FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 26364  de  M.   Demange Jean-Marie ( Rassemblement pour la République - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  aménagement du territoire et environnement
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  08/03/1999  page :  1316
Réponse publiée au JO le :  24/12/2001  page :  7402
Rubrique :  déchets, pollution et nuisances
Tête d'analyse :  mer et littoral
Analyse :  algue Caulerpa taxifolia. littoral méditerranéen
Texte de la QUESTION : M. Jean-Marie Demange appelle l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le problème de la Caulerpa taxifolia. La réunion finale du deuxième programme européen Life sur le « contrôle de l'expansion de la Caulerpa taxifolia en Méditerranée » a récemment eu lieu en Italie. Observée pour la première fois en 1984, cette algue a maintenant colonisé plus de 5 000 hectares de littoral dans cinq pays du bassin méditerranéen. Selon les recherches scientifiques effectuées grâce au réseau international d'observation, il apparaît que la croissance rapide et la reproduction de cette algue conduisent à de profondes modifications de la composition de la faune et la flore sous-marines, et par voie de conséquence à une forte modification de la biodiversité, qui pourrait elle-même avoir, dans certains cas, un impact significatif sur la pêche. Les participants à ce séminaire international ont conclu qu'il était nécessaire de poursuivre ou de promouvoir la recherche et de mettre en oeuvre des actions concrètes relatives à la prévention et au contrôle de la Caulerpa taxifolia et des autres espèces marines envahissantes. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les actions de prévention et de contrôle qu'elle a l'intention d'engager afin d'enrayer ce phrénomène de prolifération des espèces marines envahisantes.
Texte de la REPONSE : Le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, des questions relatives à l'expansion de l'algue Caulerpa taxifolia. Globalement, on observe une tendance mondiale vers une certaine uniformisation de la faune et de la flore. La problématique des espèces marines envahissantes est l'un des aspects de ce phénomène qui concerne de nombreuses espèces parmi les animaux, les végétaux et les micro-organismes. Pourtant, en particulier lorsque leur toxicité présente des risques mortels pour l'homme ou pour les animaux, beaucoup de ces espèces envahissantes provoquent des conséquences économiques ou sanitaires beaucoup plus graves que Caulerpa taxifolia (qui n'est pas « l'algue tueuse » que l'on a proclamée), sans faire l'objet d'une demande sociale aussi forte. Dans le cas de Caulerpa taxifolia, la mise en oeuvre d'une stratégie de retardement de l'expansion (déjà recommandée à Héraklion, en 1998, par des experts des Etats riverains de la Méditerranée) ne répond pas au besoin de protéger la santé humaine, mais au désir de conserver dans un certain état la diversité biologique méditerranéenne et son exploitation durable. A long terme, apprécier l'évolution du phénomène d'expansion de Caulerpa taxifolia relève du pari. Certaines hypothèses prédisent une banalisation et un appauvrissement généralisés des écosystèmes marins. D'autres prédisent une stabilisation du phénomène par des facteurs naturels de compensation. La réalisation de conséquences globales lourdes sur les milieux naturels et sur leur exploitation par l'homme relève d'une probabilité difficile à évaluer. A moyen terme, le degré de gravité des conséquences locales (filets encombrés par cette algue dans le cas de la pêche côtière, perte d'attractivité de certains sites dans le cas de la plongée sous-marine) est également difficile à évaluer. Il s'agit donc de gérer des risques avec des moyens mobilisables actuellement limités et qui ne permettent que de retarder une échéance qui semble, fondamentalement, sous la seule dépendance de facteurs naturels. A l'échelle de la Méditerranée, les pouvoirs publics ne peuvent pas avoir d'action efficace pour arrêter l'expansion de Caulerpa taxifolia. La prévention et la lutte ne permettent que de tenter de ralentir cette expansion à l'échelle globale et de la maîtriser à l'échelle locale. Il faut également souligner que les actions de retardement n'ont de sens que si elles sont pérennes, les succès locaux n'étant que temporaires : à supposer réalisée l'éradication totale de ces algues sur un site, ce ne serait pas une garantie contre l'arrivée de nouvelles propagules ; c'est l'image du jardinier qui désherbe sans fin la même parcelle. Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement se réfère donc au principe de précaution selon lequel « l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable. » L'action de l'Etat se fonde sur les quatre orientations proposées par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement au comité interministériel de la mer d'avril 1998 et adoptées par cette instance : organisation d'une réunion interministérielle pour définir le rôle et les participations, notamment financières, de chaque ministère dans le cadre du plan d'action proposé par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; investissement du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement de 3 millions de francs pour le volet recherche du plan d'action, en bénéficiant de l'appui de l'agence de l'eau Rhône - Méditerranée - Corse ; mise en place d'un comité de pilotage rassemblant les ministères parties prenantes ; création d'un conseil scientifique prenant en compte les recommandations de l'Académie des sciences. L'ensemble de ces décisions a été mis en oeuvre. Au sein du comité de pilotage du plan d'action, la circulation de l'information a permis d'élaborer une réflexion commune. Il existe un consensus pour fonder une stratégie globale sur la volonté de coopérer avec les autres Etats méditerranéens et de préserver certains sites de haute valeur patrimoniale ou économique. Dans les grandes lignes, cette statégie consiste à agir simultanément par la prévention et par la lutte. En matière de prévention, certains des objectifs et des mesures (tels que les arrêtés pris pour réglementer le mouillage) relèvent de l'échelle locale, alors que d'autres (comme la réglementation de l'arrachage, ou bien les efforts de communication visant à généraliser de bonnes pratiques) relèvent à des degrés divers d'une échelle nationale ou méditerranéenne. Ainsi, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a ainsi participé, avec l'agence de l'eau Rhône - Méditerranée - Corse et la région Provence - Alpes - Côte d'Azur, au financement de 50 000 dépliants destinés à sensibiliser les usagers de la mer, en vue de les inciter à mettre un terme à un certain nombre de pratiques à risques. La lutte, en revanche, relève fondamentalement de l'échelle locale, soit qu'on veuille supprimer cette algue au fur et à mesure de son arrivée là où elle est encore absente (comme à Port-Cros), soit qu'on se propose de la réduire là où elle est installée. Il faut signaler ici le soutien apporté par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement au parc national de Port-Cros afin de l'aider à recherche et à détruire, dès leur installation dans ses eaux, les boutures de Caulerpa taxifolia. Par ailleurs, le 7 juin 2001, la commission d'évaluation de l'écotoxicité des substances chimiques du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a rendu un avis relatif aux risques pour l'environnement marin liés à la libération d'ions cuivriques destinés à détruire l'algue Caulerpa taxifolia. Dans le cadre du volet recherche du plan d'action interministériel relatif à l'expansion de Caulerpa taxifolia en Méditerranée, sept recherches ont été lancées dont cinq pour étudier les impacts de l'expansion de cette algue sur les écosystèmes, et deux autres relatives à ses impacts sociaux-économiques. Une recherche porte sur l'origine et la diversité génétique des populations méditerranéennes de cette algue. L'ensemble de ces travaux devraient être remis avant la fin de l'année, mais on peut noter que le bilan d'étape, dressé en juin, sur l'avancement de ces recherches, a fait état d'arguments de génétique compatibles avec l'hypothèse d'une origine commune entre la souche collectée en Méditerranée et une souche australienne collectée à Brisbane (cf. les travaux scientifiques publiés dans le Journal of Phycology numéro 4, pages 850 à 856). Le Gouvernement estime que les nouvelles informations recueillies par la recherche scientifique, et notamment celles relative, à l'origine de la souche en Méditerranée, doivent permettre de mieux comprendre les évolutions en cours et viser à donner les éléments de leur maîtrise. Il n'entend donc pas se placer sur le terrain de la recherche d'éventuelles responsabilités, ce qui aurait pou effet non pas d'améliorer le traitement de la situation mais de relancer inutilement des polémiques qui ont longtemps été une source de faiblesse spécifique à ce dossier. Commencé en 1998, le plan d'action interministériel relatif à l'expansion de l'algue Caulerpa taxifolia en mer Méditerranée a été explicitement prévu pour une période de cinq ans. A ce terme, en 2003, un bilan devra être dressé et faire apparaître, s'il y a lieu, les efforts supplémentaires que pourrait justifier l'évolution de la situation.
RPR 11 REP_PUB Lorraine O