FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 238  de  M.   Albertini Pierre ( Union pour la démocratie française - Seine-Maritime ) QOSD
Ministère interrogé :  éducation nationale, recherche et technologie
Ministère attributaire :  éducation nationale, recherche et technologie
Question publiée au JO le :  25/03/1998  page :  2098
Réponse publiée au JO le :  01/04/1998  page :  2216
Rubrique :  enseignement supérieur
Tête d'analyse :  universités
Analyse :  délocalisations. antennes. fonctionnement. financement
Texte de la QUESTION : M. Pierre Albertini indique à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'insertion professionnelle que plus de 2 millions d'étudiants poursuivent désormais des études supérieures. 1 600 000 d'entre eux sont inscrits dans les 90 universités aujourd'hui opérationnelles sur l'ensemble du territoire national. Une part non négligeable, puisqu'elle représente près de 60 000 étudiants, suit des cours dans les 60 antennes délocalisées créées, dès les années 70, à l'initiative des collectivités locales mais aussi des universités elles-mêmes. Les pouvoirs publics, confrontés au défi du nombre, sont demeurés, depuis 30 ans, d'une neutralité relative, abandonnant, plutôt, au « laisser faire » le soin de réguler les implantations universitaires. Dans le même temps, malgré l'appel massif aux collectivités territoriales (Université 2000, contrats de plan Etat-région), les lois de décentralisation confirmaient la compétence étatique en matière d'enseignement supérieur. Conséquence directe de cette réglementation, les antennes délocalisées fonctionnent, dans l'ambiguïté et selon des règles s'inspirant le plus souvent du « bricolage ». Cette situation a pour corollaire inévitable une insécurité dommageable, principalement pour les étudiants qui aspirent à poursuivre leurs études dans un cadre propice à leur réussite. Les difficultés rencontrées par le centre universitaire de Troyes sont, de ce point de vue, illustratives d'un phénomène très général hélas. Il est à craindre, en effet, que le pré-rapport de la chambre régionale de la Cour des comptes interdisant, en application des règles de délimitation des compétences, à l'agglomération troyenne de verser aux enseignants des indemnités, qualifiées de surrémunération, ne fasse jurisprudence. Il apparaît bien que les règles juridiques aujourd'hui en vigueur soient largement dépassées par les faits. Deux conclusions s'imposent donc aux pouvoirs publics : l'obligation de prendre des mesures temporaires destinées à ne pas compromettre le déroulement des études supérieures de plusieurs milliers d'étudiants ; la nécessité de revoir, à très court terme, certaines dispositions de notre droit afin que ce dernier soit, de nouveau, en adéquation avec la réalité. La recherche de solutions idoines paraît d'autant plus opportune qu'un rapport confidentiel de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale conclut que, « pour la collectivité nationale, le surcoût des délocalisations est plus apparent que réel mais qu'il serait sage de reconnaître que des contraintes particulières sont acceptées par les universitaires et de prévoir par un texte réglementaire la conclusion de contrats pédagogiques ou le versement d'indemnités pour heures spécifiques, l'adoption de ce principe ne signifiant pas que la charge doive nécessairement en être supportée par l'Etat dans la mesure où les collectivités territoriales acceptent de compenser financièrement le surcoût engendré ». Il lui demande donc quelles sont les interventions dans ce domaine.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Pierre Albertini a présenté une question, n° 238, ainsi rédigée:
«M. Pierre Albertini indique à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie que plus de 2 millions d'étudiants poursuivent désormais des études supérieures. 1 600 000 d'entre eux sont inscrits dans les 90 universités aujourd'hui opérationnelles sur l'ensemble du territoire national. Une part non négligeable, puisqu'elle représente près de 60 000 étudiants, suit des cours dans les 60 antennes délocalisées créées, dès les années 70, à l'initiative des collectivités locales mais aussi des universités elles-mêmes. Les pouvoirs publics, confrontés au défi du nombre, sont demeurés, depuis trente ans, d'une neutralité relative, abandonnant, plutôt, au «laisser-faire» le soin de réguler les implantations universitaires. Dans le même temps, malgré l'appel massif aux collectivités territoriales (Université 2000, contrats de plan Etat-région), les lois de décentralisation confirmaient la compétence étatique en matière d'enseignement supérieur. Conséquence directe de cette réglementation, les antennes délocalisées fonctionnent dans l'ambiguïté et selon des règles s'inspirant le plus souvent du «bricolage». Cette situation a pour corollaire inévitable une insécurité dommageable, principalement pour les étudiants qui aspirent à poursuivre leurs études dans un cadre propice à leur réussite. Les difficultés rencontrées par le centre universitaire de Troyes sont, de ce point de vue, illustratives d'un phénomène très général, hélas ! Il est à craindre, en effet, que le prérapport de la chambre régionale de la Cour des comptes interdisant, en application des règles de délimitation des compétences, à l'agglomération troyenne de verser aux enseignants des indemnités, qualifiées de surrémunération, ne fasse jurisprudence. Il apparaît bien que les règles juridiques aujourd'hui en vigueur soient largement dépassées par les faits. Deux conclusions s'imposent donc aux pouvoirs publics: l'obligation de prendre des mesures temporaires destinées à ne pas compromettre le déroulement des études supérieures de plusieurs milliers d'étudiants; la nécessité de revoir, à très court terme, certaines dispositions de notre droit afin que ce dernier soit, de nouveau, en adéquation avec la réalité. La recherche de solutions idoines paraît d'autant plus opportune qu'un rapport confidentiel de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale conclut que, «pour la collectivité nationale, le surcoût des délocalisations est plus apparent que réel mais qu'il serait sage de reconnaître que des contraintes particulières sont acceptées par les universitaires et de prévoir par un texte réglementaire la conclusion de contrats pédagogiques ou le versement d'indemnités pour heures spécifiques, l'adoption de ce principe ne signifiant pas que la charge doive nécessairement en être supportée par l'Etat dans la mesure où les collectivités territoriales acceptent de compenser financièrement le surcoût engendré». Il lui demande donc quelles sont ses intentions dans ce domaine.»
