FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2633  de  M.   Braouezec Patrick ( Communiste - Seine-Saint-Denis ) QG
Ministère interrogé :  équipement et transports
Ministère attributaire :  équipement et transports
Question publiée au JO le :  07/02/2001  page :  1134
Réponse publiée au JO le :  07/02/2001  page :  1134
Rubrique :  logement
Tête d'analyse :  habitat insalubre
Analyse :  lutte et prévention
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe communiste.
M. Patrick Braouezec. Mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je voudrais d'abord vous dire l'émotion, le sentiment d'injustice et de colère de Saint-Denis devant la mort de sept de ses habitants, dont cinq enfants, dans l'incendie de leur immeuble durant la nuit de jeudi à vendredi. Dix-sept autres personnes y ont été blessées. Ces sept Dionysiens ne sont pas morts en prenant la route ou l'avion, mais plus simplement chez eux, dans leur sommeil. Leur condition modeste, voire précaire, n'en mérite pas moins la même attention, la même considération et le même hommage.
M. Guy Tessier. Nous sommes bien d'accord !
M. Patrick Braouzec. Je veux saluer le courage des sapeurs-pompiers et des services de police qui ont payé un lourd tribut en venant au secours des victimes, sept d'entre eux ayant été blessés; saluer aussi la solidarité spontanée des Dionysiens, la mobilisation immédiate des services de la ville, de l'éducation nationale et des associations humanitaires et le travail entrepris depuis hier avec les services de l'Etat; remercier enfin Louis Besson et Ségolène Royal pour leurs messages personnels.
Cette tragédie est un rappel horrible des conditions de vie d'une partie de la population, en France, en 2001. Elle met au grand jour l'existence d'un patrimoine privé immobilier lourdement dégradé, parfois laissé à l'abandon.
Dans ce type d'immeubles, on trouve des propriétaires occupants ou bailleurs parfaitement responsables et honnêtes, mais aussi des marchands de sommeil qui spéculent sur la misère des gens. Le droit de propriété, quand il bafoue la dignité et la vie, n'a pas lieu d'être.
Mme Yvette Roudy. Très bien !
M. Patrick Braouezec. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains met en place des mesures contre les marchands de sommeil. Néanmoins, la procédure ne suffit pas pour sortir de l'impuissance publique actuelle et réaliser les travaux indispensables: il faut un bras financier à la loi. Cet outil, c'est une agence nationale de l'amélioration de l'habitat renforcée et aux interventions simplifiées.
Une volonté politique forte doit peser dans la rédaction en cours des décrets et inciter à dégager des moyens budgétaires capables non pas d'encadrer l'insalubrité, mais bien de l'éradiquer.
Tout cela me conduit, monsieur le ministre, à vous poser cinq questions brèves et précises. (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Un peu de respect, merci ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
M. Richard Cazenave. Un peu d'amabilité, merci !
M. Patrick Braouezec. Premièrement, comme je l'avais fait lors du débat budgétaire, je vous demande de confirmer votre intention de faire bénéficier les communes des subventions auxquelles auraient eu droit les propriétaires défaillants.
Au-delà, et cela m'amène à ma deuxième question, il est indispensable d'organiser le préfinancement aux collectivités locales pour ces travaux de substitution. Le Gouvernement est-il prêt à engager la Caisse des dépôts et consignations afin de garantir les prêts à taux zéro nécessaires en tant que relais à l'ANAH ?
Troisièmement, on recense 800 procédures liées à l'insalubrité et au péril en Seine-Saint-Denis, et plusieurs milliers en France. Comment faciliter leur reprise rapide avec la nouvelle loi en évitant de tout reprendre à zéro ?
Quatrième question, dans le même esprit: la distinction actuelle entre travaux d'amélioration de l'habitat, travaux de sortie d'insalubrité voire de restructuration partielle, se révèle inutilement complexe et inefficace. Comment unifier vers le haut les taux de subvention pour sortie d'insalubrité et réhabilitation ?
Cinquièmement enfin, pour être efficace dans les copropriétés dégradées, pouvez-vous me confirmer qu'il est juridiquement possible d'exproprier des parties d'immeubles afin de réorganiser des logements de taille et de confort décents ?
Ces mesures dégageraient les moyens nécessaires pour qu'un tel drame ne puisse se reproduire et seraient sans doute le meilleur hommage que l'on puisse rendre à la mémoire des victimes de Saint-Denis. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. Je comprends votre émotion, mon cher collègue.
Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, vous avez la parole, pour une réponse que je me vois contraint de souhaiter rapide, même si je crois moi aussi qu'un sujet aussi grave mériterait à coup sûr débat.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le député, c'est un sujet grave en effet, et le Gouvernement partage évidemment votre émotion, celle des élus et celle de la population de Saint-Denis. Nous l'avons exprimée avec Louis Besson. De même que nous comprenons et partageons votre colère contre ces marchands de sommeil dont le comportement est le plus ignoble qui soit, puisqu'ils font de l'argent sur la misère des autres.
Sur la question du relogement des familles concernées, plusieurs initiatives ont été prises, auxquelles vous-mêmes et vos services êtes d'ailleurs associés. Je veux saluer le travail ainsi accompli. La loi donne désormais davantage de moyens pour éradiquer le fléau des marchands de sommeil et permettre une meilleure intervention publique, à l'initiative des communes.
Je rappelle que, le 8 février 2000, il y a maintenant un an, a été créée une prime à l'amélioration de l'habitat, destinée à subventionner jusqu'à 60 % du coût des travaux sur les parties communes des immeubles construits depuis plus de dix ans. Le décret d'application de la loi SRU, que Claude Bartolone, Louis Besson et moi-même avons présentée, élargira encore le champ des travaux aidés pour l'étendre à l'ensemble des travaux prescrits dans les arrêtés d'insalubrité et permettre aux communes de recevoir directement ces aides en cas d'exécution d'office des travaux prescrits, comme vous le souhaitez à juste titre.
Nous avons demandé au conseil d'administration de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat de simplifier et de renforcer les dispositifs actuels. D'ores et déjà, je vous le précise, les prêts «renouvellement urbain» de la Caisse des dépôts et consignations sont mobilisables par les communes pour les traitements des copropriétés dégradées faisant l'objet d'un plan de sauvegarde.
Enfin, je vous confirme que l'article 21-1 du code de l'expropriation, modifié par l'article 184 de la loi SRU, permet juridiquement des expropriations partielles.
Grâce à l'ensemble de ces moyens, associés à tous ceux prévus dans la loi «solidarité et renouvellement urbains», que je ne peux vous détailler, faute de temps, nous pourrons résolument lutter contre ce fléau, cette indignité que sont les logements indécents et les marchands de sommeil. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
COM 11 REP_PUB Ile-de-France O