FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 283  de  M.   Millon Charles ( Union pour la démocratie française - Ain ) QG
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  08/01/1998  page :  5
Réponse publiée au JO le :  08/01/1998  page :  5
Rubrique :  Union européenne
Tête d'analyse :  Conseil européen
Analyse :  sommet de Luxembourg. perspectives
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Charles Millon.
M. Charles Millon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
L'exode des populations kurdes prend aujourd'hui une ampleur sans précédent et plusieurs milliers de Kurdes frappent aux frontières de l'Union européenne. Cette situation rend donc plus nécessaire que jamais la mise en place au niveau européen d'une véritable politique d'immigration et de contrôle des flux migratoires, car il n'est pas possible pour la France de faire face seule à de pareils mouvements de population. C'est d'ailleurs cette approche communautaire de la politique d'immigration que le traité d'Amsterdam propose de mettre en place et qui nécessitera, suite à la décision du Conseil constitutionnel, la modification de notre Constitution.
Hélas ! monsieur le ministre de l'intérieur, cette dimension européenne est malheureusement ignorée dans le projet de loi sur l'immigration que votre majorité vient d'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Pire, alors que les Français souhaitent être rassurés, le Gouvernement auquel vous appartenez a déposé un texte d'un laxisme extrême. Ainsi, en élargissant le droit d'asile aux combattants de la liberté, il ouvre les portes de la France à tous les réfugiés kurdes aujourd'hui chassés d'Irak ou de Turquie.
Nous sommes donc confrontés à un problème d'une gravité exceptionnelle et la France tout entière semble bien désarmée.
Or nos concitoyens, inquiets par les vagues successives d'immigration que notre pays a déjà connues, attendent des réponses fermes. A défaut, monsieur le ministre, vous prendriez la responsabilité de ranimer en France des sentiments xénophobes et anti-européens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
C'est la raison pour laquelle je vais vous poser trois questions, sur lesquelles je souhaiterais avoir trois réponses précises.
Premièrement, qu'attend la France pour prendre l'initiative d'une réunion d'urgence des ministres de l'intérieur de l'Union européenne afin de définir une position commune face à l'exode kurde ? C'est au niveau politique, et seulement au niveau politique, qu'une telle question doit être traitée.
Deuxièmement, y a-t-il eu une concertation avec nos partenaires européens sur la politique à mener en matière d'immigration préalablement au dépôt du projet de loi sur l'entrée et le séjour des étrangers en France que vous avez eu l'honneur de présenter à l'Assemblée nationale et qui nous a permis d'avoir un débat riche pour la France mais inquiétant pour les Français ? En effet, ce texte apparaît aujourd'hui comme l'un des plus laxistes de France, et inefficace pour lutter contre ces nouvelles menaces.
Monsieur le ministre de l'intérieur, et ce sera ma troisième question, je souhaiterais donc savoir comment vous comptez l'amender pour rassurer les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le ministre, depuis un an le flux des réfugiés d'origine kurde, irakiens ou turcs, a été multiplié par dix. C'est la conséquence de la situation en Irak après la guerre du Golfe. En effet, la zone d'exclusion aérienne à laquelle nous participons a créé un no man's land juridique à l'intérieur duquel les différentes factions kurdes peuvent se livrer des guerres intestines et qui n'est pas à l'abri, loin de là, des incursions étrangères, principalement iraniennes et turques, puisque c'est là que se sont établis les camps du PKK.
J'en viens maintenant au versant turc de l'affaire, puisque les Kurdes sont plus nombreux en Turquie qu'en Irak. Là aussi, se développe une situation préoccupante puisque le régime d'autonomie qui existe depuis 1924 en Irak pour les Kurdes n'existe nulle part ailleurs.
Il faut donc poser le problème en amont.
M. François Vannson. Répondez aux questions !
M. le ministre de l'intérieur. En aval, vous posez la question de la concertation avec nos voisins européens. Sachez qu'il est entendu que l'Italie doit entrer dans l'espace Schengen - je rappelle que les accords de Schengen datent de 1985 - le 1er avril prochain. Bien entendu, la concertation est permanente entre les ministres de l'intérieur que j'ai rencontrés, M. Napolitano en Italie et M. Kanther en Allemagne.
S'il y a une justification au projet de loi Reseda, elle est donnée par le Conseil constitutionnel lui-même, qui considère que tout ce qui concerne l'asile et l'immigration relève d'une prérogative essentielle de la souveraineté nationale et que le transfert ne peut être opéré au niveau communautaire que par une révision constitutionnelle. Donc le Conseil constitutionnel me donne raison contre la thèse que vous soutenez un peu légèrement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur les bancs du groupe socialiste.)
J'ajoute que la «communautarisation» de l'asile et de l'immigration ne règlera pas le problème. La décision a été prise par M. Juppé - au gouvernement duquel vous avez participé, monsieur Millon contre l'avis d'ailleurs du ministre de l'intérieur, qui ne me démentira pas. Le 6 février 1996, il a été décidé que les questions relatives à l'immigration seraient «communautarisées»...
M. François Vannson. Vous ne répondez pas aux questions !
M. le ministre de l'intérieur. ... et que les décisions pourraient être prises à la majorité qualifiée dans cinq ans.
La décision prise le 6 février 1996 est lourde de conséquences. Et avant de prendre des mesures de ce genre, il faut se poser certaines questions. En effet, la géographie de l'immigration n'est pas la même partout en Europe. Les Turcs sont plus de trois millions, en Allemagne et les Kurdes 600 000, soit dix fois plus qu'en France. En revanche, les Maghrébins sont beaucoup plus nombreux en France. Si, par malheur, il devait y avoir un exode en provenance d'un pays du Maghreb, naturellement les gens qui viendraient en Europe iraient en France. De même que les Kurdes qui arrivent d'Irak ou de Turquie vont en Allemagne et s'arrêtent, pour un petit nombre, en France.
La DICCILEC, c'est-à-dire la police de l'air et des frontières - ou la police aux frontières, comme elle sera dénommée prochainement -, au travail de laquelle je veux rendre hommage,...
M. François Vannson. En tout cas, vous n'avez toujours pas répondu aux questions !
M. le ministre de l'intérieur. ... a fait en sorte qu'il y a, en 1997, dix fois plus de réadmissions vers l'Italie qu'en 1996.
M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure, s'il vous plaît ?
M. le ministre de l'intérieur Elle a réussi également à démanteler des filières d'immigration clandestine, qui sont le chaînon intermédiaire entre l'amont et l'aval.
M. François Vannson. Répondez aux questions !
M. le ministre de l'intérieur. Avant de prendre des décisions au doigt mouillé, il faut réfléchir. C'est le conseil que je me permets de vous donner.
Sachez qu'une action est engagée auprès du gouvernement turc. M. le ministre des affaires étrangères se rendra demain à Ankara afin de faire en sorte que des bateaux ne puissent pas partir de Turquie sans le contrôle des autorités turques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, ce débat est intéressant, mais la question et la réponse ont été trop longues en égard à nos traditions. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
UDF 11 REP_PUB Rhône-Alpes O