FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 29522  de  Mme   Feidt Nicole ( Socialiste - Meurthe-et-Moselle ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  10/05/1999  page :  2790
Réponse publiée au JO le :  02/08/1999  page :  4762
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  atteintes à l'intégrité de la personne
Analyse :  femmes battues. lutte et prévention
Texte de la QUESTION : Mme Nicole Feidt appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des femmes qui sont l'objet d'un harcèlement permanent de la part de leurs ex-conjoints ou compagnons. Elle l'informe qu'un terrible fait divers s'est déroulé dans sa circonscription, au cours duquel une jeune femme de quarante ans, mère de deux enfants, a été tuée de façon horrible par son ex-compagnon. Ce dernier, malgré une séparation officialisée depuis plusieurs mois, continuait à harceler son ancienne compagne, la menaçant et la poursuivant à toute heure du jour et de la nuit, au vu et au su tant de l'entourage, familial et professionnel, que des autorités policières et judiciaires. Fort heureusement, toutes les ruptures ne connaissent pas ce terrible dénouement, mais il y aurait chaque année en France près de 400 femmes victimes de violences mortelles de la part de leurs anciens conjoints. Malgré les plaintes déposées et la connaissance des faits par les autorités, encore trop de drames de la rupture trouvent cette issue fatale. Elle lui demande quelles mesures elle entend retenir de façon à assurer une meilleure protection des femmes qui sont constamment menacées par leurs anciens conjoints, afin que de tels drames puissent être évités, et que les femmes puissent être ainsi préservées des violences de leurs ex-conjoints, dont elles sont encore trop souvent les victimes.
Texte de la REPONSE : la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'elle partage ses préoccupations sur la nécessité, au plan national, de poursuivre et d'intensifier une politique partenariale d'envergure de lutte contre les violences à l'encontre des femmes et au sein du couple, déjà engagée depuis plusieurs années. En effet, quelle que soit leur condition socio-économique et leur niveau d'instruction, leur culture et leur religion, des millions de femmes, à travers le monde, sont victimes d'actes de violence, sous de multiples formes. La France n'est pas épargnée par ce phénomène de grande ampleur qui empêche les femmes de participer pleinement à la vie de la société. C'est pourquoi le code pénal issu des lois du 22 juillet 1992 et applicable depuis le 1er mars 1994, a reconnu la particulière gravité des violences dites conjugales puisqu'il a prévu un délit spécifique et des circonstances aggravantes liées à la sphère familiale. Lorsque ces violences, de nature criminelle ou délictuelle, ont été commises sur une personne dont la particulière vulnérabilité est due à un état de grossesse, apparent ou connu de l'auteur, ou ont été perpétrées par le conjoint ou le concubin de la victime, les peines encourues sont notablement aggravées. C'est ainsi que l'article 222-13 du code pénal réprime de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende le fait de commettre des violences volontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail inférieure à huit jours sur la personne de son conjoint ou de son concubin. Si ces violences ont entraîné la mort du conjoint, sans intention de la donner, vingt ans de réclusion criminelle sont alors encourus sur le fondement de l'article 222-28 du code pénal. Par ailleurs, la répression du crime de viol a été sensiblement aggravée par le nouveau code pénal puisque celui-ci est désormais puni de quinze ans de réclusion criminelle. Il y a lieu de noter que la chambre criminelle de la cour de cassation a admis à deux reprises qu'il pouvait y avoir viol entre époux, dans les arrêts de principe des 5 septembre 1990 et 11 juin 1992. De plus, le 8 mars 1999, journée nationale de la femme, a été signée une circulaire interministérielle (emploi et solidarité, justice, intérieur, défense et service des droits des femmes) relative à la lutte contre les violences à l'encontre des femmes et au sein du couple qui s'articule autour de trois grands axes : 1) Les conditions d'un partenariat efficace. Le traitement des violences au sein du couple et la prévention doivent représenter un objectif déterminant pour l'ensemble des acteurs locaux, tant des services de l'Etat et de l'autorité judiciaire que des partenaires de terrain. A cet effet, il est demandé de continuer de placer la commission départementale d'action contre les violences faites aux femmes au centre du dispositif. Cette commission, créée par une circulaire ministérielle du 12 octobre 1989, réactualisée en 1992 et 1996, réunit sous la présidence du préfet, les partenaires institutionnels et associatifs concernés afin d'élaborer des actions coordonnées en faveur des femmes victimes. L'animation et le suivi en sont assurés par la déléguée régionale ou la chargée de mission départementale aux droits des femmes. 2) Des réponses adaptées aux victimes. En matière de violences commises au sein du couple, l'accueil des victimes ainsi que le traitement judiciaire de ces affaires par les services de police et les unités de gendarmerie nécessitent des dispositions tendant à favoriser et optimiser les mesures déjà existantes. A l'échelon local, le développement d'un accueil spécifique des femmes victimes reste nécessaire. Le traitement en temps réel des procédures pénales instauré dans la majorité des juridictions françaises peut et doit aussi s'appliquer à l'ensemble des violences commises à l'encontre des femmes et il convient d'avoir recours à l'ensemble des réponses pénales susceptibles d'être mises en oeuvre. 3) La prise en charge et l'indemnisation des victimes de violences. En 1998, 148 services d'aide aux victimes accueillent toutes les victimes, quel que soit le type d'infraction, afin de les informer sur leurs droits ou les procédures, les orienter ou les accompagner dans leurs démarches et notamment leur offrir, le cas échéant, un soutien psychologique. Il convient donc que les services d'enquête ou les parquets saisis de faits de violences au sein du couple orientent les victimes vers ces structures. Parallèlement à ces services, il existe des associations dont l'objet statutaire comporte la lutte contre les violences sexuelles ou les violences exercées contre un membre de la famille et qui ont la possibilité, contrairement aux associations d'aide aux victimes, d'exercer les droits reconnus à la partie civile, dès lors qu'elles sont déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits (art. 2-2 du code de procédure pénale). Ce texte a été diffusé, le 14 avril 1999, à l'ensemble des procureurs généraux et procureurs de la République. Ainsi, l'ensemble de ces mesures paraissent aller dans le sens préconisé par l'honorable parlementaire.
SOC 11 REP_PUB Lorraine O