FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 2994  de  M.   Brard Jean-Pierre ( Communiste - Seine-Saint-Denis ) QG
Ministère interrogé :  anciens combattants
Ministère attributaire :  anciens combattants
Question publiée au JO le :  18/10/2001  page :  6066
Réponse publiée au JO le :  18/10/2001  page :  6066
Rubrique :  ordre public
Tête d'analyse :  maintien
Analyse :  algériens. manifestation du 17 octobre 1961. répression. vérité historique
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe communiste.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le Premier ministre, il y a aujourd'hui quarante ans, un horrible massacre était organisé simultanément dans plusieurs quartiers de Paris. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Rappelons-nous : en octobre 1961, dans la douleur, la guerre d'Algérie allait vers son terme. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Michel Ferrand et M. Thierry Mariani. Scandaleux !
M. le président. Du calme, je vous prie !
M. Jean-Pierre Brard. Ce jour-là, le 17 octobre, à l'appel du FLN, plusieurs milliers d'Algériens, alors officiellement citoyens français, sont descendus dans la rue pour manifester pacifiquement en faveur de la paix et de l'indépendance de l'Algérie.
M. Bernard Accoyer. Ces propos sont scandaleux ! C'est la voix de Moscou !
M. Jean-Pierre Brard. La répression fut horrible. Officiellement, on compta trois morts. D'après l'historien Jean-Luc Einaudi, il y en eut deux cents. Quelle est la vérité ? Nous ne la connaissons pas véritablement aujourd'hui.
Qui a organisé ce massacre ? Maurice Papon, préfet de police. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Thierry Mariani. Ah non ! Ça ne va pas recommencer !
M. Bernard Accoyer. Pas vous, pas ça !
M. Jean-Pierre Brard. Oui, mes chers collègues, celui-là même qui organisa, de Bordeaux, la déportation des juifs vers Auschwitz pour qu'ils soient exterminés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Michel Ferrand. Porteur de valise !
M. le président. Du calme, chers collègues !
M. Jean-Pierre Brard. C'est d'ailleurs ce qui a valu à Maurice Papon d'être jugé pour crime contre l'Humanité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, les vociférations ne remplacent pas le débat démocratique. Laissez M. Brard s'exprimer !
M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie, monsieur le président. Mais certains de nos collègues doivent peut-être se souvenir qu'ils furent les amis de Maurice Papon. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
M. Yves Fromion. Mitterrand n'était-il pas l'ami de Bousquet ?
M. Jean-Pierre Brard. C'est encore le même Papon qui, le 8 février 1962, organisa la répression de la manifestation de Charonne. Bilan : neuf morts, dont le jeune Daniel Ferry, âgé de seize ans,...
M. Jean-Michel Ferrand. Et vous, vous étiez la botte de Staline !
M. Jean-Pierre Brard. ... étranglé par les forces de répression. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Bernard Accoyer. Scandaleux !
M. Georges Tron. Arrêtez-vous ! Vos propos sont lamentables !
M. Jean-Pierre Brard. Oui, mes chers collègues, nous avons un devoir de vérité : nous devons non seulement connaître le nombre des victimes, mais de plus savoir qui a donné le feu vert à Maurice Papon pour organiser le massacre.
Nous avons de plus un devoir de mémoire pour que ces événements soient restitués par nos livres d'histoire.
M. Bernard Accoyer. Scandaleux !
M. le président. Monsieur Accoyer, je vous en prie !
M. Jean-Pierre Brard. Nous avons enfin un devoir de justice vis-à-vis des victimes et de leurs familles.
M. Bernard Accoyer. Totalitaire ! Malade !
M. Jean-Pierre Brad. Monsieur le président, ma question sera simple.
M. le président. Il vous faut en effet en terminer, monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Vous reconnaîtrez, monsieur le président, que, lorsqu'on veut faire la clarté, il est très difficile de s'exprimer. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Que compte faire le Gouvernement pour que la vérité éclate...
M. Jean-Michel Ferrand. Rien !
M. Jean-Pierre Brard. ... et pour que la mémoire du crime soit transmise ?
M. Bernard Accoyer. Quelle « mémoire » ?
M. Thierry Mariani. Il faut avoir la mémoire de tous les crimes, pas seulement de celui-là !
M. Jean-Pierre Brard. Qu'allez-vous faire pour qu'enfin justice soit rendue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Thierry Mariani. La question est aujourd'hui déplacée !
M. Jean-Michel Ferrand. M. Brard est un stalinien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le député, vous avez eu raison...
M. Jean-Michel Ferrand. Non !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. ... de rappeler ce moment d'horreur du 17 octobre 1961.
M. Thierry Mariani. Et les policiers assassinés ?
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. C'est un moment de la guerre d'Algérie...
