FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 24828  de  Mme   Zimmermann Marie-Jo ( Rassemblement pour la République - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  culture et communication
Question publiée au JO le :  08/02/1999  page :  722
Réponse publiée au JO le :  17/05/1999  page :  2973
Date de changement d'attribution :  15/03/1999
Rubrique :  télécommunications
Tête d'analyse :  raccordement
Analyse :  réseaux. antennes collectives. communes. autorisation. réglementation
Texte de la QUESTION : Mme Marie-Jo Zimmermann appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le fait que l'article 34 de la loi sur l'audiovisuel n° 86-1067 du 30 septembre 1986 révisée prévoit que l'établissement des réseaux de télécommunications soit soumis à l'autorisation des communes. Les communes, par extension, ont également compétence pour autoriser la création et la modification des antennes collectives. Or, il semblerait que certaines communes font une interprétation abusive de ce texte en invoquant notamment la notion de cohérence économique pour opposer un refus d'installation ou de rénovation des antennes collectives. Ainsi donc, et bien que la copropriété ait respecté la procédure prévue par la loi pour l'établissement de son antenne collective, la commune peut néanmoins le lui interdire si les conditions financières et techniques sont favorables à cette collectivité. Les professionnels de l'électronique font remarquer que cette attitude est en contradiction avec la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen qui, dans son article 10, stipule que toute personne a droit à la liberté de recevoir des informations, ainsi qu'avec l'article 4 de la Convention européenne sur la télévision transfrontalière du 5 mai 1989 et l'article 2-2 de la directive dite « Télévision sans frontières » du 3 octobre 1989. Par ailleurs, il semble que de nombreuses collectivités attribuent à des sociétés de câblage une exclusivité d'établissement et d'exploitation de réseaux de télécommunications sur le territoire d'une commune, voire d'un département. Il s'agit là d'une clause d'attribution illégale, car elle ne concerne pas un service public. Les intéressés souhaitent donc que le Gouvernement détermine de manière précise les conditions dans lesquelles une commune peut refuser la création ou la remise aux normes d'une antenne collective et que la loi puisse être assouplie afin qu'un réseau qui n'emprunte pas la voie publique ne soit pas soumis à autorisation de la commune mais à simple déclaration de travaux. Elle lui demande quel est sont avis sur le sujet évoqué ci-dessus.
Texte de la REPONSE : Le droit pour chaque individu à recevoir librement les émissions de radio et de télévision, quelles que soient leur nature et leur origine, proclamé tant dans la Convention européenne des droits de l'homme que dans la directive « Télévision sans frontières », est garanti en droit interne par l'affirmation, dans la loi du 30 septembre 1986 modifiée, du principe de la liberté de communication audiovisuelle. Cette liberté s'entend de la liberté d'émission mais aussi de la liberté de réception, et, pour ce qui concerne les occupants d'un immeuble, la loi du 2 juillet 1966 modifiée définit leur droit à l'antenne en privilégiant, toutefois, les modes de réception collective par rapport aux modes de réception individuelle. L'établissement d'une antenne collective, comme celui d'un réseau câblé, doit être autorisé par la commune (art. 34 de la loi du 30 septembre 1986 précitée) qui est chargée de veiller « à assurer, dans l'intérêt général, la cohérence de l'ensemble des infrastructures de télédistribution et à respecter la qualité esthétique des lieux, notamment dans les périmètres faisant ou ayant fait l'objet d'une opération d'aménagement prévue par le titre 1er du livre III du code de l'urbanisme ». Pour s'opposer à l'établissement d'une antenne collective sur son territoire, la commune doit ainsi invoquer l'un des motifs visés à l'article 34 et s'assurer que sa décision est bien proportionnée à l'objectif qu'elle poursuit. L'honorable parlementaire souligne à juste titre que de nombreuses communes ont accordé au câblo-opérateur urbain présent sur leur territoire une exclusivité d'établissement et/ou d'exploitation, évoquant ensuite cette exclusivité pour s'opposer à l'établissement de toute autre infrastructure concurrente, telles les antennes collectives. Cette clause ne peut s'inscrire que dans le cadre d'une délégation de service public, impliquant, de ce fait, des obligations à la charge du câblo-opérateur, contreparties de l'exclusivité consentie. Après avis du Conseil d'Etat, une circulaire conjointe du ministère de la culture et de la communication, du ministère de l'intérieur et du ministère de l'économie et des finances du 12 mars 1997 est venue préciser les conditions dans lesquelles pouvait intervenir une telle délégation. Tout d'abord, ne sont concernés que les réseaux câblés ayant été établis par la commune elle-même ou par un tiers pour son compte. Ensuite, la convention d'exploitation liant le câblo-opérateur à la commune constitue une délégation de service public, de ce fait soumise aux dispositions des articles L. 1411-1 à L. 1411-18 du code général des collectivités territoriales, si elle comprend « une clause d'exclusivité au profit du câblo-opérateur et une clause obligeant celui-ci à garantir un droit d'égal accès au service à tous les usagers sur le territoire couvert par le réseau ; et/ou toute autre clause exorbitante du droit commun (par exemple un droit de résiliation unilatéral accordé à la commune, un droit de regard sur la fixation des tarifs à l'usager,...), témoignant de la volonté de la commune d'ériger cette activité en service public et de se placer ainsi dans un régime de droit public ». Dans ce cadre, une exclusivité d'exploitation commerciale du réseau câblé peut ainsi légitimement être consentie par la collectivité locale et permet notamment d'assurer la cohérence économique de l'exploitation du réseau câblé. Sous réserve de l'appréciation du juge dont la jurisprudence ne porte aujourd'hui que sur l'installation d'antennes individuelles de réception, il semble exister au moins une circonstance dans laquelle cette exclusivité ne peut être invoquée pour motiver un refus d'autorisation d'établissement de nouvelles antennes collectives. En effet, si l'offre du câblo-opérateur n'est pas comparable à celle de l'antenne collective, le refus d'établissement de l'antenne collective se traduit, pour les particuliers, par une atteinte au principe de libre réception des programmes rappelé ci-dessus. En matière d'installation d'antennes individuelles de réception, le juge judiciaire et le juge administratif ont largement consacré ce principe de libre réception des programmes (pour le juge administratif par exemple, TA de Lille, 29 mai 1997, préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet du Nord c/commune de Seclin, req. n° 96-2429). Le juge judiciaire, a pour sa part, successivement considéré que toute interdiction générale d'installation de parabole (dans un bail ou un règlement intérieur par exemple) est illégale et doit être réputée non écrite (CA Paris, 6e ch., B, 25 octobre 1996, Espace Habitat SA c/Lopez et autres). Surtout, il a écarté l'interdiction faite à un locataire d'installer une parabole individuelle de réception au motif de l'existence d'une offre collective, dans la mesure où ce locataire souhaitait recevoir des programmes que le réseau câblé ou l'antenne collective n'offrait pas (CA Paris, 8e ch., A, 28 mars 1995, La Régie immobilière de la ville de Paris c/Vasconi). Cette jurisprudence peut très certainement être appréciée dans les mêmes termes s'agissant de l'établissement d'une antenne collective offrant aux particuliers d'autres programmes que ceux du réseau câblé urbain, fut-ce dans le cadre d'une délégation de service public. En toute hypothèse, l'examen par le Parlement du projet de loi sur l'audiovisuel sera l'occasion d'un débat sur la place respective de chacun des supports de diffusion (hertzien terrestre, câble et antennes collectives, satellite).
RPR 11 REP_PUB Lorraine O