Question N° :
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Question publiée au JO le :
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Réponse publiée au JO le :
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Analyse : |
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Texte de la REPONSE : |
«M. Pierre Lellouche attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le doublement du coût des travaux de la ligne E du RER, EOLE. En effet, alors que le coût de réalisation initialement arrêté s'élevait à 5,4 milliards de francs, soit 6,2 milliards de francs réactualisés, le coût total serait aujourd'hui de 12,2 milliards de francs, soit le double de ce qui était initialement prévu. Si l'évacuation des déblais par voie souterraine plutôt qu'en surface, le montant plus important que prévu des indemnisations des riverains, ainsi que l'effondrement de certains terrains, dont la rue Papillon au coeur du IXe arrondissement, expliquent pour partie le surcoût important inhérent à l'importance des travaux considérés, l'absence de financement initial pour le matériel roulant paraît pour le moins surprenant. Si la nécessité de développer un transport collectif de qualité ne fait pas de doute, l'absence de contrôle réel de l'Etat sur la sous-évaluation des coûts pose de nombreuses questions. Il rappelle que le 7 juin 1990, M. Roger Gouhier, député communiste, s'inquiétait auprès de M. Paul Quilès, alors ministre des transports, du devenir des transports parisiens, dont EOLE, pour mieux répondre aux besoins des Franciliens et sur la capacité de l'Etat à y répondre efficacement. Il souhaiterait savoir quelles dispositions il envisage de prendre pour garantir aux contribuables franciliens le développement de transports collectifs de qualité sans dérive incontrôlée du financement prévu pour l'assurer. En outre, il serait désireux de savoir si la liaison EOLE de l'Est et de l'Ouest parisien pourra effectivement être assurée en dépit des problèmes de financement, dans la mesure où elle constitue l'intérêt même de ce projet.» La parole est à M. Pierre Lellouche, pour exposer sa question. M. Pierre Lellouche. Je tiens tout d'abord à déplorer l'absence du ministre des transports. Monsieur le secrétaire d'Etat au logement, je n'ai rien contre vous mais ma question, au-delà de la ligne EOLE, porte sur la SNCF, ses finances, son mode de fonctionnement et j'aurais préféré que le ministre, qui est lui-même très attaché à la SNCF, vienne ce matin traiter ce dossier. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous voudrez bien lui transmettre mes regrets et que vous lui demanderez de répondre sur le fond car j'imagine qu'il vous a chargé de me lire un texte convenu, rédigé par les technocrates de son cabinet. Le projet qui vise à relier la banlieue Ouest au centre de Paris et plus précisément au quartier de Saint-Lazare - Auber, qui se trouve dans ma circonscription, a créé un chantier très impressionnant, que j'ai visité, avec notamment la construction d'un tunnel à trente mètres sous terre. Mais, si ce chantier est très important, son coût l'est tout autant. En 1991, alors que le gouvernement Cresson avait arrêté sa décision, le coût de réalisation initialement prévu s'élevait à 5,4 milliards de francs, ce qui n'était pas négligeable pour un tunnel de 3,5 kilomètres sous Paris. Mais aujourd'hui, d'après un rapport confidentiel du conseil général des Ponts et Chaussées, en date du 30 mai 1997, et rendu public à la suite d'une fuite dans la presse le mois dernier, le coût total de ce projet serait estimé à plus de 12 milliards de francs: 8 milliards pour le surcoût des travaux de construction de la ligne EOLE et un peu plus de 4 milliards pour les 53 rames de transport des voyageurs, dont, tenez-vous bien, le prix n'avait pas été inclus dans le coût initial. Les quatre ingénieurs auteurs de ce rapport, sous la direction de M. Jean Smagghe, jugent hautement critiquable la façon dont la SNCF a averti ses partenaires financiers. «Cette information a été tardive et partielle et l'on a aujourd'hui encore du mal à comprendre pourquoi ces dépassements ont été cachés», écrivent-ils. Cela m'anène à vous poser six questions, monsieur le secrétaire d'Etat, que je vous demanderai de transmettre à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. La première porte sur les raisons de la sous-estimation du coût par la SNCF. Face à cette gestion de l'entreprise publique, que compte faire le Gouvernement, d'autant que ce n'est pas la première fois qu'il est procédé ainsi ? Dans un rapport de 1996, en effet, la Cour des comptes, analysant la ligne Eurostar, avait dénoncé déjà «des surestimations sortant du domaine normal de l'incertitude» quant au trafic prévu des passagers. Autrement dit, la SNCF avait surestimé le trafic passager sur le TGV trans-manche et sous-estimé son coût. Certes, grâce à M. Gallois, les comptes de la SNCF se sont un peu améliorés cette année en matière de coût d'exploitation. Ils restent toutefois largement déficitaires pour le contribuable s'agissant de l'ensemble des subventions versées par les collectivités publiques. Je rappelle en effet qu'en 1996 l'Etat et les collectivités territoriales ont versé près de 27 