FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2583  de  M.   Warsmann Jean-Luc ( Rassemblement pour la République - Ardennes ) QG
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  24/01/2001  page :  672
Réponse publiée au JO le :  24/01/2001  page :  672
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  fonctionnement
Analyse :  loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes. application
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le groupe RPR.
M. Jean-Luc Warsmann. Je souhaite revenir sur les problèmes de la justice parce que j'ai été stupéfait de la réponse que je viens d'entendre de la part de la ministre de la justice.
M. Arnaud Montebourg. Cela vous change de M. Toubon, pourtant !
M. Jean-Luc Warsmann. Pourquoi, vendredi dernier, plus de 500 magistrats ont-ils manifesté devant le ministère de la justice ? Pourquoi toutes les organisations professionnelles d'avocats ou de magistrats, quelle que soit leur sensibilité, ont-elles apporté leur soutien à ce mouvement ?
M. Christian Bataille. Des magistrats de droite !
M. Jean-Luc Warsmann. Ils ont manifesté parce que vous avez déclenché, depuis le 1er janvier 2001, l'application de la nouvelle loi sur la présomption d'innocence sans avoir prévu les moyens nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Madame la ministre, vous avez répondu deux choses. D'abord que c'est la faute aux gouvernements de 1995, 1996, 1997. («Oui !» sur les bancs du groupe socialiste.) Ainsi, il aurait fallu alors deviner la loi que vous alliez voter en 2000 et les difficultés qu'elle causerait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est non seulement ridicule, mais triste car s'il y a un premier devoir des hommes politiques, c'est bien celui d'assumer les responsabilités. Vous les avez depuis 1997. Au moins, dans ce domaine, assumez votre bilan ! (Mêmes mouvements.)
Ensuite, deuxième partie de votre réponse, vous faites état de la création par vos soins de 606 postes de magistrats. Personne ne le nie. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste.) Le problème, c'est qu'en même temps que ces 606 postes vous avez créé tellement de tâches supplémentaires qu'ils ne suffisent pas. Il est facile de parler dans l'hémicycle, mais au-delà, que se passe-t-il dans toutes les régions de France concrètement ? Partout dans les tribunaux, on annule des audiences. Autrement dit, les affaires de la justice au quotidien, les divorces, l'indemnisation des victimes d'accidents sont traitées de plus en plus lentement parce qu'il n'y a pas assez de magistrats. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Dans ces affaires-là, ce sont toujours les victimes qui trinquent.
M. François Vannson. Lamentable !
M. Jean-Luc Warsmann. Plus grave, hier, dans un grand journal, un procureur de la République expliquait: «Comme il y aura moins de jugements rendus, il y aura moins de poursuites. Nous allons nous réunir pour décider des affaires qui ne donneront plus lieu à contentieux». Cela signifie que des tribunaux envisagent d'abandonner les poursuites contre certains délinquants.
M. Kofi Yamgnane. La question !
M. Jean-Luc Warsmann. Je le dis très gravement - et je m'adresse à M. le Premier ministre -, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous réclamons un renforcement de la lutte contre la délinquance. Dans cette affaire, vous faites exactement l'inverse.
Ma question est simple: Mme la ministre de la justice vient de déclarer publiquement n'exclure aucune solution pour que les magistrats disposent d'un maximum de moyens. Quels moyens supplémentaires allez-vous mettre en place dans les prochains jours pour permettre de rétablir un fonctionnement normal de la justice dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour une réponse rapide.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je vous répondrai que ce que vous dites n'est pas tout à fait juste. Sur les 600 magistrats supplémentaires arrivés sur le terrain, 345 ont été affectés à l'application de la loi sur la présomption d'innocence. Je vous donnerai dans quelques jours, comme je m'y suis engagée, les chiffres correspondant aux demandes des juridictions pour l'application de cette loi. A ce jour, compte tenu des demandes, les 345 postes suffisent.
M. François Goulard. Alors, pourquoi y-a-t-il eu des grèves ?
Mme la garde des sceaux. Les autres postes sont destinés à répondre aux besoins structurels de moyens que connaît la justice depuis des années...
M. Lucien Degauchy. Pourquoi sont-ils dans la rue, alors ?
Mme la garde des sceaux. ... et qui ont été insuffisamment assurés, je le répète.
Les magistrats sont dans la rue, je l'assume, monsieur le député, parce ce qu'ils veulent maintenant, c'est que nous continuions le mouvement. J'ai eu l'occasion de leur dire à plusieurs reprises, car je n'ai pas attendu vendredi pour les recevoir,...
M. Philippe Auberger. Vous ne les avez pas convaincus !
Mme la garde des sceaux. ... que dans l'état actuel des choses, nous ne pouvons pas créer un seul poste de plus avant la sortie de la prochaine promotion de l'Ecole nationale de la magistrature dont Mme Guigou a eu raison d'augmenter les capacités de formation de 30 %.
M. Lucien Degauchy. Il fallait y penser avant !
Mme la garde des sceaux. Vous n'étiez pas présent lorsque nous avons débattu à l'Assemblée de la révision de la carrière des magistrats. Or c'est avec l'assentiment de tous les groupes, y compris de quelques-uns de vos collègues de l'opposition, que nous avons pu autoriser ce recrutement exceptionnel tous les ans, car nous avons bien les postes budgétaires mais pas les magistrats formés. Une négociation est actuellement en cours avec les magistrats pour qu'un tel recrutement soit accepté.
Monsieur Warsmann, je vous vois hocher la tête, mais vous êtes incapable de me dire comment on peut trouver des magistrats du jour au lendemain. («Quatre ans !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En revanche, vous devez soutenir le recrutement exceptionnel qui n'a pas pour objet de faire face à l'application de la loi sur la présomption d'innocence, mais au déficit, depuis de longues années, de la justice.
M. Richard Cazenave. Quatre ans !
Mme la garde des sceaux. Quand en plus, vous appuyant sur les propos d'un procureur responsable de ses mots, vous dites que, à cause de ce déficit structurel non lié à la présomption d'innocence - car vous avez bien lu les banderoles des magistrats vendredi - nos magistrats renonceront, pour leur confort, ce qui est inimaginable de leur part, à poursuivre la délinquance physique, celle qui fait peur, vous leur faites injure, monsieur le député. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Leur but premier, leur seul but, est de participer à l'équilibre de la société. Ils savent que la lutte contre la délinquance, en particulier la délinquance des plus jeunes,...
M. Pierre Lequiller. Ils n'en ont pas les moyens !
Mme la garde des sceaux. ... est une garantie d'avenir de notre démocratie. Ne confondez pas cette phrase avec ce que pensent l'ensemble des magistrats parce que ce n'est pas vrai. Ils sont conscients de leurs responsabilités et les contentieux visés par les propos cités concernent, par exemple, des affaires d'endettement. Ne vous trompez pas de débat, monsieur le député, c'est trop grave ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
RPR 11 REP_PUB Champagne-Ardenne O