FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 249  de  M.   Muselier Renaud ( Rassemblement pour la République - Bouches-du-Rhône ) QOSD
Ministère interrogé :  culture et communication, porte-parole du gouvernement
Ministère attributaire :  culture et communication
Question publiée au JO le :  25/03/1998  page :  2100
Réponse publiée au JO le :  01/04/1998  page :  2221
Rubrique :  arts et spectacles
Tête d'analyse :  théâtres nationaux
Analyse :  aides de l'Etat. la Criée. Marseille
Texte de la QUESTION : M. Renaud Muselier souhaite attirer l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur le désengagement de l'Etat envers le théâtre de la Criée, à Marseille. Ce théâtre national est devenu, au fil des années, le symbole d'une décentralisation culturelle réussie. En 1995, un changement de directeur a modifié la physionomie de la programmation mais non l'attrait du public. Le théâtre de la Criée est passé de 66 000 places en 1994 à plus de 100 000 places depuis 1995. Devant ces succès récompensés tant par le public que par un récent Molière, il souhaite savoir ce qu'elle entend faire pour remédier à cette baisse conséquente des subventions, 1 340 000 francs, pour ne pas pénaliser le public marseillais.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Renaud Muselier a présenté une question, n° 249, ainsi rédigée:
«M. Renaud Muselier souhaite attirer l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur le désengagement de l'Etat envers le théâtre de la Criée à Marseille. Ce théâtre national est devenu au fil des années le symbole d'une décentralisation culturelle réussie. En 1995, un changement de directeur a modifié la physionomie de la programmation mais non l'attrait du public. Le théâtre de la Criée est passé de 66 000 places en 1994 à plus de 100 000 places depuis 1995. Devant ces succès récompensés tant par le public que par un récent Molière, il souhaite savoir ce qu'elle entend faire pour remédier à cette baisse conséquente des subventions, 1 340 000 francs, pour ne pas pénaliser le public marseillais.»
La parole est à M. Renaud Muselier, pour exposer sa question.
M. Renaud Muselier. Monsieur le ministre de l'intérieur, il est amusant, sans faire de jeux de mots, que ce soit vous qui répondiez à une question relative au théâtre de la Criée à Marseille !
Ce théâtre, installé dans les anciennes criées du marché aux poissons de la ville, rencontre un succès de plus en plus important auprès du public, car il constitue un remarquable outil culturel. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: en trois ans 1 032 représentations sur place et en tournée ont rassemblé 424 000 spectateurs; le taux moyen de remplissage du théâtre est de 83 %, avec une pointe exceptionnelle de 90 % en 1996. Il bénéficie d'une équipe permanente composée de trente-six personnes. Ces chiffres démontrent, s'il en était besoin, que l'argent public est utilisé à bon escient.
Toutefois, le théâtre n'est pas subventionné à la hauteur des autres théâtres de province d'importance équivalente et il ne doit son fragile équilibre financier qu'à la part très élevée de ses recettes propres dans son budget: 35 % en 1995, 32 % en 1996, 42 % en 1997. Or son directeur a appris, par voie de presse, que la subvention de fonctionnement pour 1998 était amputée de 1,4 million de francs, afin, vraisemblablement, de redistribuer cette somme à d'autres centres nationaux. Je n'ose penser à celui de Strasbourg.
Les conséquences de cette diminution risquent d'être dramatiques et d'occasionner une fermeture temporaire avec mise au chômage technique de l'ensemble du personnel et de graves répercussions pour les intermittents du spectacle. Cette décision sera également préjudiciable à la qualité des oeuvres présentées, ce qui est fort injuste pour le public de Marseille et des Bouches-du-Rhône. Afin d'éviter que l'ensemble de la vie culturelle de notre ville en pâtisse, qu'envisage le Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous avez paru étonné que le ministre de l'intérieur ait la charge de vous répondre. Pourtant vous devriez savoir que rien n'est étranger à ce ministère qui a été la matrice de beaucoup d'autres dont celui de la culture. (Sourires.) Ce dernier était autrefois rattaché à l'éducation nationale qui, sous l'appellation d'«instruction publique», dépendait de l'intérieur. Je vais donc vous répondre sur la base d'attributions qui étaient les miennes au XIXe siècle. (Sourires.)
Selon vous, la légère diminution de subvention subie en 1998 par le théâtre de la Criée traduirait un désengagement de l'Etat envers l'un des symboles de la décentralisation théâtrale. Il est vrai que la Criée est l'un des plus importants de nos quarante-cinq centres dramatiques qui, à la différence des théâtres nationaux, ne sont pas des établissements publics mais des entreprises financées à la fois par l'Etat et les collectivités locales, dans une proportion qui se situe en moyenne à 65 % pour l'Etat et 35 % pour l'ensemble des collectivités.
A cet égard vous m'avez surpris en affirmant que le théâtre de la Criée n'était pas subventionné comme les théâtres ou les centres dramatiques de province d'importance comparable. Pour avoir été maire de Belfort jusqu'à l'an dernier, je connais bien la scène nationale Granit. Or les deux tiers de son budget, qui tourne autour de 15 millions de francs, sont pris en charge par la ville et par le département, alors que le théâtre de la Criée est aidé par l'Etat dans des proportions beaucoup plus avantageuses. En effet il percevra en 1998 une subvention de 16 815 000 francs - soit la troisième plus importante subvention pour un centre dramatique à l'échelle nationale - alors que la scène nationale Granit de Belfort ne recevra que 4 millions de francs environ, les collectivités locales versant, pour leur compte, 8 à 9 millions de francs, le reste du budget étant assuré par des recettes propres.
