FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2239  de  M.   Claeys Alain ( Socialiste - Vienne ) QG
Ministère interrogé :  recherche
Ministère attributaire :  recherche
Question publiée au JO le :  28/06/2000  page :  5858
Réponse publiée au JO le :  28/06/2000  page :  5858
Rubrique :  bioéthique
Tête d'analyse :  génétique
Analyse :  génome humain. déontologie
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.
M. Alain Claeys. Monsieur le ministre de la recherche, avec la publication du décodage de la majeure partie du génome humain, ce sont d'immenses perspectives qui s'ouvrent pour la prévention et le traitement de maladies aujourd'hui incurables. Face à cette révolution scientifique sans précédent, il est important que nous réaffirmions notre attachement à deux principes fondamentaux: la non-commercialisation du corps humain et le libre accès à la connaissance des gènes.
Alors qu'elle présentait ces nouvelles découvertes, la presse s'est également fait l'écho de la course aux brevets à laquelle se livrent actuellement les sociétés qui travaillent sur le génome humain, en particulier aux Etats-Unis. En effet, la brevetabilité des inventions tirées de la connaissance du génome n'est pas sans soulever des questions d'ordre éthique, mais également juridique et économique.
Monsieur le ministre, quelles garanties le Gouvernement souhaite-t-il mettre en oeuvre pour éviter de voir des brevets déposés sur des séquences isolées du génome sans que soient clairement définies les fonctions et les applications industrielles de ces inventions ? (Applaudisssements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la recherche.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Monsieur le député, le séquençage du génome humain, ce décryptage du grand livre de la vie, vient en effet de s'achever. Je tiens à saluer tout particulièrement les recherches menées par le Consortium public international, qui rassemble mille chercheurs de six pays, dont la France, avec le Centre national de séquençage d'Evry.
Le génome humain, c'est le patrimoine commun de l'humanité. Sa connaissance doit donc appartenir à tous et il ne peut en aucun cas y avoir confiscation du savoir génétique.
M. Jean-Claude Lefort Très bien !
M. le ministre de le recherche Grâce à la recherche publique menée sur fonds publics, c'est ce qui se passera: les données brutes du séquençage seront librement accessibles à tous. Sans la recherche publique et du fait du comportement initial de certaines sociétés de recherche privées aux Etats-Unis, il aurait pu en être autrement. La logique est donc la suivante: à recherche publique, information publique; à fonds publics, données publiques.
En ce qui concerne les problèmes de brevetabilité, notre position repose sur trois principes.
Premièrement, les séquences brutes du génome humain doivent être mises dans le domaine public; elles ne sont pas brevetables.
Deuxièmement, une simple découverte de ce qui existe à l'état naturel n'est pas une véritable invention biotechnologique. Seule une véritable invention biotechnologique peut être brevetée.
Troisièmement, la brevetabilité requiert l'identification de la fonction d'un gène réalisée non seulement sur ordinateur, «in silico», mais également par voie expérimentale, ainsi que la détermination des applications pratiques, c'est-à-dire thérapeutiques ou diagnostiques, de la fonction de ce gène pour la mise au point de nouveaux médicaments ou de nouveaux tests diagnostiques.
C'est seulement à ce niveau d'inventivité que peut intervenir le brevet. C'est ainsi qu'à notre sens doit s'interpréter la directive européenne du 6 juillet 1988 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques.
Le brevet protège et donc encourage l'activité inventive des chercheurs qui pourront mettre au point des tests diagnostics et des médicaments nouveaux pour mieux lutter contre le cancer, le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou neurologiques, par exemple. Guérir davantage de patients, mieux les soigner est aussi un grand objectif éthique.
Je terminerai en rappelant les trois principes qui guident notre comportement et qu'a cités M. Alain Claeys: refuser la commercialisation d'éléments du corps humain, assurer le libre accès au savoir génétique fondamental, enfin, protéger les chercheurs qui feront des inventions véritables à partir du gène, à partir de cet alphabet de la vie, et qui, ainsi, amélioreront la santé humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
SOC 11 REP_PUB Poitou-Charentes O