FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 23602  de  M.   Sarre Georges ( Radical, Citoyen et Vert - Paris ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  11/01/1999  page :  135
Réponse publiée au JO le :  22/03/1999  page :  1690
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Russie
Analyse :  centrales nucléaires. sécurité
Texte de la QUESTION : M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le récent rapport de Mme Josette Durieu, vice-présidente de l'UEO, dénonçant les mauvaises conditions de sécurité du nucléaire civil et militaire en Russie et dressant un bilan critique de l'aide occidentale à la Russie dans ce domaine. Alors que la situation du parc nucléaire russe reste « réellement préoccupante », l'aide occidentale à la Russie accuserait ainsi un déficit majeur de coordination faisant qu'en dépit des très nombreuses coopérations mises en place pour accroître la sécurité des installations, le « problème n'est pas traité dans sa globalité » - sans même parler du détournement, au profit de sous-traitants russes et de cabinets-conseils occidentaux, de centaines de millions de francs d'aide à la sécurité nucléaire civile du programme européen Tacis, dénoncé par la Cour des comptes européenne en septembre 1998. Observant que « la démotivation [des personnels] liée aux difficultés socio-économiques accentue le risque d'accident nucléaire sur ces sites civils », l'UEO relève par ailleurs que de nombreux traités relatifs au nucléaire n'ont pas encore été ratifiés par la Douma - tels le traité Start II sur le démantèlement des arsenaux nucléaires, la convention de Vienne sur la responsabilité en cas d'accident, ou la convention de Londres sur l'immersion des déchets radioactifs -, tout en soulignant que les programmes engagés ne sont pas toujours respectés, sachant que « la Russie ne reconnaît pas aux accords auxquels elle souscrit un caractère vraiment contraignant ». Ces observations ne laissent pas d'inquiéter, au vu de la situation actuelle du nucléaire russe. En matière civile, la compagnie d'Etat pour l'énergie atomique Rosenergoatom indiquait ainsi, le 9 octobre 1998, que 62 irrégularités avaient été enregistrées dans le parc russe - totalisant 29 réacteurs répartis en 9 centrales, dont 15 réacteurs RBMK du type de ceux de Tchernobyl - entre les mois de janvier et août de cette année, soit cinq fois plus que lors de la même période en 1997 ; tandis que le ministre russe chargé des situations d'urgence Sergueï Choïgou déclarait publiquement, le 27 juin 1998, que la Russie avait évité deux catastrophes nucléaires qui auraient été aussi graves que celle de Tchernobyl. Le secteur de la recherche - au premier rang duquel l'Institut Kourtchatov de Moscou, ancien fleuron de l'ère soviétique - n'est pas épargné, son directeur allant jusqu'à déclarer, en août 1997, « ne pas exclure la possibilité d'un accident nucléaire à Moscou en raison de l'impossibilité de » renouveler les équipements « et » effectuer les réparations indispensables sur les sept réacteurs nucléaires « de l'Institut. En matière militaire, dès le 7 février 1997, le ministre russe de la défense Igor Rodionov, soulignant l'» effrayant « état de décomposition de l'armée, avouait que » personne ne peut garantir la fiabilité de nos systèmes de contrôle « - dont certains éléments » ont déjà doublé ou triplé leur durée d'exploitation « - et disait même craindre que, » d'ici quelque temps, la Russie n'arrive au seuil au-delà duquel missiles et systèmes nucléaires deviennent incontrôlables «. De son côté, dans le sillage du rapport Nikitine sur le délabrement de la flotte du Nord et la pollution nucléaire sur la péninsule de Kola, le parlementaire Vladimir Goman, président d'une commission de la Douma, n'hésitait pas à parler, en novembre 1997, » du Tchernobyl qui menace le nord de la Russie, la Norvège, la Suède et la Finlande «. Dans ce contexte, il lui demande donc de faire le point des actions mises en oeuvre par la France et ses partenaires en vue de renforcer la sécurité du nucléaire civil et militaire en Russie, ainsi que de lui indiquer les initiatives envisagées afin d'en corriger au plus tôt les dysfonctionnements.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire a bien voulu interroger le ministre des affaires étrangères sur les actions mises en oeuvre par la France et ses partenaires pour renforcer la sécurité du nucléaire civil et militaire en Russie. Un grand nombre d'initiatives ont été prises depuis le sommet du G 7 de Munich en 1992 : création d'un fonds multilatéral de sûreté nucléaire auprès de la BERD, instauration du mécanisme du G 24 pour coordonner l'aide bilatérale, financement par le programme TACIS de nombreuses actions dans le domaine de la sûreté nucléaire, possibilité d'utiliser les prêts EURATOM pour financer des projets visant à améliorer la sûreté nucléaire, projets de coopération bilatérale... Le sommet du G 7 et de la Russie sur la sûreté et la sécurité nucléaires, qui s'est déroulé le 20 avril 1996, à Moscou, sous coprésidence franco-russe, avait précisément pour objectif le renforcement de la coopération internationale dans ces deux domaines : A. La sécurité nucléaire : 1. Les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Moscou ont appelé à une large coopération internationale pour identifier et mettre en oeuvre des solutions concrètes pour faire face aux vastes excédents de matières fissiles issues du démantèlement des armes nucléaires. A cette fin, la France a organisé, fin octobre 1996, à Paris, une rencontre internationale d'experts sur l'utilisation finale du plutonium issu du démantèlement des armes. Lors de cette conférence, les experts ont établi que la consommation en réacteur du plutonium militaire était une solution satisfaisante tant en termes de sécurité que d'un point de vue économique et écologique. Concrètement, la France poursuit depuis 1992 avec la Russie et l'Allemagne, un programme d'aide au démantèlement des armes nucléaires russes. L'objectif de cette coopération est la réalisation d'une usine permettant de transformer le plutonium militaire en combustible utilisable dans les réacteurs civils russes, afin de le rendre impropre à un usage militaire. 2. Lors du même sommet, un programme de lutte et de prévention contre les trafics illicites de matières nucléaires a été adopté. Depuis l'effondrement de l'URSS, quelques cas de trafic ont été en effet recensés. Les cas réellement significatifs, c'est-à-dire impliquant des matières nucléaires de qualité militaire, sont extrêmement rares. Cependant, tout risque de prolifération ne peut être écarté. Une action internationale a donc été développée à deux niveaux : la prévention, par une assistance aux pays de l'Est pour le contrôle et la protection physique des matières nucléaires, la répression, par un échange accru d'informations et une coordination entre les services de douanes, de police et de justice. Le Gouvernement français souscrit pleinement à ces orientations et encourage l'adhésion du plus grand nombre de pays à ce programme. B. La sûreté nucléaire : 1. Déchets radioactifs : la France est gravement préoccupée par le problème des déchets radioactifs dans la région du Nord-Ouest. Afin d'améliorer la situation, la France a développé, depuis 1994, une coopération étroite avec la Norvège et créé un groupe de travail franco-norvégien sur les pollutions nucléaires d'origine russe, qui s'articule autour des thèmes suivants : traitement et stockage des combustibles irradiés ainsi que des déchets radioactifs ; comportement des radionucléides en milieu marin et modernisation de la centrale de Kola. Ce groupe a d'ores et déjà défini un projet de 60 MF, visant à permettre le réaménagement d'un navire ancré en rade de Mourmansk (Le Lepse). D'autres projets du même type sont actuellement à l'étude et pourraient prochainement aboutir. L'absence de législation adéquate en Russie en matière de responsabilité civile nucléaire freine cependant la coopération. La Russie s'est, par ailleurs, engagée, lors du sommet de Moscou, à adhérer à l'amendement de 1993 à la Convention de Londres, qui prohibe toute immersion en mer de déchets radioactifs. Enfin, une Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs a été adoptée le 5 septembre 1997 sous les hospices de l'Agence internationale de l'énergie atomique. La France a été l'un des premiers Etats signataires de ce nouvel instrument international qui devrait contribuer à ce que les combustibles usés et les déchets radioactifs soient gérés de façon sûre et efficace dans l'ensemble du monde. Nous espérons que la Russie y adhérera prochainement ; 2. Centrales nucléaires russes : lors du sommet de Moscou d'avril 1996, un nombre important d'avancées ont été enregistrées. A cette occasion, la Russie s'est en effet engagée à fermer les réacteurs qui ne peuvent être portés à des niveaux de sûreté satisfaisants, à faire prévaloir la sûreté nucléaire sur toute autre considération et à adhérer à la Convention de Vienne sur la responsabilité civile nucléaire. Un don de 76 millions d'écus, destiné à financer des améliorations urgentes de court terme sur les VVER 440/230 et RBMK peu sûrs de Kola, Leningrad et Novovoronej, a par ailleurs été accordé à la Russie en juin 1995 par le Fonds de sûreté nucléaire (FSN/BERD, auquel la France est le premier contributeur avec 57 millions d'écus). En contrepartie, les Russes ont accepté, d'une part, de soumettre la totalité de leurs VVER 440/230 et RBMK peu sûrs à un régime d'autorisations de fonctionnement annuelles ou pluriannuelles délivrées, au vu d'études approfondies de sûreté, par l'autorité de sûreté russe assistée d'experts occidentaux et, d'autre part, d'élaborer des plans de développement énergétique à long terme économiquement rationnels. Moscou ayant cependant redémarré l'an dernier, en contradiction avec l'accord passé avec le FSN, le réacteur peu sûr de Koursk 1, la France et ses partenaires du G 7 ont fermement rappelé à la Russie à l'occasion de la réunion ministérielle du G 8 sur l'énergie (mars 1998) et lors du dernier sommet du G 8 de Birmingham (mai 1998), la nécessité de faire prévaloir la sûreté nucléaire sur toute autre considération. Nous espérons que les rencontres régulières du groupe de travail du G 7 sur la sûreté nucléaire avec la partie russe permettront d'obtenir prochainement la remise à l'arrêt de Koursk 1 et, plus globalement, le respect des engagements pris lors du sommet de Moscou.
RCV 11 REP_PUB Ile-de-France O