M. Thierry Mariani. Parlez-nous des policiers assassinés !
M. le président. Monsieur Mariani, du calme ! (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Thierry Mariani. Tout cela est proprement indécent !
M. le président. Pensez au spectacle que vous êtes en train de donner à ceux qui nous regardent ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Poursuivez, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. A l'époque, des milliers de Français sont descendus dans la rue simplement parce que le gouvernement d'alors avait instauré un couvre-feu comme il l'avait fait à Alger, à Oran et ailleurs sur le territoire algérien, qui était un département français à l'époque.
Sur quelle base le couvre-feu était-il appliqué ? Sur le faciès !
M. Olivier de Chazeaux. Vous êtes un irresponsable !
M. Jean-Michel Ferrand. Nous ne pouvons pas entendre cela !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Ceux qui étaient maghrébins n'avaient plus le droit de sortir à partir de vingt heures ! (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Vous avez eu raison, monsieur le député, de rappeler tout cela. (De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République, plusieurs députés du groupe de Démocratie libérale et Indépendants et divers députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance se lèvent et commencent de quitter l'hémicycle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Mme Odette Grzegrzulka. Sortez donc ! Dehors !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. A l'époque, on avait parlé de violences policières, on avait parlé de troubles. Mais on n'avait pas parlé du massacre d'un certain nombre de citoyens français, alors qu'ils étaient bien des citoyens français !
M. Jean-Michel Ferrand. Et cet abruti fait partie du Gouvernement de la République !
M. Bernard Accoyer. C'est scandaleux !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Il est aujourd'hui grand temps de rappeler l'histoire.
M. Olivier de Chazeaux. Vous ne connaissez pas l'histoire de France !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Quarante ans plus tard, nous devons, comme M. le Premier ministre l'a dit,...
M. Olivier de Chazeaux. Vous ne connaissez même pas l'histoire de France !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. ... parler de vérité, parler d'histoire...
M. Thierry Mariani. Et les policiers assassinés ?
M. le président. Mes chers collègues ! Que ceux qui veulent quitter l'hémicyle le fassent calmement !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. ... parce que nous ne pouvons échapper à ce devoir de mémoire.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. C'est honteux !
M. le président. Très franchement, je crains que ce spectacle ne soit pas à la hauteur de l'ambition de notre assemblée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. Maurice Leroy. Présidez, monsieur le président !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Le 25 septembre dernier, M. le Président de la République et M. le Premier ministre ont reconnu l'abandon par la France des harkis et leur massacre par l'Algérie.
M. Olivier de Chazeaux. Quand même !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. La guerre d'Algérie, qu'ici vous avez reconnue comme telle en 1999, fut une guerre comme les autres, absurde, cruelle, porteuse de crimes.
M. Maurice Leroy. Il fallait peut-être commencer par là !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. La guerre est l'abomination et peu savent dire non à l'horreur qu'elle engendre.
Certains ont su dire : non à la torture, non aux viols, non aux massacres. C'est tout à leur honneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
C'est l'honneur de certains officiers, sous-officiers et hommes du contingent français que d'avoir su dire non.
M. Jacques Baumel. Vous êtes lamentable !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Le moment est venu de rechercher la transparence, la vérité...
M. Georges Tron. L'honnêteté aussi !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. ... sans oublier le contexte de l'époque, en ouvrant et en utilisant les archives dont nous disposons. Le moment est venu pour les acteurs.
M. Jacques Baumel. Il n'y a pas que vous !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. ... de raconter et de raconter encore. Car, comme vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, le travail de vérité n'affaiblit pas la communauté nationale.
M. Olivier de Chazeaux. Cela dépend !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Oui, monsieur Brard, le 17 octobre 1961, il y eut des assassinats et des massacres. On ajoute à l'horreur en ne sachant pas exactement combien de personnes furent tuées - soixante, quatre-vingts, deux cents. Mais on ajoute aussi à l'horreur en citant l'assassinat, la même année, de vingt-deux policiers parisiens.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Ah ! Quand même !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Notre histoire, l'histoire de la France, se partage en pages de gloire et en pages sinistrement sombres. Le 17 octobre 1961 fut l'une de celles-là.
M. Georges Tron. Poser une telle question pour entendre une telle réponse !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Aujourd'hui, notre devoir de mémoire nous oblige à imaginer que l'on mette fin à la guerre d'Algérie, car elle n'est pas terminée, comme on a mis fin à la guerre avec le peuple allemand.
Peut-on imaginer un jour qu'un Président français, tenant par la main le Président algérien devant un monument dédié à tous les martyrs, parle de paix et de réconciliation ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. Je regrette, mes chers collègues, que l'on ne puisse pas écouter dans la sérénité et le calme la relation de certaines pages de notre histoire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Georges Tron. C'est surréaliste !
M. Michel Herbillon. Pourquoi la question est-elle provocatrice ?
COM 11 REP_PUB Ile-de-France O