FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2684  de  M.   Roman Bernard ( Socialiste - Nord ) QE
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  08/09/1997  page :  2832
Réponse publiée au JO le :  24/11/1997  page :  4235
Date de signalisat° :  17/11/1997
Rubrique :  commerce et artisanat
Tête d'analyse :  hypermarchés
Analyse :  marchandisage. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Bernard Roman appelle l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les dérives liées à la pratique du « merchandising » (ou marchandisage) dans la grande distribution. Cette pratique concerne essentiellement les hypermarchés qui exigent de leurs fournisseurs la gestion d'une partie de la main-d'oeuvre employée à la manutention et au réassortiment des rayons. Or le marchandisage est parfaitement illicite. Les salariés « marchandiseurs » ne bénéficient pas de la convention collective applicable aux hypermarchés et n'ont pas accès aux dispositifs de participation et d'intéressement aux résultats. En outre, cette pratique est interdite par l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Selon les termes de l'article 36 de cette ordonnance, le fournisseur doit en effet accorder les mêmes avantages à tous ces clients, petits commerçants ou hypermarchés. Or seuls les hypermarchés peuvent ainsi disposer d'une main-d'oeuvre à titre grâcieux. L'outil législatif mis à disposition des administrations de contrôle reste cependant mal adapté pour lutter contre cette pratique. L'existence de sociétés de marchandisage, le statut précaire et multiple des salariés marchandiseurs (certains ont jusqu'à huit employeurs) ainsi que les relations complexes entre les sociétés de marchandisage, les fournisseurs et les hypermarchés, rendent difficile la démonstration des infractions commises. L'existence d'un texte législatif susceptible d'interdire clairement la pratique du marchandisage permettrait de mettre fin à ces agissements qui bafouent le principe de la libre concurrence et le droit du travail. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer ses intentions à ce sujet.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire appelle l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les dérives liées à la pratique du marchandisage dans le secteur de la grande distribution. Il suggère que des dispositions législatives spécifiques puissent interdire une telle pratique. Le marchandisage est pratiqué principalement dans la grande distribution et consiste, pour un hypermarché par exemple, à sous-traiter à une société fournisseur, distributeur ou prestataire de service habituel du magasin, la gestion d'une partie de la main-d'oeuvre employée à la manutention ou au réassortiment des rayons. C'est une technique commerciale dont les effets ont effectivement été dénoncés à de nombreuses reprises tant sur le plan du droit de la concurrence que sur celui du droit du travail. En ce qui concerne le droit de la concurrence, le marchandisage tend trop souvent à éluder la réglementation sur la concurrence qui prohibe certaines ristournes ou rabais. En effet, en obligeant le fournisseur à prendre à sa charge une partie des frais du personnel, le grand magasin obtient une ristourne déguisée, tout en laissant apparaître un prix d'achat suffisamment élevé pour ne pas être incriminé de dumping ou entente illicite avec son fournisseur. En ce qui concerne le droit du travail, les infractions constatées sont de deux ordres. D'une part les contrats de travail peuvent contenir des clauses de rupture automatiques abusives et des stipulations non conformes aux règles légales ou conventionnelles (salaires inférieurs aux minima conventionnels, absence de versement de primes). D'autre part la pratique elle-même est susceptible de constituer un prêt de main d'oeuvre illicite à but lucratif puisque l'employeur réel peut être considéré comme étant le magasin sous la subordination duquel travaille le marchandiseur ou de constituer un délit de marchandage en raison de la non-application de la réglementation ou des conventions collectives. Certaines infractions aux règles régissant le travail et l'emploi engendrent une concurrence déloyale qui menace les équilibres économiques et sociaux de la France par l'instauration d'une économie parallèle qui, en excluant les travailleurs à la fois de la protection du droit du travail et de toute protection sociale, les soumet à une grande précarité. Les pouvoirs publics ont donc manifesté fermement leur volonté de développer la lutte contre le travail illégal par l'adoption de la loi du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte contre le travail illégal. Si ce texte législatif ne vise pas spécifiquement le marchandisage, comme l'affirme l'honorable parlementaire, il n'en constitue pas moins un outil efficace pour lutter contre le prêt de main-d'oeuvre illicite et le marchandage notamment qui sont des pratiques inhérentes au marchandisage, par l'élargissement et la simplification de l'incrimination et par le renforcement et la coordination du contrôle. Le secteur de la grande distribution a décidé, dans une démarche partenariale complétant celle des pouvoirs publics, de participer à la réduction des abus en signant avec l'Etat des conventions régionales de partenariat pour la lutte contre le travail illégal spécifique à ce secteur. Ainsi, une convention a été conclue en juin 1997 pour la région Nord-Pas-de-Calais, qui prescrit un certain nombre d'actions à mener pour la lutte contre le travail illégal. Il s'agit notamment de mobiliser et d'informer les entreprises du secteur de la grande distribution sur les diverses formes de travail illégal et les dispositions législatives applicables en la matière. Il s'agit aussi de dissuader, par des démarches appropriées, les donneurs d'ordre de recourir à des prestataires exerçant leur activité dans des conditions illégales et, selon les activités, de mettre en oeuvre tous moyens permettant d'assurer le suivi des produits et de mentionner la qualité des différents intervenants dans la chaîne de fabrication et de distribution au sein de l'entreprise et des entreprises sous-traitantes. Un comité de suivi doit être mis en place, qui sera en outre chargé de faire le bilan de ces actions. D'autres conventions de partenariat Etat-régions devraient être conclues prochainement. Il convient par ailleurs de préciser que les services de contrôle, bien informés du danger des dérives de la pratique du marchandisage, se mobilisent très fortement et que le nombre d'infractions relevées en la matière a connu une forte progression ces deux dernières années. Suite aux infractions pour marchandage relevées depuis deux ans dans certaines grandes surfaces, les directions nationales de ces sociétés ont décidé de résilier tous les contrats liant les établissements concernés à des sociétés de marchandisage.
SOC 11 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O