Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Pierre Brard attire l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les controverses suscitées par la réapparition du loup en France, dans le parc national du Mercantour. On peut actuellement estimer leur nombre entre 20 et 30 pour l'ensemble du Mercantour. Il est reconnu que les effets de la prédation du loup sont négligeables en ce qui concerne les mammifères moyens. Ils sont plus significatifs pour les ongulés sauvages mais ne justifient pas la levée de boucliers des chasseurs contre l'arrivée de ce « compétiteur ». Le loup joue par ailleurs un rôle régulateur vis-à-vie d'autres espèces animales et les prélèvements effectués par cet animal sont très nettement en deçà du taux de mortalité naturelle résultant de maladies ou d'accidents. Alors que cette espèce est protégée par les lois européennes et françaises, notre pays est le seul, malgré le nombre très peu élevé de loups sur son territoire, à demander son éradication. A titre d'exemple, la Roumanie avec 3 000 loups, la Pologne (entre 700 et 1 000), l'Italie (450 et 500), le Portugal (300), l'Espagne (plus de 2 000) ne remettent pas en cause leur présence et les protègent totalement ou partiellement. Il lui demande en conséquence quelles mesures elle envisage de prendre afin d'assurer la protection des loups en France, et de s'adapter à la présence de ce prédateur par exemple par l'instauration d'un système de gardiennage permanent assuré par des chiens de protection.
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Texte de la REPONSE :
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La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative au retour du loup en France. Afin de prévenir les conséquences sur le pastoralisme de la présence du loup dans le Mercantour, un premier plan d'action a été mis en place de 1993 à 1996 par le ministère chargé de l'environnement avec l'appui du parc national. Il a permis d'établir un recueil de données sur l'espèce et d'élaborer une cartographie permanente des observations, d'expertiser les proies sauvages ou domestiques susceptibles d'avoir été tuées par le loup, d'adapter à la présence du loup des techniques employées pour garder les troupeaux, de mettre en place un dispositif d'indemnisation et d'aide au pastoralisme pour réduire la prédation subie par les troupeaux de moutons. Ces premières mesures ont été reprises et amplifiées dans le cadre d'un programme communautaire (financement LIFE pour 3 ans de 1997 à 1999 pour un montant de 8 millions de francs dont 50 % sont financés par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement). L'objectif de ce programme était d'accompagner le retour du loup dans les Alpes du Sud en améliorant la connaissance sur l'espèce, sa répartition, son évolution, son impact sur la faune sauvage et domestique, et de mettre en place des mesures d'accompagnement en faveur du pastoralisme : compensation des dommages, mise en place de chiens de protection, de parcs de contention la nuit, la mise à disposition de bergers auxiliaires pour améliorer la garde nocturne des troupeaux. Ces mesures ont prouvé leur efficacité comme en témoignent les données sur les attaques de loups dans les Alpes-Maritimes qui, pour la première fois en 1998, ont vu une baisse du nombre d'animaux indemnisés (691 contre 789 en 1997). Avec les premières observations du loup dans les Alpes du Nord, le réseau de suivi et d'observation a été mis en place dans les départements concernés. Les dispositifs d'indemnisation et de prévention des dégâts ont été étendus dans les départements du nord des Alpes. Un dossier de candidature pour une nouvelle opération LIFE destinée à poursuivre et amplifier l'opération en cours vient d'être déposé à la Commission européenne. En 1998, les ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture ont engagé une concertation avec tous les acteurs concernés sur une stratégie nationale de conservation du loup liée à un pastoralisme durable. Lors d'une première réunion tenue le 15 juin 1998, les deux ministères ont soumis à la discussion un projet de stratégie sur le loup et le pastoralisme durable recueillant les positions des différents interlocuteurs. Les représentants du monde agricole et notamment ceux de l'élevage ovin ont manifesté leur désaccord sur ce texte. C'est en partie sur la base de ce constat que les ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture ont confié à un inspecteur général de l'agriculture une mission sur la cohabitation entre l'élevage et le loup. Ce dernier a été notamment chargé de procéder à l'évaluation de l'ensemble des actions conduites par l'Etat, les éleveurs et les autres partenaires, tant sur le plan national que local. Sur la base de ce bilan, il a été chargé d'élaborer des propositions en matière de pastoralisme et de conservation et gestion du loup en France. Il a déposé à la mi-février 1999 ses conclusions qui font l'objet d'une expertise interministérielle. L'arrivée du loup dans notre pays a mis en évidence, en les accentuant, les difficultés structurelles de l'élevage ovin en montagne dont le loup n'est pas le seul responsable. L'objectif des deux ministères est de traiter de l'ensemble des problèmes de la filière ovine en tenant compte de la présence du loup. « L'intérêt public » du loup relève de la conservation d'un patrimoine naturel. La nature, ensemble des systèmes écologiques, perpétue une coexistence cohérente d'espèces animales et végétales qui entretiennent entre elles des relations complexes dont la plus commune est une relation de consommation, une espèce servant de proie à l'autre. L'ensemble des espèces et de leurs relations constituent la diversité biologique. Le retour naturel du loup, prédateur d'animaux sauvages (mouflons, bouquetins, chamois, chevreuils, cerfs, sangliers...) permet notamment, en rétablissant l'ensemble de la chaîne alimentaire, de reconstituer les comportements que ces derniers avaient perdus. Au-delà de cette valeur écologique, et sans méconnaître les atteintes qu'il peut porter à l'élevage, le loup possède également une valeur symbolique et culturelle, et pourrait même devenir, comme c'est le cas dans d'autres pays, un facteur de développement économique à travers le tourisme de nature.
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