FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2358  de  M.   Leyzour Félix ( Communiste - Côtes-d'Armor ) QG
Ministère interrogé :  agriculture et pêche
Ministère attributaire :  agriculture et pêche
Question publiée au JO le :  26/10/2000  page :  7465
Réponse publiée au JO le :  26/10/2000  page :  7465
Rubrique :  élevage
Tête d'analyse :  bovins
Analyse :  maladies du bétail. vache folle
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Félix Leyzour.
M. Félix Leyzour. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, je souhaite, en vous interrogeant, revenir sur le problème de la transparence et de la sécurité sanitaire de la filière alimentaire, qui préoccupe l'ensemble des Français.
Dans la récente affaire de l'ESB, qui continue de faire des vagues et sur laquelle la justice doit faire toute la lumière, des négociants sont suspectés d'avoir triché, créant de nouveau le trouble chez les consommateurs, jetant le discrédit sur les éleveurs, pourtant honnêtes dans leur très grande majorité, et mettant en péril l'emploi dans des abattoirs.
Quand on cherche à comprendre ce qui s'est passé, tout conduit à penser que les premières mailles du filet de précaution ont été contournées par le retrait du troupeau d'un animal présentant des signes évidents d'ESB et par la mise dans le circuit commercial d'animaux qui n'étaient pas forcément porteurs de la maladie mais pour lesquels, puisque l'un d'entre eux était malade, il aurait dû y avoir, en l'état actuel des connaissances et en application du principe de précaution, élimination par abattage et incinération.
Fort heureusement, le système de détection de l'animal malade qui a été frauduleusement introduit dans un autre lot, présenté lui aussi à l'abattoir, a bien fonctionné. Le système de traçabilité concernant les lots de viande pour lesquels il y avait un doute a également fonctionné. La question que l'on est en droit de se poser est de savoir pourquoi il n'a pas fonctionné à la même vitesse partout, dans tous les groupes de distribution.
Dans les affaires comme celles-là, autant il ne faut pas provoquer la panique, qui n'est jamais bonne conseillère, autant il ne faut pas faire preuve de complaisance à l'égard de qui que ce soit. Les tricheurs, les fraudeurs et les margoulins, où qu'ils soient, doivent être sanctionnés.
Dans le même temps, il faut continuer d'améliorer et de perfectionner notre système de sécurité. Vous avez décidé, monsieur le ministre, d'élargir le système de dépistage du prion. C'est une bonne décision. Je voudrais vous demander quels sont les délais que se donne l'AFSSA pour évaluer les tests Biorad et Enfer Technology, dont on pense qu'ils permettraient un dépistage plus systématique de la maladie.
Pour ce qui est des farines animales, dont on sait que, légalement, elles ne doivent être aujourd'hui fabriquées qu'à partir de déchets sains sortis des abattoirs, et que, en outre, elles sont interdites dans l'alimentation des ruminants, il serait utile que vous nous précisiez ce que préconise déjà l'AFSSA par rapport à l'utilisation des graisses animales, où celle-ci en est dans son travail de recherche et d'évaluation des risques par rapport à l'ensemble du dossier des farines, et où en est également l'autorité européenne, dont on attend qu'elle tire vers le haut l'ensemble des problèmes de sécurité.
Sécurité alimentaire pour les consommateurs et intérêts de tous les acteurs honnêtes de la filière sont liés et sont ici en jeu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, vous m'avez posé beaucoup de questions. Je vais essayer d'aller directement à l'essentiel.
Vous avez employé des mots forts et sévères à l'égard de certains comportements. Je voudrais redire, au nom du Gouvernement, ce que j'ai déjà indiqué hier ici: quels que soient les réglementations et les contrôles rigoureux qui pourront être mis en place - et, je le répète, les règlements et les contrôles français sont sans doute parmi les plus rigoureux du monde -, nous ne serons jamais à l'abri de fraudes ou de malversations.
