FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 213  de  M.   Meyer Gilbert ( Rassemblement pour la République - Haut-Rhin ) QOSD
Ministère interrogé :  PME, commerce et artisanat
Ministère attributaire :  PME, commerce et artisanat
Question publiée au JO le :  25/02/1998  page :  1610
Réponse publiée au JO le :  04/03/1998  page :  1815
Rubrique :  entreprises
Tête d'analyse :  réglementation
Analyse :  artisans travaillant en Allemagne
Texte de la QUESTION : M. Gilbert Meyer appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur les obligations qui s'imposent depuis le 1er janvier 1997 aux artisans français effectuant des prestations de services en Allemagne. Ces obligations, assorties de contrôles particulièrement stricts, sont de deux ordres : déclaration du personnel auprès de l'office de l'emploi (Landesarbeitsamt) et versement d'un salaire horaire au moins égal à 17 DM. Par manque d'informations, de nombreuses entreprises françaises n'ont pas procédé aux déclarations imposées. Elles se sont donc involontairement trouvées en infraction, avec pour conséquence des amendes variant de 500 à 3 000 DM selon le cas. Le versement d'un salaire horaire minimum de 17 DM (soit environ 58 F) s'apparente en outre à une mesure de protectionnisme déguisé. En France, ce niveau salarial est en effet couramment celui des chefs d'équipe, non des ouvriers. De fait, nombre d'entreprises artisanales françaises risquent d'être écartées du marché allemand. Aussi lui demande-t-il de lui faire connaître les actions envisagées, pour mettre un terme à ce protectionnisme qui nous interpelle, au moment où nous cherchons tous à harmoniser les rapports économiques au sein de la CEE.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Gilbert Meyer a présenté une question, n° 213, ainsi rédigée:
«M. Gilbert Meyer appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur les obligations qui s'imposent depuis le 1er janvier 1997 aux artisans français effectuant des prestations de service en Allemagne. Ces obligations, assorties de contrôles particulièrement stricts, sont de deux ordres: déclaration du personnel auprès de l'office de l'emploi (Landesarbeitsamt) et versement d'un salaire horaire, au moins égal à 17 DM. Par manque d'informations, de nombreuses entreprises françaises n'ont pas procédé aux déclarations imposées. Elles se sont donc involontairement trouvées en infraction, avec pour conséquence, des amendes variant de 500 à 3 000 DM selon le cas. Le versement d'un salaire horaire minimum de 17 DM (soit environ 58 francs) s'apparente en outre à une mesure de protectionnisme déguisé. En France, ce niveau salarial est en effet couramment celui des chefs d'équipe, non des ouvriers. De fait, nombre d'entreprises artisanales françaises risquent d'être écartées du marché allemand. Aussi lui demande-t-il de lui faire connaître les actions envisagées pour mettre un terme à ce protectionnisme qui nous interpelle, au moment où nous cherchons tous à harmoniser les rapports économiques au sein de la CEE.»
La parole est à M. Gilbert Meyer, pour exposer sa question.
M. Gilbert Meyer. Madame le secrétaire d'Etat aux petites entreprises, au commerce et à l'artisanat, depuis le 1er janvier 1997, les artisans français souhaitant effectuer des travaux en Allemagne doivent se plier à de nouvelles formalités assorties de contrôles particulièrement stricts. Ils sont désormais tenus, premièrement, de déclarer les personnels appelés à travailler sur les chantiers outre-Rhin auprès du Landesarbeitsamt, l'office allemand du travail, deuxièmement, de verser à leurs employés un salaire horaire au moins égal à 17 deutschemarks. L'entrée en vigueur de ces mesures n'ayant été précédée d'aucune information, les entreprises françaises n'ont pas pu en connaître au préalable le contenu ni la date d'application et n'ont pu satisfaire aux formalités imposées. Même les organismes allemands du secteur artisanal n'avaient pas reçu d'informations précises.
Dès le début de l'année 1997, des contrôles inopinés ont été effectués et de nombreuses entreprises françaises se sont retrouvées en infraction et, selon les cas, frappées d'amendes parfois très élevées.
Selon moi, de telles dispositions ont pour but de provoquer intentionnellement - serais-je tenté de dire -, par le biais d'une dissimulation de l'information, la mise en infraction de nos entreprises françaises.
Quant au versement d'un salaire horaire minimum de 17 deutschemarks de l'heure, soit environ 57 francs, c'est incontestablement une mesure de protectionnisme déguisé visant la France. Un tel niveau de rémunération correspond à des chefs d'équipe et non à des ouvriers. Obliger nos entreprises à payer de tels salaires revient à accroître en proportion le coût de leurs prestations et à leur faire perdre leur compétitivité par rapport à leurs concurrentes allemandes. On ne s'y serait pas pris autrement pour écarter les artisans français des marchés allemands. Avouez avec moi, madame la secrétaire d'Etat, qu'une telle attitude a de quoi choquer au moment où nous nous apprêtons à franchir le dernier pas vers la monnaie unique et la pleine coopération européenne. Aussi vous saurais-je gré de me faire connaître les actions envisagées pour mettre un terme à ce dysfonctionnement qui pèse lourdement sur le contexte économique transfrontalier.
M. le président. La parole est Mme la secrétaire d'Etat aux petits et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Voilà déjà qui prouve, monsieur le député, que le coût du travail est plus élevé en Allemagne qu'en France ! On semble ne pas toujours en avoir conscience - pardonnez-moi cette incidente.
Cela dit, vous avez raison, les entreprises artisanales alsaciennes, dans le secteur du bâtiment en particulier, se trouvent depuis 1997 confrontées à certaines difficultés pour exercer leur activité en Allemagne. Comme vous l'avez en partie indiqué, cette situation tient à la loi fédérale du 24 février 1996, entrée en vigueur le 1er janvier 1997, sur le détachement de personnels dans les métiers du bâtiment.
La nouvelle législation entraîne des formalités lourdes et dissuasives, telle que la déclaration de détachement - c'est celle qui provoque, semble-t-il, le plus d'incidents - des salariés français auprès de l'office de l'emploi allemand et le paiement d'un salaire horaire minimum de 17 deutschemarks. Elle se traduit dans les faits par des contrôles administratifs fréquents assortis, en cas d'infraction, d'amendes de 500 à 3 000 deutschemarks, ainsi qu'on me l'a rapporté ces dernières semaines.
Vérification faite, il apparaît que l'Allemagne a pris ces dispositions sur la base de la directive européenne du 16 décembre 1996, publiée le 21 janvier 1997, adoptée sur la base des articles 59 et 60 du Traité de Rome, qui posent le principe de la liberté de prestation de services. La directive a pour but d'éviter le dumping social entre les entreprises des Etats membres, en particulier frontalières, et d'assurer le respect d'un socle de droits minimaux pour les travailleurs concernés.
Le principe de base du texte est que les conditions de travail et de rémunération en vigueur dans un Etat membre doivent être applicables aussi bien aux travailleurs nationaux qu'aux détachés. Cette question s'est du reste posée, vous avez pu le remarquer, lors de l'élaboration de l'accord dit AMI. Ce principe s'applique aux entreprises qui, établies dans un Etat membre, détachent, dans le cadre d'une prestation de services transnationale, des travailleurs sur le territoire d'un autre Etat membre.
Un noyau de règles impératives est fixé, propre à assurer au salarié une protection minimale sur le territoire où le travail est effectué. Il ne s'agit pas d'une directive d'harmonisation des conditions de travail des Etats membres - certains le regretteront -, mais de l'application des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles de l'Etat d'accueil, notamment en matière de taux de salaire minimum, de sécurité et d'hygiène de travail. Les Etats membres disposent de trois ans, jusqu'au 16 décembre 1999, pour effectuer la transposition.