La parole est à M. Pierre Albertini, pour exposer sa question.
M. Pierre Albertini. Ma question concerne les conditions de fonctionnement de la soixantaine de centres universitaires délocalisés, que l'on appelle plus familièrement des antennes. Un grand nombre d'étudiants y vivent et y travaillent, souvent d'ailleurs dans des conditions assez satisfaisantes.
Malheureusement, depuis la création de ces antennes, dans les années 70, on s'est rendu compte, au fil du temps, que les relations juridiques entre l'Etat et les collectivités locales, entre les collectivités locales et les universités mères n'étaient pas précisées. Comme vous le savez, madame le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire, les collectivités locales se sont largement impliquées, tant dans l'aménagement que dans la construction. Aujourd'hui, elles font face à des dépenses de fonctionnement très diverses: mise à disposition de personnels, versement d'indemnités de déplacement ou de temps perdu pour les enseignants, et j'en passe.
Désormais, il faut inscrire les relations entre l'Etat et les collectivités locales dans un minimum de sécurité et de stabilité juridique, en d'autres termes, mettre les faits et le droit en accord, ce qui, hélas ! n'est pas le cas aujourd'hui. Le dernier exemple du hiatus juridique actuel concerne le centre universitaire de Troyes, où il y a eu grève des enseignants et occupation des locaux par les étudiants. Une solution provisoire - mais provisoire seulement, j'insiste - a été trouvée.
Il est bien évident qu'au fur et à mesure que les investigations des chambres régionales des comptes s'intéressent aux relations financières entre les collectivités locales et les universités, des anomalies de fonctionnement apparaissent. Vous le savez, sur le plan juridique, la compétence de l'enseignement supérieur est à l'Etat. Il reste le maître du jeu. Pourtant, depuis Université 2000, depuis les contrats de plan, le financement par les collectivités locales s'est très largement étendu.
Aussi, pour calmer l'inquiétude de très nombreuses antennes universitaires, je souhaiterais que l'Etat assume ses responsabilités, en élaborant, par exemple, une convention-cadre qui pourrait préciser les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales s'agissant du fonctionnement de ces centres. D'ailleurs, ce fonctionnement donne satisfaction dans l'ensemble. Le rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale, que j'ai lu avec grand intérêt, montre en effet que la création de ces antennes a eu de nombreux aspects positifs, même si toutes n'ont pas encore trouvé leur essor et les conditions de leur pérennité.
C'est pourquoi, madame le ministre, au nom de l'association des villes universitaires que je préside, je serai très attentif à votre réponse.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire. Monsieur le député, Claude Allègre, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, m'a chargé de répondre à sa place.
Comme vous venez de le souligner, le maillage universitaire dans les sites délocalisés a été un facteur important de la démocratisation de l'enseignement supérieur, notamment à travers les IUT et les premiers cycles délocalisés.
S'il est vrai que l'Etat garde la compétence sur ces questions, le dispositif réglementaire actuel permet, en application de l'article 7 du décret du 12 janvier 1990, de rémunérer au-delà de leur service statutaire les enseignants s'engageant par un contrat pédagogique à un service supplémentaire pouvant comprendre des activités pédagogiques spécifiques. Le contenu de ces dernières, qui peuvent dont être rémunérées au titre d'un investissement pédagogique particulier et dont le taux de rémunération est celui des indemnités pour heures complémentaires classiques, est défini par le conseil d'administration de chaque établissement.
Le dispositif juridique est donc précis et s'il existe encore des confusions, il convient de procéder aux clarifications nécessaires, à la lumière du décret du 12 janvier 1990.
Toutefois, une réflexion est engagée sur les conditions de fonctionnement des sites délocalisés pour répondre à certaines questions comme celles que vous posez. Actuellement, les services du ministère travaillent sur un projet de convention-cadre, et je pense donc que nous pourrons prochainement répondre à vos préoccupations.
M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.
M. Pierre Albertini. Madame le ministre, je prends acte de votre réponse. Il est très important, au-delà du décret lui-même, que les chambres régionales des comptes ne semblent pas toutes avoir intégré dans leur réflexion, qu'une convention-cadre vienne stabiliser l'ensemble de ces relations, non pas seulement la rémunération en heures complémentaires du personnel mais aussi d'autres aspects qui touchent au fonctionnement même ce ces antennes. Leur bilan est globalement positif, vous l'avez dit vous-même à l'instant, soulignant le concours très important qu'elles ont apporté à la démocratisation de l'enseignement supérieur. S'agissant de la formation des jeunes et de l'aménagement du territoire, ces antennes remplissent aujourd'hui une fonction qui mérite d'être reconnue et encouragée.
UDF 11 REP_PUB Haute-Normandie O