Puisque la justice s'est intéressée au comportement auquel vous avez fait allusion, je n'ai pas d'autre commentaire à faire que de souhaiter, tout en respectant la liberté de la justice et son indépendance, que la plus grande sévérité puisse s'appliquer si les fraudes en question étaient avérées.
La décision, prise par le Gouvernement et que j'ai annoncée hier, d'étendre le dispositif des tests, de sorte que nous puissions désormais procéder à ceux-ci dans les abattoirs d'une manière aléatoire sur des viandes apparemment saines, peut et doit constituer une dissuasion à l'égard des éleveurs qui seraient tentés par la fraude ou qui voudraient avoir des comportements malveillants.
Vous m'interrogez sur notre capacité à rendre les tests fiables. Je répète ici, parce que c'est très important - et vous avez raison d'y revenir - que le programme de tests que nous engageons, une fois encore le plus important du monde, est un programme d'évaluation scientifique, non seulement de l'épidémie, mais aussi des tests eux-mêmes. Ces derniers sont en effet très récents et n'ont fait l'objet d'aucune évaluation scientifique sérieuse. C'est d'ailleurs pourquoi les scientifiques ont choisi le plus basique d'entre eux, le Prionics, qui a déjà connu un début d'expérimentation dans son pays d'origine, la Suisse. Mais les autres tests vont être évalués à leur tour, notamment le Biorad, qui est le test français et qui est probablement plus sensible. Pour répondre concrètement à votre question, plusieurs mois seront sans doute nécessaires pour évaluer scientifiquement la fiabilité de ces tests.
En ce qui concerne les farines, je rappellerai simplement, comme je l'ai dit hier ici même, que le Gouvernement va demander à l'AFSSA d'évaluer le risque global présenté par le maintien de l'autorisation de l'utilisation de ces farines dans l'alimentation des porcins et des volailles. L'AFSSA ne s'est jamais prononcée de cette manière. Jusqu'à présent, ses décisions ont consisté à dire que si la fabrication des farines était garantie, il n'était pas nécessaire de les interdire. Nous allons donc à nouveau saisir l'AFSSA de cette question dans les tout prochains jours.
En outre, ainsi que je l'ai signalé hier, le Gouvernement a décidé d'accélérer l'étude commencée il y a plusieurs mois sur les solutions alternatives aux farines animales. Supprimer et interdire ces dernières du jour au lendemain est sûrement une décision simple à énoncer, mais beaucoup plus complexe à mettre en oeuvre.
Enfin, en guise de conclusion, je voudrais mettre en garde contre certains discours tenus soit par des politiques, soit par des commentateurs de la presse, voire par des agents économiques, discours qui invitent à procéder à des tests systématiques ou à interdire les farines animales et qui sont intellectuellement sensés, mais dont leurs auteurs savent pertinemment qu'ils ne sont pas concrétisables immédiatement. Même si nous décidions de nous engager dans une telle voie - et le Gouvernement ne rejette pas ces idées -, il faudrait sûrement des mois pour rendre le dispositif applicable, y compris parce que les tests ne sont pas encore opérationnels.
Pourquoi fais-je cette «mise en garde» ? Tout simplement, parce que nos discours publics s'adressant à l'opinion, notre responsabilité veut, selon une formule fameuse, que nous disions ce que nous faisons et que nous fassions ce que nous disons. Or si nous disons que nous voulons faire quelque chose dont nous savons qu'il est impossible de le faire maintenant - même si nous pourrons peut-être le faire plus tard -, cela signifie que nous trompons l'opinion. Et celle-ci serait ensuite en droit de se retourner contre nous et de nous reprocher non seulement de ne pas faire ce que nous avions dit mais aussi de l'avoir dit tout en sachant que ce n'était pas possible.
Dans ces domaines sérieux et rigoureux, notre responsabilité consiste à rester sereins et à dire la vérité aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
COM 11 REP_PUB Bretagne O