Texte de la QUESTION :
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Par arrêt de la Cour de cassation du 10 février 1992, il a été estimé que la volonté du législateur avait été de réserver l'usage de l'appellation de déportés « aux déportés résistants ou politiques dans des camps limitativement énumérés ». Devant l'émotion persistante des victimes du service du travail obligatoire, M. Dominique Caillaud souhaiterait savoir de M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants si celui-ci entend accorder aux intéressés une appellation officielle qui soit conforme aux sacrifices subis par ces victimes, dès lors que celle de « déporté du travail » leur est interdite. Il souhaite savoir, en outre, où en est l'examen des requêtes des associations des anciens requis relatives notamment à la mise en place d'une commission d'études de la pathologie des requis du STO et à la reconnaissance du titre d'interné résistant au bénéfice de ceux qui ont été soumis au régime carcéral nazi.
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Texte de la REPONSE :
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Les différentes questions posées par l'honorable parlementaire concernant les anciens requis au Service du travail obligatoire (STO) appellent les réponses suivantes : 1) La législation française confère aux mots « déporté » et « déportation » une signification juridique précise. Elle concerne la détention dans des camps spécialement créés par le régime nazi pour éliminer ses adversaires et réaliser la « solution finale ». L'usage de ces mots par les associations d'anciens requis pour le Service du travail obligatoire (STO) a été sanctionné par un arrêt de la Cour de cassation en date du 23 mai 1979, lequel a été confirmé par un arrêt rendu en assemblée plénière le 10 février 1992. C'est cette jurisprudence qui s'applique actuellement. Elle ne met pas en doute les épreuves subies par les personnes contraintes au travail en Allemagne durant la dernière guerre, souvent dans des circonstances dramatiques. La politique de mémoire que développe activement le département ministériel des anciens combattants et victimes de guerre permet de les rappeler c'est dans cet esprit qu'a été célébré en 1993 le cinquantième anniversaire de la promulgation de la loi instaurant le STO. En outre, à l'occasion des cérémonies marquant le cinquième anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale en 1995, le retour des victimes du STO a été tout spécialement célébré, le 11 mai 1995 à Paris au cimetière du Père-Lachaise, face au mémorial où repose une victime inconnue du Service du travail obligatoire. 2) En matière de prise en compte d'une pathologie spécifique, il apparaît malaisé de concevoir la mise en place d'une commission, dans la mesure où une telle pathologie est difficile à établir pour les STO, et où les droits des personnes contraintes au travail en Allemagne dans ce domaine sont déjà reconnus au titre de leur qualité de victimes civiles de guerre. En effet, ils peuvent à ce titre voir indemniser les blessures ou maladies imputables au STO. Au-delà des améliorations susceptibles d'être apportées sur des points précis, il est donc impossible, pour les raisons indiquées, de légiférer à nouveau dans cette matière. 3) Les anciens du STO qui ont été internés par les nazis pendant un minimum de trois mois pour acte qualifié de résistance à l'ennemi peuvent, se voir attribuer le titre d'interné résistant, en application de l'article L. 273 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Si l'honorable parlementaire fait allusion dans la présente question écrite aux « AEL », il convient de préciser que les « Arbeitserziehungslager » (AEL) étaient des camps dits « de rééducation au travail » dans lesquels les Allemands ont enfermé les anciens du STO qui avaient soit rompu leur contrat, soit donné un rendement jugé insuffisant. Ils n'étaient pas destinés à réprimer les révoltes des travailleurs. Les conditions de vie dans les AEL étaient extrêmement dures mais la durée de détention dans ces camps n'excédait pas 8 à 12 semaines. Les détenus dans les AEL sont considérés commes des victimes civiles. Ils ont droit, le cas échéant, à une pension d'invalidité, dans les conditions prévues par la loi du 20 mai 1946, toutefois, par dérogation aux règles d'imputabilité applicables aux victimes civiles, les personnes contraintes au travail bénéficient d'une présomption légale, c'est-à-dire que leurs infirmités peuvent leur ouvrir droit à pension, si elles ont été constatées médicalement avant le 30 juin 1946. En outre, les personnes contraintes au travail peuvent faire reconnaître à toute époque l'imputabilité d'une affectation dès lors qu'elles fournissent des documents justifiant d'un fait de service précis et qu'il est établi médicalement un lien certain, direct et déterminant entre le fait de service et cette affection. Par ailleurs, les travailleurs en Allemagne transférés dans des camps de concentration peuvent prétendre à la qualité de déporté ou d'interné dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. A cet égard, on peut concevoir le désir des intéressés de voir pris en compte les spécificités des conditions de vie en AEL et les mérites dont ils ont pu faire preuve. Il ne paraît pas pour autant possible de rapprocher systématiquement les circonstances de la détention subie par les prisonniers des AEL de celles des déportés victimes de l'extermination. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs confirmé la régularité des dispositions réglementaires appliquées dans ce domaine par les commissions nationales appelées à statuer sur les demandes de titre de déporté formulées par les anciens des AEL.
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