FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 3010  de  Mme   Zimmermann Marie-Jo ( Rassemblement pour la République - Moselle ) QG
Ministère interrogé :  Premier Ministre
Ministère attributaire :  Premier Ministre
Question publiée au JO le :  25/10/2001  page :  6500
Réponse publiée au JO le :  25/10/2001  page :  6500
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  fonctionnement
Analyse :  décisions de justice. magistrats. responsabilité
DEBAT : M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe du Rassemblement pour la République.
Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de la justice.
Je souhaiterais tout d'abord exprimer notre plus profonde compassion et notre entière solidarité aux proches et aux familles en deuil des six victimes du meurtrier multirécidiviste Jean-Claude Bonnal ainsi qu'à l'ensemble des fonctionnaires de la police nationale, une nouvelle fois durement touchés.
M. Franck Dhersin. C'est vrai !
Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais au-delà de ces messages de condoléances, il nous faut aujourd'hui, madame la ministre, apporter une véritable réponse à ces fonctionnaires. Pas plus que l'ensemble des Français révoltés, ils ne peuvent en effet se contenter d'une explication technique et d'une circulaire. Vous nous répondez qu'il s'agit d'une décision de justice. Mais n'était-il pas précisément de votre responsabilité d'en assurer la bonne administration ?
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Très bien !
Mme Marie-Jo Zimmermann. Madame la ministre, ma question mérite une réponse précise. Y a-t-il eu, oui ou non, un dysfonctionnement de la justice ? Si votre réponse est non, allez-vous, au-delà de la publication d'une simple circulaire, modifier les textes législatifs en vigueur pour empêcher qu'un tel drame ne puisse se reproduire ? Si votre réponse est oui, des sanctions seront-elles prises à l'encontre des responsables d'une décision qui a conduit - indirectement, certes - à la mort brutale de six personnes ? Je vous remercie, madame la ministre, d'être précise dans votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie. Permettez-moi de vous dire que cette erreur n'a aucune importance par rapport à la gravité de la question posée. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblément pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Poursuivez, monsieur le Premier ministre.
M. le Premier ministre. Cela a de l'importance pour Mme Zimmermann, et je lui rends bien volontiers, avec respect, en lui présentant mes regrets et mes hommages, son statut de femme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Mesdames et messieurs les députés, madame la députée, autant la polémique est insupportable dans ces affaires, autant les questions légitimes doivent recevoir des réponses.
M. Jean-Pierre Soisson. Très juste !
M. le Premier ministre. L'assassinat de six personnes, dont deux policiers, a provoqué une émotion profonde et une forte indignation. Dans cette situation, je pense d'abord aux victimes, à leurs familles, et je m'incline devant leur douleur.
On l'a souligné à juste titre, l'un des auteurs présumés de ces meurtres, qui était en détention provisoire à la suite d'un vol à main armée et d'une tentative de meurtre, précédés de plusieurs condamnations criminelles, avait été mis en liberté sous contrôle judiciaire.
Beaucoup, notamment des policiers, ont exprimé un sentiment de révolte. Je le comprends et je le partage. Confrontés quotidiennement aux difficultés et aux risques de la lutte contre l'insécurité qu'ils mènent au service de nos concitoyens, ils se demandent comment cela a été possible. Dans la mission qu'ils accomplissent, je les assure de notre respect et de notre soutien.
La loi du 15 juillet 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence, qui avait été demandée par de grandes personnalités et sur tous ces bancs, a été votée à la quasi-unanimité (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) au Sénat...
M. Lucien Degauchy. Faux !
M. le Premier ministre. ... et à une très large majorité - sans opposition, je le rappelle - à l'Assemblée nationale. Elle n'est en rien en cause dans la décision de libérer l'auteur présumé de ces faits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. François Goulard. Faux !
M. le Premier ministre. Vous le savez d'ailleurs très bien, et je pense que les observateurs l'ont maintenant établi.
Cette décision est intervenue avant que la loi soit elle-même en vigueur. Et quand bien même aurait-elle été en vigueur, elle n'aurait pas eu pour effet de rendre automatique une telle libération. Aujourd'hui où la loi s'applique, pour de tels faits la détention provisoire peut durer jusqu'à quatre ans.
M. Henri Emmanuelli. Absolument !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Elle « peut » !
M. le Premier ministre. Pour le législateur, récuser une loi qu'il a il y a peu appelé de ses voeux et très largement votée serait une étrange démarche (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Ne sont certainement pas en cause dans cette affaire les moyens de la police et de la justice, puisque ceux-ci ont été considérablement accrus par le Gouvernement.(« Non ! C'est faux ! » sur les mêmes bancs.)
M. