FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2360  de  M.   Landrain Édouard ( Union pour la démocratie française-Alliance - Loire-Atlantique ) QG
Ministère interrogé :  Premier Ministre
Ministère attributaire :  Premier Ministre
Question publiée au JO le :  01/11/2000  page :  7811
Réponse publiée au JO le :  01/11/2000  page :  7811
Rubrique :  déchets, pollution et nuisances
Tête d'analyse :  mer et littoral
Analyse :  produits chimiques. naufrage de l'Ievoli Sun
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Edouard Landrain.
M. Edouard Landrain. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du transport et du logement. («Où est-il ? A-t-il coulé ?» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Malgré l'Erika, dont les dégâts ne sont pas encore totalement effacés, malgré les promesses, les navires poubelles continuent de naviguer.
Ce matin, l'un d'entre eux, le Ievoli Sun, a sombré. Il avait été contrôlé par la société italienne Rina, la même qui avait contrôlé l'Erika et qui, rappelons-le, est mise en examen pour mise en danger de la vie d'autrui.
Ce navire contenait un produit qualifié de «très toxique, très corrosif et déflagrant», au dire de M. le Préfet maritime de Cherbourg.
Plusieurs questions se posent à nous.
Premièrement, ce navire était-il véritablement en état de naviguer et de transporter des produits dangereux ?
Deuxièmement, a-t-il signalé ses difficultés suffisamment tôt ?
Troisièmement, quelles ont été les instructions données, tant par les autorités anglaises que françaises ? Le Ievoli Sun, comme Greenpeace le laisse entendre, a-t-il été volontairement dirigé vers la fosse des Casquets pour y couler ?
Quatrièmement, quelles mesures avez-vous prises pour protéger la faune et la flore et préserver nos côtes ?
Et surtout, quand les mesures préconisées par la commission d'enquête sur les transports maritimes polluants à laquelle je participais avec Jacques Le Nay, ici à mes côtés, seront-elles appliquées tant par la France et la Grande-Bretagne que par nos partenaires européens ?
Le ministre de l'équipement, des transports et du logement occupe son poste depuis trois ans. Il parle beaucoup mais il a peu fait. (Protestations, sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Il préside actuellement le conseil des ministres européen des transports. Il faut qu'il sache que les populations maritimes en ont marre ! Que va faire le Gouvernement maintenant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Richard Cazenave. Quel honneur !
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, Jean-Claude Gayssot est sur place depuis ce matin. Il n'est donc pas en état de vous répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Dominique Voynet, qui était à l'étranger, le rejoindra dans quelques instants, si même elle n'est pas déjà arrivée sur place.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. En tout cas, elle n'est pas là !
M. le Premier ministre. L'action qu'ils mènent tant au plan national qu'européen devrait susciter de votre part plus d'intérêt et plus de respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Car un certain nombre de mesures, que nous avons proposées à nos partenaires européens, que ceux-ci ont acceptées et sur lesquelles je reviendrai,...
M. Patrick Devedjian. Quel échec !
M. le Premier ministre. ... n'auraient pas à être prises si vous l'aviez fait antérieurement... (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Patrick Devedjian. Et vous encore avant !
M. le Premier ministre. ... alors que les transports dangereux ne datent pas d'hier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Patrick Devedjian. Jamais responsable de rien !
M. le Premier ministre. Ce matin, le navire Ievoli Sun a donc coulé à trente-cinq kilomètres à l'ouest-nord-ouest du cap de La Hague. Je remercie et rends hommage aux membres de l'équipage du remorqueur Abeille qui ont essayé de sauver ce bateau et de le conduire vers un port dans des conditions très difficiles et qui n'ont malheureusement pas pu y parvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Le plan polmar a été déclenché immédiatement. Une cellule de crise a été constituée dans les préfectures maritimes de Brest et de Cherbourg. Le CICAD, le centre interministériel de coordination et d'aide à la décision, a été armé auprès du ministère de l'équipement, des transports et du logement pour assurer la coordination interministérielle au niveau central et suivre le déroulement des opérations.
