FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2858  de  M.   Mamère Noël ( Radical, Citoyen et Vert - Gironde ) QG
Ministère interrogé :  santé
Ministère attributaire :  santé
Question publiée au JO le :  07/06/2001  page :  3915
Réponse publiée au JO le :  07/06/2001  page :  3915
Rubrique :  santé
Tête d'analyse :  tabagisme
Analyse :  lutte et prévention
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe RCV.
M. Noël Mamère. Monsieur le ministre délégué à la santé, ma question concerne le Comité national contre le tabagisme qui est menacé de liquidation judiciaire.
Le tribunal de grande instance de Paris se prononcera à ce sujet demain, jeudi 7 juin.
Il serait particulièrement désastreux que le comité national contre le tabagisme disparaisse alors qu'il est la seule association d'intérêt public qui, au nom du Gouvernement et de l'Etat, peut poursuivre les fabricants de tabac. En outre, il donne des outils juridiques qui nous manquent beaucoup dans notre politique de santé publique. A ce propos je veux rappeler à mes collègues les dégâts que produit le tabagisme: le tabac cause 60 000 morts par an, et le tabagisme passif, 3 000.
Comment pourrait-on laisser placer en liquidation judiciaire le seul outil que nous avons à notre disposition à cause d'une erreur matérielle de la Cour de cassation commise en juin 1998, à l'occasion d'une instance qui l'opposait à l'un des plus gros fabricants de tabac: la société Reynolds Tobacco ?
Comment pourriez-vous expliquer, monsieur le ministre, que, d'un côté, vous allez dans les écoles pour affirmer qu'il faut lutter contre le tabagisme, et que, de l'autre, vous laissez purement et simplement disparaître le seul outil qui est à notre disposition - avec une subvention de 800 000 francs en 2001 - pour poursuivre en justice les fabricants de tabac ?
Par ailleurs, êtes-vous prêt à faire en sorte que l'on puisse maintenant poursuivre les personnes morales et non pas simplement les personnes physiques ? Je vous rappelle, en effet, que, si cinquante-sept instances sont en cours, chaque fois, les présidents de ces groupes de tabac ne se présentent pas et qu'il n'y a pas de suites.
Enfin, êtes-vous disposé à prendre une décision qui peut paraître, sinon arbitraire, du mois très directive, mais qui est une affaire de santé publique, celle d'interdire la vente du tabac aux mineurs ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert).
M. le président. la parole est à M. le ministre délégué à la santé.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Monsieur le député, s'agissant de la dernière partie de votre question, les choses ne sont pas simples. Je l'ai déjà dit, bien qu'ayant signé, ou accepté la charte de l'Organisation mondiale de la santé, qui comporte l'interdiction de la vente des cigarettes aux mineurs de moins de seize ans, j'hésite à le faire pour plusieurs raisons.
D'abord, parce que les tabacologues, les spécialistes de notre pays, en particulier le professeur Tubiana, sont résolument hostiles à cette mesure. Ils pensent que si nous interdisons encore quelque chose aux jeunes - et moi non plus, je n'aime pas ça - ils transgresseront cet interdit et ils fumeront. Cela a été démontré dans d'autres pays, comme en Angleterre et plus encore aux Etats-Unis.
Ensuite, il semble que ce soit les fabricants de tabac eux-mêmes qui encouragent cette interdiction afin de pouvoir mentionner sur le paquet de cigarettes: «for adults only». (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. On est en France !
M. Thierry Mariani. C'est grossier !
M. le ministre délégué à la santé. Cela signifie «pour adultes seulement», monsieur Mariani ! L'attrait pour cette langue est tel que j'ai voulu l'utiliser pour vous montrer la séduction de ladite transgression pour certains jeunes.
Finalement, nous avons décidé d'expérimenter cette interdiction dans une région.
Mais, venons-en au début de votre question. Vous avez raison: le Centre national de lutte contre le tabagisme traverse des diffultés financières. C'est, en effet, le seul organisme d'Etat qui permette de lutter efficacement contre le tabagisme. C'est lui qui, dans certains endroits, comme les aéroports, va déployer des emplois-jeunes pour faire respecter l'interdiction de fumer. Mais il réalise bien d'autres choses. Il a été placé sous redressement judiciaire, avec un plan d'apurement du passif sur trois ans, sous le contrôle d'un administrateur judiciaire. J'en suis désolé, mais c'est ainsi.
Le groupe Reynolds avait sur lui une créance de 600 000 francs correspondant à des dommages et intérêts versés à l'association en exécution d'un arrêt de la cour d'appel. Celui-ci est remis en cause mais, contesté ou non, il n'en fallait pas moins rendre les sommes payées. C'est du reste en raison du défaut de paiement que le juge commissaire a été saisi, à la fin du mois de mars, pour que la liquidation soit prononcée. Je ne peux évidemment pas intervenir dans cette affaire. Ce qui est regrettable, c'est que le chèque produit à l'audience n'ait pas été mis sous séquestre comme le Centre national de lutte contre le tabagisme le demandait.
Monsieur le député, nous souhaitons disposer d'un tel organisme, qui nous est indispensable. Je vous rappelle d'ailleurs que lui ont été allouées des subventions de 600 000 francs en 1999, de 770 000 francs en 2000 et de 800 000 francs en 2001. C'est beaucoup. La ligne budgétaire ouverte pour la lutte contre le tabagisme est abondée de 2,5 millions de francs, et celle de la lutte contre l'alcoolisme, de 5 millions. Nous allons redonner 5 millions de francs en 2002. Nous souhaitons que la situation du centre s'arrange. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
RCV 11 REP_PUB Aquitaine O