le respect d'obligations absolues à l'égard des investisseurs étrangers qui auraient limité la capacité des Etats à réglementer au niveau national. Une seconde menace était constituée par le projet de création d'un système international de règlement des différends permettant à des entreprises d'attaquer directement des Etats en raison de lois nationales existantes. Enfin, l'architecture de l'accord même était en cause : fondée sur l'établissement par chaque Etat de listes de réserves, ou exceptions au principe de libéralisation de l'ensemble des secteurs, cette approche négative inverse l'approche multilatériale traditionnelle, qui consiste à libéraliser les seuls secteurs qui sont offerts à la négociation. Prenant acte de la double dissymétrie qui aurait résulté de la combinaison de ces innovations, dissymétrie entre les droits des Etats et ceux des entreprises, mais également entre les investisseurs nationaux et étrangers, le Premier ministre a conclu que nous ne pourrions poursuivre les négociations sur un tel projet d'accord dans le cadre de l'OCDE. Au vu de l'importance que représentent les investissements français à l'étranger et des investissements étrangers en France, la nécessité d'élaborer un cadre multilatéral approprié pour l'investissement demeure, c'est pourquoi le Premier ministre a proposé de reprendre la négociation dans l'enceinte plus appropriée qu'est l'OMC, dont le mode de travail, l'approche progressive de la libéralisation et la vocation universelle correspondent aux objectifs que la France s'est fixés en la matière. Plusieurs de nos partenaires de l'Union européenne ont à leur tout indiqué qu'ils partageaient notre souhait d'associer les Etats en développement à l'élaboration d'un tel accord dans le cadre de l'OMC, ce dont le Gouvernement français se félicite. Il entend poursuivre ses efforts afin de rallier le plus grand nombre possible d'Etats au projet de lancement d'une négociation sur l'investissement, qui pourrait alors être évoqué lors de la troisième conférence ministérielle de l'OMC, à la fin de l'année prochaine. Enfin, il peut être rappelé que le Premier ministre avait, le 14 octobre, assuré la représentation nationale de son intention de la tenir informée des évolutions significatives de ce dossier.
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