FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2808  de  M.   Cardo Pierre ( Démocratie libérale et indépendants - Yvelines ) QG
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  24/05/2001  page :  3296
Réponse publiée au JO le :  24/05/2001  page :  3296
Rubrique :  jeunes
Tête d'analyse :  délinquance
Analyse :  lutte et prévention
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.
M. Pierre Cardo. Monsieur le Premier ministre, la question de l'insécurité - encore, allez-vous dire ! - peut paraître une obsession. Elle est, hélas, une réalité pour trop de Français, souvent défavorisés. Les statistiques ne révèlent pas toute la réalité, mais certains chiffres connus s'avèrent tout de même très préoccupants. Ainsi, 60 % des délits de voie publique seraient commis par des jeunes de treize à dix-sept ans, agissant souvent avec un fort sentiment d'impunité. La violence scolaire qui explose; les viols collectifs commis par des mineurs de plus en plus jeunes; des voitures qui brûlent, que l'on casse, que l'on vole quand on n'a parfois pas encore treize ans; des policiers encore volontaires, mais déjà désabusés, car leur action est rendue inefficace par des textes, des procédures et des moyens inadaptés... La liste serait trop longue, qui démontre qu'aujourd'hui l'Etat républicain n'assume plus vraiment sa mission de sécurité publique, pas plus que celle de protection de l'enfance.
Vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre, le 17 avril, avoir rompu avec une conception angélique des problèmes de sécurité. Mais vous manquez de majorité pour de vraies réformes.
Acceptez-vous de lancer enfin dans cet hémicycle un vrai débat sur la réforme de l'ordonnance de 1945 qui régit l'essentiel des réponses à la délinquance juvénile, mais a été conçue voilà déjà cinquante-cinq ans ? Acceptez-vous de prendre le risque de manquer de majorité plurielle, mais de bénéficier d'une opposition constructive sur ce thème ? Bien des Français voudraient, en effet, que ceux qui décident dépassent les clivages politiques pour apporter de vraies réponses à l'insécurité quotidienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, j'apprécie le ton sur lequel vous avez posé la question...
M. Jean-Pierre Brard. Ca change de M. Estrosi !
Mme le garde des sceaux. ... tant il est vrai que nous devons rester extrêmement prudents quand nous nous exprimons sur la délinquance, et en particulier sur la délinquance de mineurs.
J'entends souvent, et presque toutes les semaines ici, dire que l'ordonnance du 2 février 1945 n'est pas adaptée au traitement de la délinquance et en particulier à un aspect sur lequel vous avez justement insisté, celui de la prévention et de l'adaptation de la sanction.
Ce texte a beaucoup évolué depuis 1945. Rappelons-nous que, sous des majorités différentes, il a été revu en 1985, 1987, 1989, 1993, 1995, 1996 et 1998. C'est un texte d'équilibre qui a pu, au fur et à mesure des propositions de moyens différents - comme par exemple plus récemment avec les centres de placement immédiat et les centres éducatifs renforcés - être réadapté à la réalité de la délinquance des mineurs.
Les tribunaux «essaient», et le terme est choisi, de répondre aussi justement que possible à l'adaptation de la réponse aux faits de délinquance, pour une raison simple et partagée par tous. Ouvrir la détention provisoire aux mineurs de treize ans récidivistes - pour des délits et non pour des faits très graves - serait, de l'appréciation de tous ceux qui travaillent avec ces mineurs, plus dangereuse que sécurisante pour notre avenir. Répondre à court terme serait reporter le problème. Que seront devenus ces enfants de treize ans en détention, lorsqu'ils sortiront au bout d'un ou deux ans ?
C'est ainsi qu'ensemble nous devons poser la question, tout en refusant - à ce propos le Premier ministre est très réaliste - tout angélisme et en se méfiant des tabous qui amèneraient à penser qu'un enfant, parce qu'il a eu la malchance de ne pas se construire dans un milieu familial qui ne lui a pas permis, matériellement ou affectivement, de s'inscrire dans notre société, n'aurait pas non plus le droit à l'application de la loi. Cela le rendrait indigne et irresponsable et ce serait un très mauvais service à lui rendre. Nous devons, par la sanction, rendre le jeune digne et responsable de notre république.
Notre ambition est de travailler avec le milieu des élus locaux, dans le cadre des partenariats que vous avez su, les uns et les autres, tisser avec des associations pour porter cette sanction. Cela dit, vous avez raison, nous ne sommes pas bons aujourd'hui s'agissant des délais de réponse. Le sentiment d'impunité ne se nourrit pas de l'absence de sanction, mais de l'absence de délais d'application de la sanction. Je m'engage donc, monsieur le député, à tout faire avec les premiers présidents et les procureurs généraux pour le dossier du service exécutif des peines dans nos juridictions. Nous aurions tort, demain, de ne pas avoir été plus vigilants aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
DL 11 REP_PUB Ile-de-France O