FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2854  de  M.   Quilès Paul ( Socialiste - Tarn ) QG
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  06/06/2001  page :  3832
Réponse publiée au JO le :  06/06/2001  page :  3832
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Etats-Unis
Analyse :  politique de la défense. perspectives
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Paul Quilès, pour le groupe socialiste.
M. Paul Quilès. Monsieur le ministre des affaires étrangères, les Américains vivent depuis quarante ans, dans un mythe, celui de la sécurité absolue de leur territoire. Le nouveau président américain, M. Bush, à l'image de ses prédécesseurs, a annoncé son souhait de voir déployer une défense censée protéger les Etats-Unis contre un tir de missile nucléaire balistique déclenché par ce qu'il appelle les «Etats voyous». Cela rappelle d'ailleurs fortement le projet de «guerre des étoiles» du président Reagan ne vit jamais le jour.
Les Etats-Unis souhaitent aujourd'hui que les Européens s'associent à cette défense antimissile. Or, des interrogations subsistent sur la nature de cette éventuelle association. Le projet américain est encore très flou, en effet, et il faudrait d'abord que nous, Européens, ayons le sentiment qu'il existe effectivement une menace de missile balistique sur notre territoire. Pour convaincre ses partenaires, le président Bush a dépêché des émissaires qui ont fait le tour des capitales européennes. Le projet a été également évoqué lors de la réunion ministérielle de l'OTAN de Budapest à laquelle vous assistiez, monsieur le ministre, et le président Bush ira lui-même en Europe pour participer à une réunion spéciale de l'OTAN la semaine prochaine.
Je ne vous le cache pas, notre commission de la défense s'inquiète d'un projet qui pourrait relancer la course aux armements et qui procède en tout cas d'une vision très sécuritaire des relations internationales. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que les traités de désarmement qui ont fait leurs preuves depuis quarante ans constituent une réponse plus appropriée aux risques de prolifération de ces armes ? Ne considérez-vous pas qu'il serait bon de voir l'Europe s'exprimer de manière ambitieuse en formulant sa propre conception de la sécurité collective dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, le Gouvernement partage très largement l'analyse de votre commission - vous venez de la résumer. Elle rejoint d'ailleurs les analyses exprimées dans des rapports qui sont très importants pour l'approfondissement de notre réflexion.
Nous ne sommes absolument pas convaincus, en effet, par les arguments qui sont mis en avant par les auteurs de ce projet. Ainsi, il y aurait beaucoup à dire sur la menace telle qu'elle est perçue. Et il ne faut pas confondre les capacités et les menaces. Sur quoi porte la menace ? Il y a là un travail très sérieux à mener. Certes, on ne peut pas négliger les risques de prolifération balistique dans le monde actuel mais il faut les traiter rationnellement. Depuis le début, nous avons demandé qu'il soit procédé à des consultations. Le projet évolue, d'ailleurs, puisque les Américains eux-mêmes parlent d'une défense pour protéger non seulement les Etats-Unis, mais l'ensemble de leurs alliés. Toutefois, ils ne sont pas sûrs des technologies dont ils disposeront puisque les tests qui ont eu lieu sous la présidence de M. Clinton n'ont pas été concluants.
Ayant fait part de nos réserves, de nos préoccupations, et, dans certains cas, de nos critiques, nous avons demandé avec les autres pays européens, qui se se sont à peu près tous exprimés sur ce ton, que des consultations s'engagent. C'est chose faite. A Budapest, nous n'avons pas cautionné ce nouveau concept, puisqu'il a simplement été décidé au sein de l'Alliance d'ouvrir des consultations sur ce que pourrait être ce projet, sur les menaces potentielles et sur les conséquences à en tirer. Nous gardons donc notre liberté d'appréciation et a fortiori notre liberté de décision.
Par ailleurs, il n'est pas exclu qu'aux Etats-Unis même ce projet évolue compte tenu soit des innovations ou des impossibilités technologiques, soit de problèmes financiers, soit du débat politique puisque le Sénat vient de changer d'orientation et que les nouveaux responsables des commissions clés n'ont pas tout à fait la même approche sur le sujet.
Monsieur le député, nous avons donc le temps de procéder à des consultations pour clarifier les choses avant de devoir, le moment venu, nous déterminer sur des bases plus rationnelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
SOC 11 REP_PUB Midi-Pyrénées O