Texte de la QUESTION :
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M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le devenir du projet européen trilatéral de blindé à roues, formellement confié par la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, en avril 1998, à Eurokonsortium, associant Krauss-Maffei (Allemagne, maître d'oeuvre du programme), GKN (Grande-Bretagne) et GIAT-Industries (France). Dans leur communiqué conjoint du 22 avril 1998, les ministres français, allemand et britannique de la défense se déclaraient alors prêts à signer un mémorandum d'accord pour ce programme commun, couvrant le développement et la production initiale de 600 véhicules (200 par pays) et prévoyant une répartition équitable de la production, puis à passer officiellement commande avant la fin de l'année 1998. Le ministère allemand annonçait à cette occasion que la Bundeswehr prévoyait de se faire livrer environ 3 000 de ces véhicules à partir de 2004, et aurait provisionné pour ce faire une somme de 6 milliards de DM (3,33 milliards de francs), faisant de ce projet le plus important programme d'armement allemand, approuvé par le Bundestag le 23 juin 1998. De leur côté, la Grande-Bretagne, la France, ainsi que les Pays-Bas, désireux de se joindre au projet comme partenaires à part entière dès la phase de développement, envisageaient alors d'en commander respectivement 1 400, 600 et entre 600 et 800 unités. Le ministre britannique de la défense, tout en soulignant que « cette collaboration permettra une meilleure interopérabilité et une réduction des dépenses grâce au partage des coûts de développement et aux économies d'échelle au niveau de la production », confirmait par ailleurs le probable élargissement du programme à d'autre pays européens - telles l'Italie, l'Espagne et la Pologne -, qui adopteraient un « statut d'observateur » avant de le rejoindre au stade de la production. Toutefois, en décembre 1998, les trois pays participants annoncèrent qu'ils repoussaient de six mois une décision conjointe sur ce projet de blindé à roues. Il semble en effet que les états-majors impliqués aient en la matière des ambitions quelque peu différentes, la France donnant ainsi la priorité à un « véhicule blindé de combat d'infanterie » (appellation française du programme trilatéral), tandis que ses partenaires allemand et britannique privilégieraient un engin de transport de troupes. En conséquence si, le 21 décembre, le ministre français de la défense annonçait avoir signé avec son homologue allemand un protocole d'accord sur la version transport de troupes de ce blindé, la France et l'Allemagne s'accordaient dans le même temps un délai de six mois supplémentaires pour sa version de combat, la France se réservant en outre l'option de mettre au point son propre blindé de combat en cas de refus de ses partenaires. Notant une nouvelle fois qu'à l'instar du programme franco-italo-britannique de frégate « Horizon » confié à la société conjointe Europaams, l'existence de divergences de priorité et de besoin entre états-majors des pays associés tend à multiplier les reports d'exécution des programmes d'armement concernés, il lui demande donc de faire au plus tôt le point de ce dossier, et de lui indiquer les initiatives envisagées par la France afin que la réalisation des programmes européens d'armement en coopération auxquels elle participe fasse l'économie de ces sempiternels retards et controverses.
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Texte de la REPONSE :
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Le programme français de véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) est destiné à remplacer les véhicules de combat AMX 10P actuellement en service dans l'armée de terre. Il se décline en deux versions : une version de combat, dite « VTT », équipée d'une tourelle et capable de transporter un groupe d'infanterie, et une version poste de commandement, dite « VPC ». Le besoin opérationnel français pour ce système d'armes représente 600 véhicules (450 en version armée « VTT » et 150 en version « VPC »), dont 200 au titre de la première tranche de série (150 « VTT » et 50« VPC »). L'Allemagne, puis le Royaume-Uni, ayant exprimé le besoin d'un véhicule assez similaire destiné au transport de troupes, bien que plus faiblement armé et protégé que la version armée « VTT » du VBCI français, la recherche d'une coopération trilatérale portant sur une famille de véhicules blindés à roues a été entreprise. Celle-ci devrait permettre, outre une réduction des coûts de développement et de production supportés par chaque pays, d'améliorer l'interopérabilité des forces armées européennes et de favoriser le rapprochement de l'industrie des blindés en Europe, dans un contexte global de vive concurrence et de réduction des marchés. Dans un communiqué commun du 22 avril 1998, les ministres de la défense allemand, français et britannique ont annoncé