Texte de la QUESTION :
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M. Georges Sarre attire de nouveau l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation humanitaire préoccupante au Sud-Soudan. Il relève, à cet égard, le bilan accablant, récemment dressé par Médecins sans frontières et Human Rights Watch, de l'opération humanitaire « Lifeline Sudan » (OLS), « le pont aérien le plus ambitieux depuis celui de Berlin » selon l'ONG américaine. Soulignant que « la non-application des principes élémentaires de l'action humanitaire a conduit à écarter de l'aide alimentaire les populations les plus vulnérables », l'ONG française appelle ainsi à une révision radicale du dispositif de l'OLS, « incapable d'atteindre ses objectifs ». Quant au « progrès réel en direction d'un règlement pacifique et négocié du conflit sud-soudanais » que le ministre jugeait à juste titre, dans sa réponse du 28 septembre 1998, déterminant pour « enrayer cette crise humanitaire », il note une multiplication récente d'indices contradictoires. D'un côté, le gouvernement soudanais a ainsi annoncé qu'il n'avait pas l'intention de prolonger l'accord de cessez-le-feu, qui expire à la mi-avril 1999, conclu en juillet 1998 avec les rebelles de la SPLA, tout en affirmant, par la voix de son Premier vice-président, sa détermination « à reconquérir toutes les positions aux mains des rebelles d'ici le 30 juin » 1999. De l'autre, le récent accord entre factions sudistes pro-gouvernementales et rebelles, qui prévoit un cessez-le-feu global dans le sud en avril prochain, ainsi que la nouvelle politique étrangère de Khartoum visant au premier chef, selon le chef de la diplomatie soudanaise, à « améliorer nos relations avec tous les pays du monde », sont autant de signes encourageants dans la perspective du prochain round de négociations de paix, en avril 1999. Dans ce contexte, il lui demande donc de faire au plus tôt le point sur ce dossier, en lui précisant notamment les initiatives envisagées par la France - qui a octroyé en 1998 une aide de 3 MF en faveur des populations de la province sudiste du Bahr El-Ghazal -, en tant que membre du forum des partenaires de l'IGAD, afin de contribuer, à sa mesure, à la correction des dysfonctionnements de l'OLS, au respect scrupuleux par les parties en conflit de leurs engagements en matière d'acheminement et de distribution d'aide humanitaire souscrits en août 1997 à Addis-Abeba, ainsi qu'à l'apaisement des tensions récentes entre Khartoum et certaines ONG, dont le CICR et l'UNICEF, qui avait en particulier dénoncé la persistance du commerce des esclaves au Sud-Soudan et appelé le Gouvernement de Khartoum à s'engager contre ce fléau.
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Texte de la REPONSE :
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La France, qui continue d'accorder la plus grande attention à la situation humanitaire au Sud-Soudan, est consciente des imperfections liées à l'opération des Nations unies « Lifeline Sudan » (OLS), ainsi que des difficultés de distribution de l'aide alimentaire, telles que relevées par les organisations non gouvernementales Médecins sans frontière (MSF) dans son récent rapport, et Human Rights Watch. La distribution de l'aide internationale aux populations sud-soudanaises en détresse n'est en effet pas exempte de toute critique et il est souvent difficile de s'assurer que l'aide parvient bien aux populations les plus défavorisées. Les détournements de l'aide alimentaire et des médicamments par les groupes armés, qu'ils appartiennent aux mouvements de rébellion ou aux mouvements pro-gouvernementaux, constituent un problème grave, auquel seul le respect le plus strict par toutes les parties au conflit des engagements qu'elles ont pris à Rome en novembre 1998 lors de la réunion du Comité pour les affaires humanitaires, pourra mettre fin. Il s'agit de pratiques inadmissibles, bien que malheureusement courantes et récurrentes dans tous les conflits armés. Tant par son ampleur que par la multiplicité de ses composantes, onusiennes (UNICEF, PNUD, HCR, OCHA, PAM), soudanaises (gouvernement soudanais, rébellion sudiste), et non gouvernementales, l'opération « Lifeline Sudan » est un mécanisme lourd et complexe. Depuis plus d'une année, le renforcement de la coordination interne de l'OLS, dont la France n'a cessé de souligner l'importance, constitue une priorité de l'action du représentant-résident des Nations unies au Soudan. En dépit de toutes les critiques, l'opération des Nations unies, mise en oeuvre en 1989 pour répondre à une famine d'une très grande gravité au Sud-Soudan, a contribué à atténuer l'impact du conflit sud-soudanais, permettant de sauver des centaines de milliers de vies humaines. Sans l'OLS, qui a coordonné la mobilisation de la communauté internationale à l'été 1998, la région du Bahr El-Ghazal serait sans doute aujourd'hui largement dépeuplée. L'OLS a le mérite de permettre une réaction rapide et efficace pour répondre aux besoins d'urgence, et cela dans un contexte particulièrement difficile, notamment en matière de sécurité. A cet égard, il convient de rappeler l'enlèvement de membres du Comité international de la Croix-Rouge, ainsi que de quatre ressortissants soudanais (appartenant pour l'un deux au Croissant-Rouge et trois autres au gouvernement local de l'Etat de l'Unité) le 18 février 1999, puis l'exécution de ces derniers par la rébellion début avril, seuls les membres du CICR ayant été libérés. Mais l'action humanitaire ne peut se substituer au règlement politique. C'est pourquoi la France, avec ses partenaires européens, soutient les efforts de l'autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), dont la médiation dans le conflit sud-soudanais a repris en 1997. Alors que la quatrième session de négociations entre le gouvernement soudanais et le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS) de John Garang aurait dû se tenir à Nairobi du 20 au 25 avril 1999, les parties au conflit ont en effet émis des signaux contradictoires : refus par le Gouvernement de l'extension d'un cessez-le-feu à vocation humanitaire pour le Bahr El-Ghazal seul, reprise des opérations militaires pour la rébellion dans l'est du Soudan (Etats du Nil-Bleu, du Haut-Nil et de Kassala). Le gouvernement soudanais a annoncé le 5 avril 1999 qu'il respecterait, si la rébellion en faisait de même, un cessez-le-feu sur l'ensemble du territoire soudanais à l'échéance le 15 avril 1999 du cessez-le-feu à caractère humanitaire pour le Bahr El-Ghazal. L'ouverture des pourparlers a toutefois été reportée par le gouvernement soudanais, qui a justifié sa décision par l'exécution par la rébellion sudiste des quatre Soudanais en mission, conjointement avec le CICR, et le non-rapatriement des dépouilles des victimes. Selon M. Riak Machar, adjoint au Président de la République et président du conseil de coordination du Sud-Soudan, ce report serait cependant réduit à deux semaines, d'un commun accord avec le MPLS. Les deux parties au conflit mettraient à profit ce nouveau délai pour établir de nouveaux contacts et le Kenya, en charge de la médiation de l'IGAD, mènerait également des consultations auprès des deux parties, afin de renforcer les chances d'un accord lors de la prochaine session de pourparlers. Seule la résolution politique du conflit du sud sera de nature à permettre une véritable solution aux problèmes humanitaires du Sud-Soudan, et également à de nombreuses questions de violation des droits de l'homme, largement induites par l'état de guerre dans le pays.
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