FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2647  de  M.   Pontier Jean ( Radical, Citoyen et Vert - Ardèche ) QG
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  08/02/2001  page :  1215
Réponse publiée au JO le :  08/02/2001  page :  1215
Rubrique :  sécurité publique
Tête d'analyse :  sécurité des biens et des personnes
Analyse :  délinquance. Lutte et prévention
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Jean Pontier, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.
M. Jean Pontier. Madame la ministre de la justice, garde des sceaux, au cours des récentes assises de la protection judiciaire de la jeunesse, qui ne sont tenues à Marseille et dont le thème était «Nouveaux publics, nouvelles stratégies, nouvelles pratiques», furent ciblés les adolescents qui sont présentés dans les médias comme des jeunes «qui font peur» !
Ces adolescents sont décrits comme des jeunes en situation de très grand échec, acteurs d'histoires extrêmement violentes. Ce sont en effet des jeunes très largement déscolarisés, qui ont des conduites à risque dans tous les domaines; qui s'affirment comme des consommateurs d'alcool, de tabac, de haschisch, avant de passer aux drogues dures. Ce sont encore des jeunes très exposés, faisant acte d'une délinquance dite «d'expression» quand ils brûlent des bâtiments municipaux, des voitures ou quand ils s'affrontent en bandes dans les lieux publics.
Cette violence au quotidien, nous ne pouvons et ne devons plus l'accepter. Donc, en aucun cas, démissionner. Ceux qui travaillent sur le terrain savent que le handicap à rattraper est déjà très important.
Les réponses apportées sur le plan éducatif sont prioritaires. Dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse, on constate que lorsque ces mesures sont portées par des fonctionnaires sortant des mêmes milieux culturels que ces jeunes, souvent issus de l'immigration et parlant leur langue, elles sont mieux comprises et acceptées tant par les jeunes que par leurs familles. Ainsi en est-il de l'action des médiateurs de quartier, de la police de proximité et de la prévention spécialisée.
La question est donc de savoir, madame la ministre, si les juges des enfants, en tant que présidents des juridictions de la jeunesse, n'auraient pas intérêt à choisir des assesseurs aux tribunaux pour enfants parmi les ressortissants français originaires des mêmes pays d'immigration que les jeunes délinquants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je vous remercie d'avoir posé cette délicate question de la violence des mineurs avec autant d'humilité et de conviction. Si nous partagions tous cette humilité, cette conviction et ce sens de l'échange, on éviterait que la violence que ces jeunes nous renvoient ne soit parfois présente dans nos débats, ce qui n'arrange sûrement pas les choses.
Vous avez dit que nous ne devions pas nous laisser déborder par la violence. C'est aussi notre souci. Lors du conseil de sécurité intérieure qui s'est tenu récemment avec l'ensemble de mes collègues, sous l'autorité du Premier ministre, nous avons rappelé que pour éviter ces débordements, il convenait de disposer d'une gradation de tous les systèmes de sanction.
Comme le disait Elisabeth Guigou il y a six mois, nous sommes arrivés à un bon niveau de gradation grâce à une politique pénale qui s'affirme de plus en plus - avec 80 % de réponses pénales dans les quartiers - et à une politique d'action éducative, que vous décrivez bien.
Cette politique passe d'abord par le rappel à la loi. C'est un moment fort, entre un représentant du procureur et un jeune, lorsque le premier rappelle au second, en présence de ses parents, le sens de la loi, ses droits et ses devoirs.
Elle passe ensuite par les réparations - plus de 15 000 mesures - et
enfin par la sanction. On ne peut pas dire que la justice est laxiste, puisqu'on compte maintenant trois fois plus d'emprisonnements pour faits graves de vols, de viols ou d'agressions que précédemment.
Monsieur le député, vous avez eu raison de mettre l'accent sur la prévention. Avec le ministère de la santé, nous avons institué une coordination avec des pédopsychiatres, qui peuvent aider fortement nos personnels, fonctionnaires, magistrats ou PJJ, à apprécier au niveau psychologique la génèse de la violence, surtout lorsque cette dernière s'accompagne, comme vous l'avez bien dit, de toxicomanie.
Je terminerai sur l'aspect communautaire que vous mettez en avant. La police de proximité a déjà fait appel à la «multiculture» de ses personnels. Vous avez raison s'agissant de la multiculture des assesseurs. Dans l'action de politique publique que nous sommes en train de mettre au point pour tous les procureurs, je retiens votre suggestion qui permettrait de disposer dans nos tribunaux, de personnes capables de parler la même langue et issues de la même culture.
Merci, monsieur le député, pour la qualité de votre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
RCV 11 REP_PUB Rhône-Alpes O