FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2260  de  Mme   Marre Béatrice ( Socialiste - Oise ) QG
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  29/06/2000  page :  6001
Réponse publiée au JO le :  29/06/2000  page :  6001
Rubrique :  impôts et taxes
Tête d'analyse :  politique fiscale
Analyse :  taxe sur les mouvements de capitaux
DEBAT : M. le président. La parole est à Mme Béatrice Marre.
Mme Béatrice Marre. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La mondialisation est un sujet d'inquiétude pour les citoyens, qui lui attribuent - non sans raison, il faut bien le dire - des effets destructeurs sur l'emploi et le creusement des inégalités, mais aussi des effets néfastes sur la sécurité alimentaire, l'environnement et, plus généralement, l'uniformisation des modes de vie.
Il n'est pas de semaine sans manifestation de protestation, de Seattle à Davos, de Washington à Genève, et même, très bientôt, beaucoup plus près de nous, à Millau.
Toutes les instances internationales, et en ce moment même à Paris, au sein de l'OCDE, se penchent sur cette question. Une idée semble enfin progresser, celle de la nécessaire mise en cohérence des politiques nationales et internationales. Mais la cohérence n'a de sens, pour nous qui sommes de gauche, que si elle poursuit un objectif de régulation en faveur du développement. Pour cela, il faut parvenir, notamment, à rééquilibrer les pouvoirs au sein des puissantes organisations financières internationales que sont le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.
Monsieur le ministre, à la veille de la présidence française de l'Union européenne, quelles initiatives envisagez-vous de prendre pour améliorer la cohésion des Quinze au sein de ces deux institutions afin de faire avancer des propositions concrètes en faveur de la régulation économique et financière internationale, qu'il s'agisse de la lutte contre le blanchiment de l'argent sale ou de la lutte contre la spéculation internationale ? Je pense bien évidemment à la taxe Tobin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la députée, je commencerai par la fin de votre question, par cette fameuse taxe Tobin, proposée en 1972 et qui, pour des raisons sur lesquelles il faut réfléchir, revient au premier plan de l'actualité.
Le succès de cette taxe auprès d'une partie de l'opinion publique et de beaucoup de parlementaires vient de la rencontre entre deux idées parfaitement justes: d'un côté, la nécessité de lutter pour le développement, auquel son produit serait affecté; de l'autre, la nécessité d'une meilleure régulation.
Je ne me prononcerai pas ici sur les mérites et les inconvénients de la taxe Tobin. Le rapport très intéressant que M. Feurtet et M. Fuchs viennent de faire paraître montre à la fois l'ambition d'un tel projet et les difficultés considérables de sa réalisation. Parmi ces difficultés de tous ordres, il en est une qui vient à l'esprit de chacun: cette taxe a pour objet de lutter contre les mouvements de capitaux spéculatifs mais, si un ou plusieurs pays refusent de l'appliquer, que se passe-t-il ?
Sans entrer dans un débat technique, l'idée qui inspire votre question - comment arriver à une meilleure régulation, non seulement financière, j'y viens dans un instant, mais plus générale ? - est une idée absolument centrale. Si on réduisait la population de la terre à un village de cent personnes, en conservant tous les ratios humains, économiques et démographiques, ...
M. François Vannson. C'est absurde !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, dramatique !
... on obtiendrait les chiffres suivants: quatre-vingts personnes vivraient dans un logement de mauvaise qualité; soixante-dix seraient analphabètes; cinquante souffriraient de malnutrition; six - vivant toutes aux Etats-Unis - détiendraient 59 % de la richesse mondiale, et une seule posséderait un ordinateur.
M. Renaud Muselier. Quelle image !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est dire que nous avons un gigantesque effort à accomplir pour essayer d'inverser ce que l'on appelle la spirale du développement et qui est en fait la spirale du sous-développement.
C'est là que la question de la régulation intervient. La France, parce que c'est sa tradition, parce que ce sont nos convictions, fait un certain nombre de propositions pour réformer le Fonds monétaire international, pour permettre à la Banque mondiale de mieux remplir ses objectifs, pour lutter contre les paradis fiscaux. A ce sujet, nous aurons, le 17 octobre, une réunion des ministres de la justice, de l'intérieur et des finances sur la lutte contre les centres offshore.
Le point central des initiatives que nous voulons prendre dans les six mois qui viennent est bien celui-ci: la mondialisation est un fait, mais il s'agit de la rendre humaine, d'en corriger et d'en contrôler les effets. Pour cela, il faut une régulation internationale. Je pense que c'est la tradition de la gauche depuis plus de quatre-vingt-dix ans d'aller en ce sens (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...
Pas seulement de la gauche («Ah !» sur les mêmes bancs), si vous vous joignez à ce combat, vous êtes les bienvenus ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Richard Cazenave. On ne vous a pas attendus !
M. Renaud Muselier. Vous n'avez pas le monopole du coeur !
M. Bernard Accoyer. Sous la gauche, les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres, c'est bien connu !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Aujourd'hui, messieurs qui protestez, beaucoup continuent d'avoir des réactions uniquement nationales. Or les questions trouvent de plus en plus leur solution à un niveau mondial. Et les hommes politiques qui représenteront leur circonscription, leur pays et leur continent dans le siècle qui vient, c'est ceux qui comprendront que pour apporter des réponses aux questions mondiales, il faut aussi avoir une vision universelle. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste.)
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