FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2667  de  Mme   Alliot-Marie Michèle ( Rassemblement pour la République - Pyrénées-Atlantiques ) QG
Ministère interrogé :  Premier Ministre
Ministère attributaire :  Premier Ministre
Question publiée au JO le :  29/03/2001  page :  1511
Réponse publiée au JO le :  29/03/2001  page :  1511
Rubrique :  Etat
Tête d'analyse :  Président de la République
Analyse :  responsabilité pénale pour des faits antérieurs à son entrée en fonctions
DEBAT : M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, pour le groupe RPR.
Mme Michèle Alliot-Marie. Ma question s'adresse au Premier ministre. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, dans un Etat de droit («Tibéri Tibéri !» sur les bancs du groupe communiste), toutes les autorités publiques ont le devoir de faire respecter la Constitution. Cette responsabilité incombe notamment au Gouvernement.
Parce qu'elle prétend soumettre le Président de la République dans l'exercice de sa fonction aux décisions d'un autre pouvoir, en violation flagrante de la séparation des pouvoirs, parce qu'elle est contraire au principe de la continuité de l'Etat, parce qu'elle contrevient manifestement à une décision du Conseil constitutionnel, la convocation par un juge d'instruction du Président de la République, assortie d'une menace de contrainte par la force publique (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste), est une violation caractérisée de notre Constitution.
M. Patrick Ollier. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie. La question aujourd'hui est celle des responsabilités qui incombent en propre au Gouvernement. Entend-il ou non faire respecter le droit et la Constitution ? Entend-il ou non faire respecter les règles qui touchent à l'exercice de la plus haute fonction de l'Etat ?
Il est clair que l'initiative du juge d'instruction de Créteil ne peut juridiquement aboutir.(«Ah !» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) On est donc en droit de s'interroger sur l'objectif poursuivi.
Monsieur le Premier ministre, nous avons entendu au fil des mois les propos du président de notre assemblée, du président du groupe socialiste, du premier secrétaire du parti socialiste, ainsi que de ministres de votre gouvernement qui non seulement s'abstenaient de défendre les règles constitutionnelles, mais semblaient parfois en approuver la mise en cause. Nous entendons chaque jour les appels de M. Montebourg (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) à une justice insurrectionnelle pour «rejouer la mort du roi», comme il le dit. Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, si le Gouvernement restait silencieux, son silence serait complaisance, son abstention serait complicité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez vous en laver les mains. Il vous appartient d'assumer vos responsabilités de chef du Gouvernement. Si vous ne faisiez pas votre devoir constitutionnel en dissuadant ceux des vôtres qui cherchent à instrumentaliser des procédures judiciaires à des fins politiques (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), ce serait, chacun le comprendra, que vous approuvez ces initiatives, les tentatives de ceux qui cèdent à la manipulation politique jusqu'à vouloir provoquer la saisine de Haute cour de justice pour pouvoir atteindre le chef de l'Etat alors même, comme vient de l'indiquer ce matin, publiquement, le procureur de la République de Créteil, qu'il n'y a pas de charges contre lui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Au coup de force juridique s'ajouterait alors un coup de force politique.
Monsieur le Premier ministre, entendez-vous condamner clairement ces manoeuvres et rappeler chacun à son devoir de respect de la Constitution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaisse-Alliance. - Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Madame la présidente du RPR, je n'ai pas l'intention de rester silencieux.
J'ai été informé de la convocation à laquelle vous avez fait allusion en écoutant la radio, ce matin. M. le Président de la République a évoqué cette question avec moi, lors de notre entretien hebdomadaire avant le conseil des ministres. Il m'a ensuite saisi d'une lettre dont le contenu a fait l'objet d'informations et de commentaires transmis à la presse par son entourage. Cette lettre, que je n'ai pas à vous lire, invoquait une violation de la Constitution et du secret de l'instruction.
Etant interrogé par votre intermédiaire par la représentation nationale, je crois que le plus approprié est de vous communiquer les termes de la réponse que j'ai fait porter au Président de la République, il y a maintenant quelques dizaines de minutes. Je l'ai d'ailleurs informé que je lirai cette lettre à la représentation nationale. Elle est ainsi libellée:
«Monsieur le Président de la République,
«Vous m'avez remis ce matin une lettre relative à une convocation qui vous a été adressée par un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Créteil et aux conditions dans lesquelles elle a été divulguée.
«Pour ce qui concerne la violation de la Constitution que vous invoquez, il n'appartient, en vertu même de celle-ci, ni au Gouvernement ni au garde des sceaux, de porter une appréciation sur un acte de procédure judiciaire émanant d'un magistrat du siège. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Courage, fuyons !
M. le Premier ministre. «Pour ce qui concerne la révélation de faits couverts par le secret de l'instruction, j'ai demandé à la garde des sceaux, ministre de la justice, de faire diligenter sans délai une enquête par l'inspection générale des services judiciaires.
«Les résultats de cette enquête vous seront immédiatement communiqués et les conséquences en seront tirées.
«Je vous prie d'agréer, monsieur le Président de la République, l'expression de ma haute considération.» (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
RPR 11 REP_PUB Aquitaine O