Texte de la QUESTION :
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M. Richard Cazenave saisi par des associations d'anciens combattants, souhaite interroger M. le ministre de la défense au sujet de l'élargissement de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) aux pays d'Europe centrale et orientale, notamment eu égard aux conséquences que cela peut avoir sur l'organisation de la sécurité en Europe. La question de l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale pose le problème de la marginalisation de la Russie dans l'organisation de la défense et de la sécurité en Europe. Ainsi que l'affirmait en 1997 M. Michel Rocard, ancien Premier ministre, ne faudrait-il pas envisager l'élaboration d'un « véritable traité de sécurité avec la Russie d'où se déduiraient les conditions de sécurité avec les autres pays de l'Europe » ? Cette question est d'autant plus vitale que, en cas de conflit avec la Russie, l'état des forces conventionnelles françaises et européennes accuserait un déficit énorme, puisque, avant la signature à Paris le 19 novembre 1990 du traité de réduction sur l'armement conventionnel, la moitié des forces russes ont été déplacées à l'est de l'Oural, c'est-à-dire hors du périmètre géographique couvert par l'accord. Il s'inquiète de cette situation, dans laquelle il estime possible un risque de conflit majeur et souhaite savoir, premièrement, s'il est dans les projets du Gouvernement d'oeuvrer à l'élaboration d'un traité de sécurité avec la Russie et, deuxièmement, quels moyens conventionnels, français ou européens, pourraient être mis en oeuvre en cas de conflit sur le théâtre européen, sachant que de nombreux rapports parlementaires s'alarment de la diminution permanente de ces moyens.
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Texte de la REPONSE :
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Le ministère de la défense participe à l'élaboration de la position française au sujet de l'élargissement de l'Alliance atlantique, coordonnée par le ministère des affaires étrangères. Cet élargissement s'inscrit dans un processus plus large d'intégration des nouvelles démocraties du centre Europe au sein des institutions de sécurité européennes et euro-atlantiques. Cette intégration vise à assurer la stabilité du continent en évitant l'apparition de nouvelles fractures. Elle s'articule, en ce qui concerne les Etats indépendants de l'ancien espace soviétique, en plusieurs volets : une coopération avec chacun des Etats concernés par le biais du partenariat pour la paix, décidé en 1994 et renforcé en 1997 ; une coopération spécifique avec l'Ukraine concrétisée par la charte Otan-Ukraine de 1997 ; une coopération privilégiée avec la Russie, dans le cadre de l'acte fondateur Otan-Russie signé à Paris en mai 1997. Depuis l'adoption de son concept stratégique en 1991, l'Alliance ne considère plus la Russie comme un ennemi. Le nouveau concept stratégique, qui doit être adopté en avril 1999, devrait d'ailleurs réaffirmer les liens de coopération entre cet Etat et l'Alliance. Depuis la signature de l'acte fondateur, dans l'enceinte du conseil permanent conjoint Otan-Russie (CPC), les deux parties traitent de sujets essentiels concernant la sécurité : maintien de la paix, stratégie et doctrines, non-prolifération, questions nucléaires, mesures de confiance et de sécurité. La coopération avec la Russie s'est particulièrement affirmée dans le cadre des opérations de maintien de la paix en Bosnie où la participation russe est appréciée. Enfin, à l'occasion de la crise au Kosovo, le CPC a joué un rôle utile en permettant des consultations entre alliés et Russes, lesquels participent au groupe de contact. La coopération de défense entre la France et la Russie relève d'un processus global et s'inscrit dans le long terme. Elle trouve sa place dans le cadre juridique du traité d'entente signé par ces deux pays, le 7 février 1992. Elle est fondée sur une coopération militaire, un dialogue stratégique et politico-militaire, et une coopération dans le domaine technologique et industriel. Le protocole sur le développement de la relation de défense, signé par les deux ministres de la défense à Paris le 17 janvier 1998, a défini parmi ses priorités : la mise en place de consultations stratégiques régulières sur la sécurité et la stabilité ; l'établissement d'un mécanisme d'échanges d'informations sur la gestion des crises ; le développement des échanges militaires, notamment vers des activités d'entraînement opérationnel communes ; l'évaluation de projets de coopération industrielle et technologique, en particulier dans les domaines de l'espace et de l'aéronautique. Les consultations sur la sécurité et la stabilité sont examinées dans les échanges bilatéraux franco-russes. Elles connaissent des applications pratiques par la tenue de contacts réguliers à haut niveau, par des séminaires d'experts et par la mise en oeuvre d'un mécanisme d'échange d'informations sur la gestion de crises. Concernant la coopération militaire, les activités opérationnelles communes doivent assurer une connaissance réciproque, particulièrement utile dans la phase délicate de restructuration que connaît actuellement l'armée russe. Sur le plan technologique et industriel, les projets à privilégier concernent l'aéronautique et l'espace. S'agissant de la France, un éventuel conflit régional en Europe est pris en compte par les scénarios d'emploi et les hypothèses d'engagement des forces, définis à la suite du Livre blanc sur la défense et de la loi n° 96-589 du 2 juillet 1996 relative à la programmation militaire. Le scénario traitant de la résurgence d'une menace majeure contre l'Europe occidentale suppose des délais suffisants pour qu'il soit possible de procéder à une adaptation progressive et à des changements de format de notre outil de défense, à partir des dispositions appropriées prises dès le temps de paix. Pour le reste, les forces armées doivent être en mesure, tout en contribuant à la protection du territoire, de participer à un engagement majeur au sein de l'Alliance atlantique ou à un conflit régional de haute intensité, tout en menant une opération autonome d'ampleur limitée sur un autre théâtre. En termes de capacités, les moyens de projection doivent croître pour atteindre les objectifs retenus par la planification 2015, c'est-à-dire permettre aux forces armées de déployer à distance, avec leur support et leur logistique associés, les moyens suivants : pour l'armée de terre, soit 50 000 hommes prenant part à un engagement majeur dans le cadre de l'Alliance, soit 30 000 hommes sur un théâtre, pour une durée d'un an, avec des relèves partielles (ce qui correspond à un total de 35 000 hommes), tandis que 5 000 hommes relevables sont engagés sur un autre théâtre (15 000 hommes compte tenu des relèves) ; pour la marine, un groupe aéronaval et son accompagnement, ainsi que des sous-marins nucléaires d'attaque ; pour l'armée de l'air, avec une capacité de transport maintenue au niveau actuel, une centaine d'avions de combat et de ravitailleurs en vols associés, les moyens de détection et de contrôle aérien, et les bases aériennes nécessaires ; pour la gendarmerie, des éléments spécialisés et d'accompagnement des forces. Concernant les forces conventionnelles en Europe, elles sont soumises aux dispositions du traité FCE actuellement en cours d'adaptation. En juillet 1997, les trente pays ont agréé une partie des propositions de principe de l'Alliance visant à maintenir une grande stabilité dans la zone tout en autorisant une certaine flexibilité. En cas de conflit sur le territoire européen, l'article 5 de l'Alliance entrerait en vigueur, permettant la mobilisation de l'ensemble des forces alliées. En plus des forces françaises, les forces déclarées à l'Alliance, éventuellement augmentées de celles de pays non alliés, seraient alors disponibles. Enfin, même si le traité FCE comporte des incertitudes, l'ensemble des pays européens partage l'analyse française concernant l'évolution de l'outil militaire russe. Ainsi, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, et compte tenu de la perte par la Russie de ses anciens pays satellites sur le continent européen, l'hypothèse d'une menace majeure provenant de ce pays, si elle était confirmée, laisserait des délais suffisants pour permettre une réaction appropriée.
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