milliards de francs au budget de la SNCF, auxquels on doit ajouter plus de 13 milliards pour le financement des retraites. Au total, les contribuables ont donc donné plus de 30 milliards. Si l'on avait ajouté à ces subventions le déficit d'exploitation de cette entreprise, on arriverait, tenez-vous bien, à 45 milliards de francs. Telle est la somme nécessaire en France pour faire rouler des trains: près d'un milliard de francs par semaine ! Monsieur le secrétaire d'Etat, et ce sera ma deuxième question, quelle politique entend donc mener le Gouvernement après les transformations que nous avons introduites et la création de Réseau ferré de France pour assainir les comptes de la SNCF ? Troisième question, quid du projet EOLE lui-même ? Si j'ai bien compris en visitant le chantier, la partie ouest de EOLE a été abandonnée faute de crédits, si bien que cette ligne construite à grands frais ne concernera que la banlieue est. Or toute la logique du dispositif visait précisément à mettre le centre de Paris à portée des villes avoisinantes de l'ouest et de l'est parisien. Autrement dit, nous avons la moitié d'un programme pour le double du prix. Quatrième question, la construction de ce tunnel à trente mètres sous terre dans une nappe phréatique importante a occasionné des troubles considérables dans le IXe arrondissement. C'est ainsi qu'une rue entière a été sinistrée - la rue Papillon - et plusieurs centaines de personnes ont dû quitter leur logement car les immeubles se sont littéralement effondrés. Sans parler des problèmes de circulation dans le quartier de la gare Saint-Lazare, voire des dommages importants causés à mon ancien lycée, le lycée Condorcet. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles dispositions la SNCF entend-elle prendre pour dédommager les Parisiens qui ont dû quitter leur domicile et les commerçants qui ont subi des pertes d'exploitation considérables et dont le sort est depuis des années entre les mains des assurances ? Cinquième question, que comptez-vous faire pour éviter que les grands équipements publics continuent à être gérés dans l'opacité la plus totale par un groupe de technocrates ? Il faudrait que l'on cesse de cacher le coût réel de ce genre d'opérations aux contribuables. Enfin, et j'aurais aimé poser la question directement à M. Gayssot, quel est l'avenir de la SNCF ? A l'heure de l'ouverture des frontières, de la construction européenne, de la fin des monopoles publics, est-il raisonnable de continuer à réfléchir en termes d'entreprises purement publiques, avec les déficits considérables que je viens de rappeler ? Monsieur le secrétaire d'Etat, telles sont les six questions de fond que je souhaitais poser à partir du projet EOLE. Je regrette, encore une fois, que le ministre des transports n'ait pas jugé utile de se déplacer pour y répondre. M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement. M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le député, j'ai bien entendu votre regret concernant l'absence de M. Jean-Claude Gayssot. Sachez qu'il est lui-même désolé d'être empêché, étant retenu par des dossiers de sécurité d'une importance certaine. C'est pourquoi il m'a demandé de bien vouloir vous répondre. Vous le savez, le domaine des transports ne m'est pas complètement étranger. J'ai en effet siégé pendant quatre ans au conseil d'administration de la SNCF pour y représenter, aux côtés du ministre Jean-Pierre Fourcade, les collectivités locales. En outre, moi aussi, j'ai eu l'occasion de visiter le chantier EOLE. Certes, vous avez greffé sur le sujet des questions fondamentales concernant la SNCF. Mais vous comprendrez que le cadre d'une question orale ne permette pas d'approfondir un sujet de cette importance. M. Pierre Lellouche. Et pourtant ! M. le secrétaire d'Etat au logement. Evoquant les déficits de l'entreprise, je vous remercie néanmoins d'avoir fait une distinction entre ce qui relève de la charge de l'exploitation, du poids des investissements qu'elle a dû largement supporter pendant de très longues années et, enfin, de la participation de la collectivité au déficit de son régime spécifique de retraite, dont vous savez qu'il résulte essentiellement d'une évolution globalement à la baisse de ses effectifs - évolution, d'ailleurs, durable et importante. Il y a donc répartition des responsabilités. Comme vous l'avez laissé entendre, et je vous en sais gré, les problèmes sont complexes. S'agissant du projet EOLE, il est vrai, et c'est extrêmement fâcheux, mais je ne pense pas que vous en imputiez la responsabilité à l'actuel Gouvernement, que son coût a dérivé. Il faut toutefois analyser objectivement les choses et distinguer en particulier les infrastructures, d'une part, et le matériel roulant, d'autre part, pour éviter de fausser les comparaisons. Pour la partie infrastructures, qui fait seule l'objet d'une inscription au contrat de plan Etat-région, la charge financière du projet s'élève aujourd'hui à 8 milliards de francs, soit un surcoût de 2 milliards de francs, valeur 1997. Ces surcoûts de 30 % sont imputables pour 15 % aux aléas techniques, pour 8 % à des modifications du programme initial et pour 7 % à des surcoûts immobiliers. Le chiffre de 12,2 milliards