FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2268  de  M.   Barrot Jacques ( Union pour la démocratie française-Alliance - Haute-Loire ) QG
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  04/10/2000  page :  2268
Réponse publiée au JO le :  04/10/2000  page :  2268
Rubrique :  chômage : indemnisation
Tête d'analyse :  régime d'assurance chômage
Analyse :  réforme
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Jacques Barrot.
M. Jacques Barrot. Monsieur le président, j'y reviens: ce sera la troisième fois au cours de cette semaine, mais ce sujet est suffisamment important et grave. J'adresse d'ailleurs ma question à M. le Premier ministre.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité semble, dans les propos qu'elle vient de tenir, oublier tous les efforts déployés par les partenaires sociaux et notamment par les organisations syndicales pour revoir certains éléments du dispositif. Il y a eu un travail effectif pendant tout l'été. Pourquoi faut-il opposer à cet effort une fin de non-recevoir incompréhensible pour tous les Français de bonne volonté ? («C'est vrai !» et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Madame la ministre, vous venez de dire que les partenaires sociaux s'étaient engagés, au-delà de l'indemnisation, sur les chemins de l'accompagnement du chômeur et que vous les approuviez. Mais vous avez bien pris soin de rajouter: ce faisant, ils se sont aventurés dans un domaine qui relève de la loi. Vous le leur avez rappelé tout l'été et ils en ont tenu compte. Il est tout de même dommage de multiplier les difficultés sur la route de partenaires sociaux qui ont voulu aller justement jusqu'à l'accompagnement du chômeur dans l'esprit des démarches sociales les plus ambitieuses en Europe. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
J'ai écouté Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ce matin. Peut-on reprocher aux partenaires sociaux d'imaginer des changements d'activité pour certains demandeurs d'emplois en se référant à des compétences professionnelles vérifiées ? Veut-on enfermer les chômeurs ou les travailleurs dans un seul profil d'emploi au lieu de les aider à développer leur «employabilité» ? (Applaudissements sur les mêmes bancs. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
C'est leur faire prendre le risque du chômage de longue durée et créer une véritable pénurie d'emplois dans certains secteurs. Il est vrai, monsieur le président, que nous en sommes toujours à attendre la loi sur la validation des acquis professionnels et sur le droit à la formation tout au cours de la vie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Sur la forme, monsieur le Premier ministre, le fait, pour un syndicat, de signer un accord avec le MEDEF le disqualifie-t-il a priori ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Si oui, que reste-t-il de négociable dans ce pays ?
Pour faire bref, le Gouvernement peut-il affirmer vouloir le dialogue social dans ce pays et, en fin de course, en dépit de tous les efforts accomplis, prétendre dicter purement et simplement les termes de l'accord qu'il souhaite, pour s'épargner les critiques de certains membres de sa majorité ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
M. le président. Monsieur Barrot !
M. Jacques Barrot. En quarante ans, il n'existe pas de précédent: on n'a jamais vu une convention signée par les partenaires sociaux refusée par l'Etat. Allez-vous, monsieur le Premier ministre, sans débat devant le Parlement, entériner cette grave marche arrière de la négociation sociale ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Barrot, j'allais vous interrompre: comme au concours de l'ENA, il y a le fond et la forme. Et l'heure ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pas vous, monsieur le ministre Barrot: si vous avez lu le deuxième texte signé par les partenaires sociaux, vous ne pouvez pas parler ainsi ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Voyons les choses simplement ! Je n'ai pas dit, contrairement à ce que vous avez prétendu, que les partenaires sociaux se seraient aventurés dans le champ de la loi. J'ai dit, et je le redis, qu'il me paraissait légitime, et souvent même souhaitable, que les partenaires sociaux souhaitent faire avancer la loi. Nous nous souvenons, vous comme moi, car nous avons rempli les mêmes fonctions, des grands accords interprofessionnels sur la mensualisation, sur la formation professionnelle, qui ont fait avancer la loi. Nous nous souvenons, et vous étiez ministre, de l'accord sur l'ARPE, que nous avons salué quand nous étions dans l'opposition, car il a fait avancer le progrès social.
Alors, ne nous faites pas de faux procès ! Ce n'est pas parce que les partenaires sociaux ont souhaité modifier la loi, c'est parce qu'ils ont souhaité la modifier pour contraindre les chômeurs...
M. Jean-Paul Charié. C'est faux ! C'est le contraire !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... sans les accompagner qu'il est légitime que le Gouvernement donne son avis sur l'accord tel qu'il a été signé. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Deuxièmement, vous qui connaissez bien ces sujets, ne nous dites pas que nous ne sommes pas pour l'accompagnement des chômeurs ! C'est ce que nous faisons dans le cadre «du nouveau départ», je crois même que vous l'avez salué lors des derniers débats: 1 750 000 chômeurs de longue durée ont été reçus individuellement, accompagnés depuis un an et demi, et c'est grâce à cette action d'accompagnement des chômeurs que le chômage de longue durée a baissé de 23 % au cours des douze derniers mois, soit beaucoup plus que pour l'ensemble des chômeurs - 15 %. Ne nous dites donc pas que nous sommes contre l'extension d'un dispositif que nous appliquons déjà aux chômeurs de longue durée !
Ce sur quoi nous ne sommes pas d'accord, et vous le savez très bien, c'est qu'on ne peut pas à la fois déclarer le PARE et ne pas mettre des moyens pour le faire, dire qu'on veut accompagner les chômeurs et prévoir qu'ils peuvent accepter n'importe quel emploi. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Jean-Paul Charié. C'est le contraire ! Relisez l'article 17 !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Je lis l'article 17, mais les textes sont les textes ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Jean-Paul Charié. Alors, nous n'avons pas le même texte !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. «Au bout de six mois, le salarié privé d'emploi doit accepter les propositions d'embauche qui correspondent à ses capacités professionnelles.» (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Alors ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous dites que les Français sont choqués, monsieur Barrot, mais qui est choqué ? Croyez-vous que les Français qui cotisent pour le jour où ils seront licenciés ne seraient pas choqués si on proposait à un agent de maîtrise un poste de manoeuvre (Protestations sur les mêmes bancs), si on proposait à un ouvrier qualifié un emploi non qualifié ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Eh bien, c'est ce qui est écrit dans ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - «Hou !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Si les signataires ne veulent pas de cela, qu'ils retirent cette disposition. C'est bien pourquoi je les rencontre actuellement...
M. Patrick Devedjian. Vous n'y croyez pas vous-même !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et je suis convaincue que, si vous lisez attentivement le texte, vous serez d'accord avec moi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
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