La subvention de l'Etat représente donc quelque 80 % du financement public du théâtre de la Criée, puisque le seul autre partenaire permanent est la ville de Marseille, dont la subvention est inférieure à 4 millions de francs, la région PACA n'ayant pas, jusqu'à présent, voulu être associée au fonctionnement de cette structure.
La réduction de 400 000 francs opérée en 1997 correspondait à une mesure générale d'économie sur l'ensemble du réseau des centres dramatiques et celle de 1 million de francs prévue pour 1998 a été effectuée dans le cadre d'un redéploiement opéré sur les structures les plus fortement dotées, afin de dégager quelques mesures nouvelles indispensables dans d'autres établissements où la participation de l'Etat devait être nécessairement renforcée, notamment là où les collectivités s'impliquaient de plus en plus clairement, car il y a forcément un rapport entre l'effort des collectivités et celui de l'Etat.
Vous estimez que le niveau du subventionnement est insuffisant pour la réalisation du projet du directeur de la Criée, lequel consiste principalement en un développement du nombre de représentations proposées au public marseillais. J'ai bien noté les chiffres que vous avez avancés à cet égard et dont on ne peut que se féliciter. Cependant, ce développement de l'offre au public ne peut justifier à lui seul un financement accru de l'Etat, alors que, vous le savez sans doute, d'autres missions incombent à un centre dramatique, tels le soutien aux professionnels de la région ou l'initiation des jeunes au théâtre. Il conviendrait sans doute que la Criée consacre davantage d'efforts à ces actions, afin que ses demandes puissent être prises en compte dans le cadre d'un budget dont j'espère qu'il ira en s'améliorant.
La subvention de l'Etat demeure néanmoins à un niveau qui ne menace en rien la mise en oeuvre des missions de ce théâtre. Si le rôle de l'Etat, dans le développement des structures de création et de diffusion culturelles, est toujours primordial, ce dernier doit trouver auprès des collectivités locales des partenaires plus convaincus. J'observe, à cet égard, que les moyens alloués à la Criée par la municipalité de Marseille ne sont pas au niveau des subventions accordées à des structures identiques par de nombreuses villes moyennes. Je vous ai donné l'exemple de Belfort, mais on pourrait sans doute en citer beaucoup d'autres.
Il me semble que le meilleur conseil que je puisse vous donner, en tant que ministre de l'intérieur, est celui de réunir autour d'une table des représentants de la ville, du département, du conseil régional et de l'Etat, pour étudier ce dossier plus attentivement.
M. le président. La parole est à M. Renaud Muselier.
M. Renaud Muselier. Merci, monsieur le ministre, de la main tendue pour cette table ronde que vous avez évoquée en conclusion.
Cela étant, il n'est pas douteux que Marseille mérite d'avoir la troisième subvention puisqu'elle est la deuxième ville de France. Je me permets aussi de rappeler que l'on y compte plus de 50 000 abonnés dans les différents opéras et théâtres - Marseille ne saurait être réduite à un club de football ! Les deux grands théâtres de la ville, le Gymnase et la Criée, ont régulièrement plus de 16 000 abonnés et la qualité du public marseillais est reconnue à travers la France et le monde pour ses compétences et pour le bien-fondé de sa critique.
Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous estimez que la réduction de 1,4 million de francs est une légère diminution de la subvention de l'Etat. Cela me semble, au contraire lourd dans le fonctionnement d'une telle structure. J'ai bien noté que la scène de Belfort bénéficie d'aides de la ville, de l'Etat, du département et de la région, mais, à Marseille, nous sommes malheureusement seuls à aider aux investissements et au fonctionnement de la Criée. J'espère donc que cette table ronde permettra d'améliorer la situation financière de notre culture.
J'admets, certes, qu'il est important de faire en sorte que la redistribution de l'argent de l'Etat puisse être effectuée sur Marseille ou sur d'autres structures, mais il ne faudrait pas qu'elle ait pour conséquence d'appauvrir la culture dans notre ville. Nous avons d'ailleurs de grands projets, comme celui de la Friche, inscrit dans le programme euro-Méditerranée. Sa vocation culturelle indéniable doit lui permettre d'être intégré dans cette démarche positive.
Je me permets enfin de souligner qu'il ne faudrait pas que le ministère de la culture utilise la redistribution de cet argent au niveau national pour accorder des subventions de plus en plus élevées au Grand Louvre, à la Bibliothèque nationale, à l'Opéra Bastille, au détriment de structures provinciales qui font rayonner la vie culturelle dans le cadre de la décentralisation culturelle que nous souhaitons tous.
J'ai pris bonne note de l'éventualité de ce tour de table qu'il est impératif d'organiser, et j'espère que nos appels pour récupérer ce 1,4 million de francs, voire pour obtenir un apport supplémentaire pour notre domaine culturel, notamment en faveur de la Friche, seront bien entendus par le ministère.
RPR 11 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O