FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2525  de  M.   Lequiller Pierre ( Démocratie libérale et indépendants - Yvelines ) QG
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  21/12/2000  page :  10549
Réponse publiée au JO le :  21/12/2000  page :  10549
Rubrique :  Union européenne
Tête d'analyse :  élargissement
Analyse :  Turquie. candidature. droits de l'homme. respect
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.
M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, je voudrais dire, en préliminaire, que je suis scandalisé que Mme Guigou, ancienne ministre de la justice, remette en cause, en engageant à cette occasion une polémique avec M. de Courson et l'opposition, une décision du Conseil constitutionnel, qui est la plus haute juridiction française ! (Applaudissements puis huées sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Le sommet de Nice à peine terminé, des questions surgissent, qu'il faudra trancher quoi qu'il arrive. Je voudrais vous interroger en particulier sur la présidence de l'Union européenne, d'une part, et sur les frontières de l'Europe, d'autre part.
S'agissant d'abord de la présidence tournante de l'Europe, je ne suis pas le seul à m'interroger. De nombreuses personnalités aussi diverses que Jacques Delors, Valéry Giscard d'Estaing, Alain Madelin, Alain Juppé ou Joshka Fischer ont évoqué cette question, depuis fort longtemps déjà.
Après le 1er janvier prochain, la France ne sera à nouveau présidente que dans sept ans et demi et après l'élargissement, elle ne le sera, pendant six mois, que tous les treize ans et demi.
Pour nous, ce système n'est pas viable. Il faudra, par exemple, que le Conseil européen élise son président pour une période de deux ou trois ans. Quelles propositions faites-vous, quelles initiatives comptez-vous prendre pour assurer la future stabilité de la présidence ?
Concernant les frontières de l'Europe, vous avez depuis Helsinki, sans consultation de la représentation nationale, admis la Turquie comme candidate à l'Union. A Nice, vous vous êtes personnellement réjoui du nouveau traité de partenariat d'adhésion signé avec ce pays.
Or cette question soulève, sur tous les bancs de cette assemblée, de fortes réserves et même, au sein de notre groupe, une franche désapprobation.
Votre position sur la Turquie ne se justifie ni sur le plan géographique ni sur le plan culturel, encore moins sur le plan des droits de l'homme: on dénombre en effet 12 000 prisonniers politiques, des persécutions de populations entières et, hier encore, on a assisté à un horrible crime perpétré par la police et l'armée turques.
M. Patrick Devedjian. Oui.
M. Pierre Lequiller. La charte des droits fondamentaux signée à Nice est bafouée en permanence dans ce pays !
M. Patrick Devedjian. Tout à fait.
M. Pierre Lequiller. J'attends du ministre du pays des droits de l'homme une réponse claire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, en ce qui concerne l'avenir à long terme de l'Union européenne et les différents perfectionnements auxquels on peut songer, le débat reste ouvert. Cela dit, après l'effort considérable accompli par les Quinze pour réussir à Nice ce qu'ils n'avaient pas réussi à obtenir à Amsterdam, la priorité absolue n'est pas de mettre à nouveau la charrue avant les boeufs. La priorité absolue, c'est de ratifier le plus vite possible le traité de Nice, pour que nous puissions en utiliser les potentialités.
Des avancées ont été obtenues malgré tout en matière de majorité qualifée ou de coopération renforcée. Ce sont des voies qui méritent d'être explorée pour l'avenir.
Nous avons fixé à 2004, je crois avec sagesse, la date à laquelle il faudra conclure notre réflexion sur la clarification des compétences au sein de l'Union européenne à partir d'une demande allemande de subsidiarité. Dans l'immédiat, je crois qu'il ne faut rien faire qui complique la ratification du traité de Nice, même si naturellement, pour des raisons à la fois intellectuelles et politiques, le débat sur l'avenir et sur le perfectionnement idéal des institutions doit rester ouvert en permanence.
En ce qui concerne la Turquie, je voudrais vous rappeler que si les Quinze ont décidé, à Helsinki, d'enregistrer la demande de candidature turque, sans aller au-delà, sans ouvrir les négociations, c'est parce que tous les gouvernements d'Europe, depuis plus de trente ans, ont fait à la Turquie des promesses en signant des accords, dont plusieurs d'entre eux ont été ratifiés.
M. Patrick Devedjian. La Turquie aussi a fait des promesses !
M. le ministre des affaires étrangères. Les présidents et les gouvernements successifs de tous les pays d'Europe ont dit à la Turquie qu'elle avait une vocation européenne. Cette promesse européenne a peut-être été faite dans des conditions légères, voire inconsidérées, en tout cas, les forces les plus modernes, les plus progressistes et les plus ouvertes de ce pays s'appuient dessus.
Les Européens qui ont réfléchi sérieusement à la question que vous posez - vous n'êtes pas seul à vous interroger - ont estimé qu'un refus d'enregistrement de la candidature turque serait gravement déstabilisant pour les forces démocratiques de Turquie.
M. Jean-Michel Ferrand. Tout à fait !
M. le ministre des affaires étrangères. Maintenant, et c'est la raison qui a amené le Président de la République a milité pour l'acceptation de la candidature de la Turquie, comme il est clair que la Turquie ne remplit aucune des conditions dites de Copenhague, nous n'avons pas ouvert la négociation, nous ne sommes que dans la procédure du partenariat pour l'adhésion. La question de l'éventuelle ouverture des négociations se posera plus tard, si le contexte évolue. Actuellement, cette question n'est pas à l'ordre du jour. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Michel Ferrand. C'est bien dommage !
DL 11 REP_PUB Ile-de-France O