FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2950  de  M.   Bocquet Alain ( Communiste - Nord ) QG
Ministère interrogé :  Premier Ministre
Ministère attributaire :  Premier Ministre
Question publiée au JO le :  10/10/2001  page :  5668
Réponse publiée au JO le :  10/10/2001  page :  5668
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Afghanistan
Analyse :  intervention militaire américaine. information du Parlement
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe communiste.
M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, les députés communistes l'ont dit solennellement à plusieurs reprises : il faut éradiquer le terrorisme international. Tout doit être mis en oeuvre pour que ses commanditaires et ses responsables soient identifiés, arrêtés, jugés et mis hors d'état de nuire. Mais, après l'attaque terroriste du 11 septembre à New York et Washington, l'intervention militaire américaine et les bombardements massifs en cours sur le territoire afghan depuis dimanche soir sont-ils susceptibles de répondre à ces exigences et ne risquent-ils pas, au contraire, d'amplifier les tensions en engageant le monde dans une escalade dangereuse ?
M. Philippe Auberger. Ils n'ont pas changé !
M. Alain Bocquet. Nous, députés communistes, réaffirmons ici la nécessaire solidarité de notre pays et son engagement dans cette lutte de longue haleine. Mais en raison même de la détermination sans faille qu'appelle la situation, nous nous interrogeons sur la nature et la portée des événements en cours, sur l'efficacité des bombardements et sur les dangers qu'ils font peser sur la population civile afghane elle-même soumise à la dictature, à la misère et à l'oppression. Mesure-t-on les répercussions de l'intervention américaine sur le monde arabo-musulman et sur les rapports Nord-Sud ?
L'organisation des Nations Unies doit être saisie de cette nouvelle situation afin qu'elle en délibère et qu'elle prenne des initiatives pour que la lutte contre le terrorisme soit menée dans le respect du droit international et soit le fait de l'ensemble de la communauté internationale.
Vous venez de rappeler la position et le rôle de la France dans ce contexte : notre pays participe déjà au déploiement des forces ; le Président de la République vient de souligner notre implication aux côtés des Etats-Unis. Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu'il est essentiel que la représentation nationale soit consultée et associée en permanence à toutes les décisions qui engagent l'avenir de notre pays et son action au service de la paix ? Vous avez répondu en partie à cette question. Pouvez-vous apporter d'autres précisions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur Bocquet, j'espère que vous me pardonnerez de prendre quelques instants pour évoquer un point que M. Debré avait traité dans sa question et auquel je ne n'avais pas répondu, concentré que j'étais sur certaines interrogations qui agitent la représentation nationale : je veux parler de la lutte contre le terrorisme en France.
Par les décisions que nous avons prises concernant Vigipirate, par les mesures de renforcement de ce plan que nous avons adoptées, par le nombre de réunions que je tiens actuellement avec les ministres - et j'en tiendrai encore une sur les problèmes de sécurité et de lutte contre le terrorisme cet après-midi - et avec de hauts fonctionnaires, vous savez que l'action contre les risques du terrorisme dans notre pays est essentielle. Si je n'y suis pas revenu, c'est que j'avais consacré un certain temps de mon intervention, la semaine dernière, à ces dispositifs, d'une importance à mon avis considérable, mais, il est vrai, un peu austères et techniques ; il ne m'avait d'ailleurs pas semblé que c'était la partie de mon intervention qui vous avait le plus intéressés ! (Sourires.)
Mais soyez sûrs que le Gouvernement, le ministre de l'intérieur, le ministre de la défense, tous les ministres concernés sont particulièrement attentifs à cette dimension.
Monsieur le président Bocquet, je sais votre émotion, partagée par tous, et votre solidarité, qu'a exprimée le leader de votre formation politique, à l'égard du peuple américain et des autorités des Etats-Unis frappés par ces attentats. Je connais la détermination qui est la vôtre, partagée sur tous ces bancs, de poursuivre la lutte contre le terrorisme. Je pense également que le Parlement est fait pour que des échanges aient lieu sur la nature des répliques, sur le degré jusqu'où la France doit s'engager, sur ce qu'elle fait ou ne fait pas ; tout cela dans le respect de son devoir de solidarité, mais en tant que nation qui, justement, attentive aux préoccupations du monde arabo-musulman, aux souffrances du peuple afghan, attentive aux meilleurs moyens de lutter dans la durée contre le terrorisme, doit légitimement discuter de ces problèmes.
En ce qui concerne la consultation du Parlement, je vous ai donné les éléments essentiels. Vous savez que nous ne pouvons pas faire appel à l'article 35 de la Constitution qui concerne la déclaration de guerre, car ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Vous savez que l'on peut toujours utiliser l'article 49-1, mais que celui-ci suppose un vote de confiance. Il a été utilisé une fois par un de mes prédécesseurs, M. Michel Rocard, pendant la guerre du Golfe. Mais la confiance au Gouvernement pourrait peut-être poser problème (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...
M. José Rossi. Regardez de l'autre côté !
M. le Premier ministre. Non, je pensais à l'opposition...
M. José Rossi. Regardez du côté de votre majorité !
M. le Premier ministre. ... mais si vous m'assurez que vous m'accordez la vôtre, mesdames, messieurs de l'opposition, j'en serais ravi ! Ce n'est pas un article qui a été prévu pour l'engagement de la France dans ce genre d'opération. Nous avons donc utilisé l'article 132 du règlement. J'ai essayé de montrer que, de multiples façons, aux moments importants et opportuns, en vous donnant les éléments les plus précis - y compris à vos présidents de groupe -, nous ferons en sorte que le Parlement soit informé.
M. Georges Hage. Seulement « informé » ?
M. le Premier ministre. En ce qui concerne le rôle de l'Organisation des Nations unies, celle-ci fournit déjà un cadre international pour la lutte contre le terrorisme ; c'est la résolution 1373. Elle s'applique aujourd'hui, je l'ai évoquée la semaine dernière.
M. Georges Hage. Bla-bla-bla !
M. le Premier ministre. En outre, est en cours d'élaboration une convention globale sur le terrorisme, qui permettra d'associer pleinement les Nations unies.
Par ailleurs, la résolution 1368 a qualifié les actes de terrorisme - en particulier ceux perpétrés le 11 septembre - d'atteintes à la paix et à la sécurité internationale, a ouvert le droit à la légitime défense et fondé juridiquement le recours à la force, y compris par les Etats-Unis.
Nous avons considéré, comme nos partenaires européens, que cette résolution fondait l'intervention américaine. Je vous rappelle que, par principe, la France est favorable à l'affirmation du rôle des Nations unies et du Conseil de sécurité dans la prévention des conflits et dans le maintien de la paix.
Enfin, en ce qui concerne nos objectifs, il s'agit de lutter contre le terrorisme, ce qui suppose de l'isoler. Il s'agit de nier tout lien de causalité entre les problèmes du monde et les motifs du terrorisme. Mais il s'agit aussi de comprendre qu'il peut y avoir des terrains favorables, que des problèmes non résolus pourraient, si nous n'y prenions garde, souder certaines opinions, notamment dans le monde arabo-mulsulman, avec les terroristes. Nous devons constamment garder cela à l'esprit, ne jamais baisser notre garde, assurer notre sécurité, affirmer notre devoir de loyauté, mener sur tous les fronts la lutte contre le terrorisme, nous efforcer aussi de prendre en compte la complexité du monde et veiller à travailler progressivement à le changer. (Appplaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Georges Hage. Oui, mais pourquoi le terrorisme ?
COM 11 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O