qu'ils retenaient comme solution préférentielle, à l'issue d'une compétition, le concept ARGE/GTK proposé par le consortium Eurokonsortium (rebaptisé « ARTEC »), associant ARGE/GTK pour l'Allemagne, GIAT-Industries pour la France et GKN Défense pour le Royaume-Uni. Ils prévoient de notifier un contrat à ce consortium « moyennant l'achèvement des procédures nationales d'approbation et la négociation avec l'industrie de termes contractuels et de conditions financières satisfaisants ». Dès l'approbation par le Parlement allemand, conformément au communiqué du 22 avril 1998, du mémoire d'entente de ce programme, destiné à couvrir le développement et la production initiale d'un total de 600 véhicules (dont 200 pour la France), et bien qu'aucune date limite pour la notification d'une commande ne figure dans ce communiqué, le ministère de la défense a aussitôt entrepris la mise au point du marché correspondant avec l'industrie. L'examen détaillé du concept ARGE/GTK, auquel l'industrie française n'a pas été associée pour sa définition, a révélé son inadéquation à l'égard de caractéristiques jugées essentielles pour les besoins de l'armée de terre, s'agissant de la version armée « VTT » du VBCI français, notamment en matière de protection du groupe d'infanterie transporté et de performances de tir. C'est dans ce contexte que les ministres de la défense des trois pays initialement engagés dans cette coopération, soucieux de ne pas la voir différée inutilement et d'éviter tout risque de controverse, ont signé le 17 décembre 1998 un mémoire d'entente couvrant le développement de la version « VPC » du VBCI français et des versions destinées au transport de troupes des deux autres partenaires. Le contrat correspondant devrait pouvoir être notifié à l'industrie au cours du premier trimestre 1999. En outre, les Pays-Bas ont été invités à confirmer leur intérêt pour ce programme de coopération ; leur participation, le cas échéant, prendra effet après la signature d'un amendement au mémoire d'entente trilatéral et d'un avenant au premier contrat notifié à l'industrie. Parallèlement, la France a entrepris, à l'échelle européenne, la recherche de solutions possibles pour la version armée « VTT » du VBCI français, sur la base ou non de composants issus du programmes de coopération. Elle s'est engagée à communiquer le résultat de cette démarche à ses partenaires dans un délai de six mois. Ce délai supplémentaire a en effet été jugé nécessaire afin de pouvoir définir les conditions de réalisation éventuelle d'une version du programme de coopération qui satisferait les besoins opérationnels propres à notre pays. D'une façon générale, les programmes d'armement réalisés en coopération sont, par nature, exposés aux décisions prises par les autorités compétentes des différents pays participants, celles-ci n'étant pas tenues d'adopter une position immuable. Dans ce domaine, la volonté partagée par les autorités françaises et allemandes de redynamiser leur coopération en matière d'armement doit être soulignée. Cette volonté politique commune se traduit notamment, à la demande du conseil franco-allemand de défense et de sécurité, par la mise en oeuvre d'une démarche systématique d'examen mutuel des projets d'équipement figurant dans les planifications nationales, ainsi que des études amont engagées ou prévues dans la perspectives de ces projets. A travers la mise en place d'un véritable processus de planification commune des besoins et des équipements militaires, il s'agit ainsi de mieux préparer les futurs programmes de coopération, et par là même de contribuer à leur stabilité dans le temps. La France cherche à promouvoir cette démarcher auprès de ses principaux partenaires européens, à commencer par ceux présents au sein de l'organisme commun de coopération en matière d'armement (OCCAR), autres que l'Allemagne. Par ailleurs, un groupe de travail sur l'harmonisation des besoins opérationnels, piloté par l'Allemagne, a été mis en place dans le cadre de l'examen des mesures d'accompagnement des restructurations industrielles, qui a fait l'objet d'une lettre d'intention signée le 6 juillet 1998 par les ministres de la défense français, allemand, britannique, italien, espagnol et suédois. La démarche d'harmonisation des planifications engagées par la France devrait, à ce titre, être particulièrement utile. Enfin, la ratification par les pays fondateurs de l'OCCAR, au cours des prochains mois, de la convention destinée à lui conférer une personnalité juridique permettra à cette agence d'acquisition d'armements de conclure avec l'industrie, par délégation des pays participant aux programmes dont la gestion lui aura été confiée (parmi lesquels le VBCI), des contrats pluriannuels. Ces contrats engageront les pouvoirs publics sur plusieurs années et devraient ainsi permettre d'éviter les remises en cause inopportunes de ces programmes.
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