Des moyens de lutte contre la pollution en mer - barrages flottants - sont en cours de rapatriement de la Rochelle sur Cherbourg. Le plan polmar-terre a été mis en pré-alerte. La cellule de crise interministérielle a été mise en place auprès du ministère de l'intérieur. Une unité spécialisée de la sécurité civile, la compagnie d'intervention technologique, a été envoyée à Cherbourg.
Le navire se trouvant dans les eaux des îles anglo-normandes, le plan Manche a également été activé, pour assurer la coordination entre les autorités françaises et britanniques. Un avion polmar a été envoyé ce matin sur zone pour repérer des traces éventuelles de pollution. Des moyens nautiques réalisent des prélèvements dans l'eau sur zone. L'armateur et l'assureur étudient en liaison avec la société Les Abeilles internationales les conditions d'intervention d'un pompage.
Des experts, sous l'égide du CEDRE, centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux, sont en train d'approfondir leurs analyses sur les conséquences pour l'environnement des produits transportés. A ce stade, il semble que seul le styrène présente une forte toxicité pour l'environnement. Il convient donc de définir les conditions précises d'intervention en cas de fuite avérée de la cargaison.
M. Jean-Pierre Dupont. C'est du blabla !
M. le Premier ministre. Non, c'est de l'action pratique, monsieur le député ! Mettez donc votre combinaison et rendez-vous sur place à la nage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. C'est de la petite polémique !
M. le Premier ministre. Nous ne pouvons naturellement pas décider du climat. Nous ne pouvons pas non plus prendre de décision pour un bateau qui n'a pas quitté un port français. Mais je peux vous dire que ce que nous avons engagé au niveau européen est en train d'avancer et que cela n'avait pas été fait avant ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Richard Cazenave. Deux septennats socialistes, à quoi ça sert ?
M. le Premier ministre. Le Gouvernement français a adressé aux organisations internationales compétentes - l'OMI, le FIPOL, l'Union européenne - trois mémorandums développant une approche globale pour le renforcement de la sécurité maritime, fondée sur trois principes: la prévention, le renforcement des normes et des contrôles, un accroissement des responsabilités et des sanctions.
Ces propositions françaises ont été largement reprises, tant par la Commission européenne que par le Conseil des ministres européens des transports, que par l'Organisation maritime internationale, sous l'égide notamment de Jean-Claude Gayssot.
Sous la présidence française, un accord politique intervenu à quinze a été trouvé sur les premières mesures de renforcement de la sécurité maritime. Elles concernent le renforcement du contrôle des sociétés de classification, le durcissement du contrôle des navires dans les ports et l'accélération de l'élimination des navires à simple coque. Mais je rappelle que le Ievoli Sun est un navire à double coque.
Si le Parlement s'en tient au calendrier prévu - parce que nous nous inscrivons dans le respect des institutions, je pense que l'Assemblée nationale peut le comprendre, et un examen par le Parlement de ces mesures est prévu pour le 21 novembre - ces textes devraient être adoptés avant la fin de l'année.
Dès qu'ils le seront, le Gouvernement français prendra une initiative pour obtenir un accord intergouvernemental à quinze, afin que ces textes soient d'application immédiate. C'est ce que nous proposerons notamment en vue du Conseil européen de Nice.
Pour ce qui concerne le deuxième paquet, relatif à la surveillance des navires, à la responsabilisation des opérateurs de transport, à la mise en place d'un système de contrôle des inspecteurs de sécurité, la Commission européenne devrait compléter ses propositions afin d'en permettre un examen par le Conseil européen d'ici à la fin de l'année.
A ces travaux doit être ajouté le fruit de la mobilisation des Quinze dans le cadre de l'OMI, l'Organisation maritime internationale: introduction d'une obligation de signalement avant le détroit de la Manche pour les navires en transit au large de nos côtes dans la zone considérée, dite des Casquets; contrôle obligatoire en cale sèche tous les deux ans et demi pour les navires de quinze ans, engagement des négociations qui devraient permettre de raccourcir les délais de disparition des navires citernes à simple coque.
Le Gouvernement fait face à l'urgence, il prépare le moyen terme et je pense, mesdames et messieurs les députés, que nous pourrons, à défaut d'avoir pu éviter cet accident qui s'est produit avant que ces nouvelles mesures soient adoptées à quinze, du moins éviter qu'il ne se renouvelle dans l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
UDF 11 REP_PUB Pays-de-Loire O