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Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre de l'agriculture, vendredi soir, un deuxième foyer de fièvre aphteuse a été découvert en Seine-et-Marne, à Mitry-Mory exactement. Des mesures immédiates de précaution ont été prises: des abattages d'ovins ont eu lieu à Mitry-Mory d'abord, à Compans hier, et à Villeparisis aujourd'hui. Comment traduire ici la stupeur et l'inquiétude que ces événements ont suscitées ? Je rappelle en effet que les fermes concernées sont situées dans une agglomération très urbanisée, à deux pas des pistes de l'aéroport de Roissy et du département de la Seine-Saint-Denis. Comment traduire ici l'angoisse de cette agriculture exploitante d'une ferme quasiment école, que j'ai visitée hier soir («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), face à la crainte de voir demain son cheptel sain abattu ? Au-delà de cette émotion que nous partageons tous, je voudrais poser deux séries de questions. La première porte sur la traçabilité de la chaîne ovine. Il faut dire à l'opinion quelles défaillances ou, au pire, quelles fraudes ont permis de passer à travers les mailles du filet. La seconde concerne à la fois les problèmes sanitaires et commerciaux. Il faut expliquer à l'opinion qu'aujourd'hui on ne vaccine plus à titre préventif pour des raisons essentiellement commerciales. Je pense notamment aux exportations vers les Etats-Unis. N'est-il pas temps de revoir ces règles commerciales pour protéger notre agriculture et notre économie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la députée, ma réponse comportera deux volets. Le premier vise à faire la lumière sur ce débat entre vaccination et abattage. La fièvre aphteuse ne pose évidemment pas un problème de santé publique puisqu'elle est très rarement transmissible à l'homme et que, en cas de transmission, elle n'a de toute façon que des conséquences bénignes. Il n'y a donc pas de danger à consommer de la viande bovine, il faut le dire et le répéter. Il s'agit, si j'ose dire, d'un simple problème de santé animale. Ceux qui sont issus du milieu rural le savent car leurs parents ou leurs grands-parents leur ont raconté comment, dans le temps, on gérait les fièvres aphteuses: le bétail, affaibli par la maladie, produisait moins de viande et moins de lait, quelques bêtes - les plus jeunes, souvent - mouraient, puis le troupeau surmontait la maladie et était même immunisé contre le virus. Le problème est donc essentiellement économique et c'est sous cet angle qu'il faut le traiter. Laisser la fièvre aphteuse se répandre ou vacciner, c'est reconnaître à la face du monde que nos bêtes ne sont pas indemnes. M. Christian Cabal. C'est l'évidence ! M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Si c'est évident pour tout le monde, tant mieux, monsieur le député ! Dès lors, nous ne pourrons plus exporter ni du bétail vivant ni des produits transformés. M. René Mangin. Eh oui ! M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Voici quelques chiffres qui devraient vous aider à prendre la mesure du problème: les exportations de bétail vivant ont représenté, en moyenne, ces dernières années pour la France 8,5 milliards de francs de recettes; les exportations de viandes transformées de 10 à 10,5 milliards de francs, les exportations de produits laitiers transformés de 25 à 26 milliards de francs, ce qui nous donne un total de 43 à 44 milliards de francs par an. C'est pour éviter d'être contraints à renoncer à ces exportations que nous abattons les bêtes, en espérant que cet abattage permettra de juguler l'épizootie avant qu'elle ne se répande. Telles sont exactement les données. Vous le voyez, elles sont purement économiques et d'une certaine brutalité. J'en viens maintenant au deuxième volet de ma réponse. Oui, j'ai parlé de pratiques frauduleuses et je maintiens cette affirmation devant la représentation nationale. Disant cela, je tiens à souligner, dans le prolongement de ma réponse à M. Sauvadet, que je vise non pas les éleveurs mais certaines pratiques commerciales de négociants, de transporteurs ou de commerçants. Je vise en particulier les exportateurs des autres pays, notamment de l'Union européenne qui envoient chez nous leurs ovins sans aucun respect de la directive 92/102 sur la traçabilité et l'identification du bétail. Ils nous inondent d'ovins - puisque nous ne produisons que 40 % de notre consommation - sans étiquetage. Je vise aussi ceux qui ont l'habitude de faire de la vente au noir «au cul des camions» pour s'affranchir de quelques règles en matière de TVA. En cas de crise, cette fraude nous expose à une impossibilité matérielle de retrouver le bétail concerné. Je vise encore les transporteurs de bétail qui, avant d'effectuer un autre transport, oublient de désinfecter leur camion comme la réglementation sanitaire les y oblige. Bref, je vise tous ces laisser-aller, toutes les petites compromissions, les petites pratiques frauduleuses qui, en temps normal, ont des conséquences peu lourdes, mais qui, en temps de crise, nous posent de graves problèmes, et je maintiens que, sans elles, nous n'aurions sans doute pas eu à déplorer le cas repéré en Mayenne, et sûrement pas celui de Seine-et-Marne. Voilà pourquoi j'en ai appelé au civisme de tous. Si nous voulons juguler cette épizootie, il faut que chacun fasse la lumière absolue sur tous les mouvements de bétail qui ont eu lieu ces deux derniers mois. C'est ainsi que l'on pourra retrouver tous les troupeaux qui ont pu être directement ou indirectement concernés. C'est cet appel au civisme qui me paraît aujourd'hui essentiel. Les leçons en matière de fraude, nous les tirerons ensuite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du du groupe Radical, Citoyen et Vert.) |