FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2420  de  M.   Desallangre Jacques ( Radical, Citoyen et Vert - Aisne ) QG
Ministère interrogé :  affaires européennes
Ministère attributaire :  affaires européennes
Question publiée au JO le :  16/11/2000  page :  8581
Réponse publiée au JO le :  16/11/2000  page :  8581
Rubrique :  langue française
Tête d'analyse :  défense et usage
Analyse :  consommation. étiquetage informatif
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. My question related to the consumer protection and to the french language defence is addressed to mister the delagate minister of european affairs. (Sourires.)
Monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, devrai-je un jour poser mes questions en ces termes ? Nous n'en sommes pas là. Et pourtant ! Le 5 juin 1996, la direction de la consommation dans un supermarché verbalise uniquement en anglais l'affichage de denrées alimentaires. Le tribunal de police sanctionne. La cour d'appel saisie du litige interroge la Cour de justice des Communautés européennes et celle-ci considère, dans son arrêt, que les traités et directives «s'opposent à ce qu'une réglementation nationale impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires».
A quoi servirait-il de verser des larmes de crocodile sur les dangers que courraient les Français du fait de leur alimentation si, dans le même temps, on empêchait le citoyen consommateur de prendre par lui-même connaissance de la composition des aliments et d'en juger ? Et cela parce que nous aurions capitulé sur l'usage obligatoire du français pour les choses de la vie de tous les jours...
M. Jacques Myard. Il a raison !
M. Jacques Desallangre. ... et sur notre propre sol, considérant que l'affichage en anglais est suffisant au motif que c'est une langue universelle comprise par tous. Comment informer et protéger le consommateur si les indications censées l'éclairer sont rédigées dans une langue étrangère ? Et il en est de même concernant les brevets. Le français deviendra-t-il une langue supplétive en France pour leur dépôt et leur opposabilité ?
Après la monnaie unique, la Commission européenne et la CJCE imposeraient progressivement une langue unique. De langue alternative, l'anglais deviendrait, pour des raisons économiques, langue dominante. Le français, comme tous les autres dialectes, serait rangé au rang de particularisme régional, accessoire et facultatif. Il serait considéré comme une réminiscence folklorique.
M. Jacques Myard. Un sabir !
M. Jacques Desallangre. Je vous demande donc, monsieur le ministre, d'engager une révision urgente de cette directive et de toutes normes européennes interdisant aux Etats d'imposer l'utilisation courante de leur langue nationale. Et je ne conclus pas: I look forward to a satisfying answer. (Rires et applaudissements sur divers bancs.)
M. le président. Cher collègue, bravo ! Toutefois, l'accent peut être amélioré...
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, with your permission, I shall answer in french !
Vous avez bien voulu m'interroger sur la défense du français au sein de l'Union européenne, à partir de deux cas bien précis. Vous évoquez, à cet égard, la menace qui planerait sur notre langue nationale qui serait, selon vous, ravalée au rang de simple dialecte. Je crois pouvoir vous rassurer et vous montrer que vos craintes ne sont pas fondées.
L'arrêt de la Cour de justice des Communautés que vous citez porte à la fois sur l'interprétation de l'article 28 du traité CE et sur l'article 14 de la directive de 1979 concernant l'étiquetage, la présentation et la publicité des denrées alimentaires. Mais il faut savoir que les dispositions de la directive de 1979 ont été modifiées et complétées par une directive ultérieure de 1997. Ce qui est désormais exigé, c'est un étiquetage des denrées alimentaires dans une langue facilement comprise par le consommateur, et donc, pour ce qui nous concerne, en français.
Ainsi, comme vous le voyez, grâce à ces nouvelles dispositions, la France est parfaitement en mesure de maintenir sa législation sur l'emploi de la langue française en matière de commercialisation des denrées alimentaires.
En ce qui concerne les brevets, la situation est un peu plus complexe. Vous savez que, dans le cadre de la conférence intergouvernementale de l'organisation européenne des brevets, des propositions ont été faites pour réduire de 50 % les coûts de traduction des brevets. Le projet d'accord en cours de finalisation affirmerait la prééminence des trois langues de l'Office européen des brevets: l'anglais, le français et l'allemand. Le Conseil d'Etat, saisi pour avis par le Premier ministre, a estimé que ce projet n'était pas en lui-même contraire à la Constitution française.
Toutefois, le Gouvernement, conscient des interrogations et des inquiétudes réelles qui se sont exprimées dans notre pays sur cette question, a décidé de ne pas signer en l'état l'accord proposé lors de la conférence de Londres des 16 et 17 octobre derniers, où la délégation française était conduite par Christian Pierret. En effet, le Gouvernement souhaite procéder à une concertation large avec l'ensemble des professionnels concernés - chercheurs, entreprises, avocats, conseils en propriété industrielle - et, bien sûr, avec la représentation nationale, avant de fixer sa position à l'égard du projet d'accord, au plus tard le 30 juin 2001.
Il va de soi que le Gouvernement fera preuve aussi de la plus grande vigilance dans les discussions relatives au brevet communautaire. J'y veillerai moi-même au sein du Conseil du Marché intérieur.
D'une manière générale, je tiens à vous rappeler notre vigilance quant à l'usage du français au sein de l'Union européenne and I hope you're satisfied ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
RCV 11 REP_PUB Picardie O