La France s'est déjà dotée d'une réglementation de ce type: c'est l'article 36 de la loi quinquennale du 20 décembre 1993. Le décret du 11 juillet 1994 pris pour l'application de cet l'article 36 précise les règles de droit français applicables aux salariés étrangers temporairement détachés en France. Parmi celles-ci, il faut citer celles concernant la durée du travail, la rémunération, les conditions d'hygiène et de sécurité. Le champ d'application en droit français - caractère de la prestation de services, contrat de travail, etc. - est donc analogue à celui prévu par la législation allemande.
La directive assimile à une prestation de services toute mise à disposition d'un travailleur dans le cadre d'un contrat d'entreprise, du simple détachement d'un salarié dans un établissement appartenant au groupe, d'une mission d'intérim ou d'un contrat de mise à disposition. Les salariés détachés bénéficient ainsi de la législation la plus favorable pendant la durée de leur détachement: celle du pays d'origine ou celle du pays d'accueil.
L'on ne peut donc reprocher à l'Allemagne d'avoir pris ces dispositions autorisées par les directives européennes; les difficultés semblent plutôt liées à l'absence d'information préalable des entreprises étrangères concernées. Les termes de la loi allemande ne sont pas explicites et les autorités administratives allemandes interrogées répondent souvent tardivement, et pas toujours précisément à leurs partenaires gouvernementaux français. De plus, les contrôles et les amendes prononcées sans mise en demeure préalable ni procédure contradictoire apparaissent souvent excessives - j'ai cité les chiffres tout à l'heure.
Les difficultés évoquées, qui ont un caractère symétrique pour les entreprises de chaque pays, ne sont pas juridiquement ni politiquement contestables. Il est clair toutefois que leur application n'a pas fait l'objet des mesures d'accompagnement nécessaires. Les démarches déjà entreprises par les pouvoirs publics auprès de la Commission, tout comme les dispositions actuellement étudiées par le Gouvernement, devraient conduire rapidement à la mise en place du bureau de liaison prévu par l'article 4 de la directive.
Certes, la France est plus touchée que l'Allemagne par ce type de protection, puisque le coût de notre travail est inférieur; c'est du reste la raison pour laquelle nous avons vu avec satisfaction plusieurs entreprises allemandes traverser la frontière pour venir s'installer chez nous. Pour les prestations de service en revanche, la disposition joue en notre faveur vis-à-vis de l'Espagne et de l'Italie du Nord dont les entreprises passent volontiers la frontière pour exercer leur activité chez nous.
Sur le fond, je ne pense donc pas que nous puissions dire quoi que ce soit contre la nouvelle législation allemande, puisque nous agissons de même. Les travailleurs détachés du Portugal par exemple, comme c'est le cas sur un chantier parisien bien connu, bénéficient d'une rémunération égale au SMIC horaire français; sinon, ils seraient payés 20 % moins cher, ce qui mettrait nos propres entreprises dans des conditions de concurrence extrêmement difficiles. Il faut fixer des règles du jeu.
En revanche, je m'engage à assurer une information plus précise y compris en direction de vos institutions consulaires dont les pouvoirs sont plus étendus que sur le reste du territoire, afin que ces règles soient bien clairement précisées et transmises via les chambres de métiers à toutes les entreprises. Il est vrai que certaines d'entre elles n'ont pas appliqué le droit faute de le connaître; si nul n'est censé ignorer la loi en France, beaucoup ont du mal à connaître la loi européenne.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Meyer.
M. Gilbert Meyer. Madame le secrétaire d'Etat, je salue l'installation de ce bureau de liaison qui corrigera pour l'avenir ce défaut d'information, comme je salue votre détermination à travailler en concertation. Cela dit, vous l'avez vous-même reconnu, ce sont nos artisans qui se retrouvent pénalisés, puisque même si les textes en vigueur de part et d'autre se rapprochent et sont autorisés par le traité de Rome, leur application pratique joue en notre défaveur. L'économie allemande se trouve ainsi protégée alors que l'économie française subit un contrecoup difficile à surmonter dans la mesure où ce surcroît salarial n'est pas forcément compatible avec la capacité budgétaire de nos entreprises. Quoi qu'il en soit, madame le secrétaire d'Etat, je me félicite de votre détermination à avancer dans le sens souhaité.
RPR 11 REP_PUB Alsace O