de francs qui figure dans un rapport d'expertise du conseil général des ponts et chaussées du mois de mai dernier comprend également les coûts du matériel roulant, les experts ayant considéré que, pour disposer d'une vision d'ensemble du projet, tous les coûts devaient être indiqués. M. Pierre Lellouche. Cela paraît logique ! M. le secrétaire d'Etat au logement. Effectivement, mais le fait que le matériel roulant n'ait pas été intégré dans le coût du projet EOLE inscrit au contrat de plan est également normal, si l'on en juge par les pratiques habituelles en la matière. En effet, ce type d'investissement n'était jusqu'à présent pas pris en charge dans le contrat de plan Etat-région d'Ile-de-France. Je voudrais, par ailleurs, rappeler que le matériel roulant strictement nécessaire à la mise en service d'EOLE se limite à trois trains supplémentaires, liés à l'allongement des parcours entre la gare de l'Est et la gare Condorcet - Saint-Lazare. Le reste des dépenses de matériel roulant est lié au renouvellement des trains de banlieue qui seront intégrés au réseau EOLE, lesquels auraient de toute façon dû être renouvelés indépendamment du projet EOLE lui-même. La dérive des coûts du projet EOLE est donc nettement inférieure à ce que certains chiffres récemment publiés pourraient laisser croire. Cela est heureux, même si elle est encore beaucoup trop lourde car je vous accorde qu'elle est néanmoins substantielle. Il faut donc améliorer encore le contrôle des coûts des grands projets. Cela passe d'abord par une responsabilisation efficace des maîtres d'ouvrage et des maîtres d'oeuvre. A cet effet, l'Etat et la région ont récemment défini une procédure contractuelle entre les financeurs et le maître d'ouvrage, qu'il s'agisse de la SNCF ou de la RATP, de façon à déterminer les droits et engagements de chacune des parties. Cette convention définit notamment les pénalités que subit l'entreprise dans le cas où les surcoûts vont au-delà des aléas. Ces pénalités s'imputent sur les frais de maîtrise d'ouvrage et il en a été fait application dans le cas du projet EOLE. Je tiens enfin à préciser que la poursuite de l'opération EOLE n'est pas remise en cause, pour la partie Est, par l'augmentation du coût du projet, car M. le ministre Jean-Claude Gayssot est persuadé que la question du financement sera rapidement réglée avec la région. Pour la partie Ouest, qui n'était envisagée qu'à plus long terme, le Syndicat des transports parisiens mène actuellement des études pour que les choix qui devront être opérés dans l'avenir le soient dans une transparence totale. Bien évidemment, le Gouvernement y souscrit, comme vous y souscrivez-vous même, monsieur le député. M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche. M. Pierre Lellouche. Je veux remercier M. le secrétaire d'Etat de sa réponse en répétant que mon regret de l'absence de M. Gayssot n'a rien à voir avec sa personne, ni avec la qualité de sa connaissance personnelle de la SNCF. J'aurais simplement préféré que le ministre des transports réponde lui-même à une question aussi importante qui concerne l'avenir de la SNCF et un projet pour lequel les dépassements sont énormes. Il est d'ailleurs extraordinairement curieux que des dépassements de cette ampleur puissent apparaître dans notre pays, surtout s'agissant d'une entreprise qui est lourdement déficitaire et largement financée par le contribuable. Il est aussi extrêmement curieux que, dans l'élaboration d'un projet relatif à la création d'un train, on ne prenne en compte que le coût du tunnel, attendant sept ans pour s'apercevoir qu'il faut aussi financer les trains et que cela n'a été budgété ni par l'Etat ni par la région. Je me demande dans quel pays nous vivons ! Au niveau de la comptabilité publique, cela est pour le moins surprenant dans un pays où existe encore un plan. Il est tout aussi curieux qu'un projet dont la logique était de relier l'Est parisien à l'Ouest parisien, en passant par le centre de Paris, soit amputé de moitié puisque l'on nous indique aujourd'hui que la partie Ouest fait seulement l'objet d'études. En effet, la logique même de ce projet, dont le coût avait, à l'origine, été estimé à 5,4 milliards de francs, était de réaliser un nouveau moyen de transport d'Est en Ouest, de doubler le RER et de compléter le projet RATP. Enfin, je relève que la réponse que vous m'avez donnée, monsieur le secrétaire d'Etat, ne comporte rien quant aux attentes de mes électeurs qui ont été sinistrés en raison de la légèreté avec laquelle la SNCF et les soumissionnaires ont conduit les travaux. Ainsi, d'énormes puits d'aération ont été creusés, dans la rue Papillon, en traversant une nappe phréatique, ce qui a provoqué l'effondrement d'une grande partie de la voirie et privé plusieurs centaines de personnes de logement. J'ai visité ces logements; je connais les commerçants de cette rue et les conséquences de ce sinistre pour ses riverains. J'attends toujours que la SNCF assume ses responsabilités. Je ne jette pas l'opprobre sur l'actuel Gouvernement car cette situation existe depuis sept ans, mais je suis surpris de la façon dont une entreprise publique, aussi importante que la SNCF néglige les intérêts de nos concitoyens. |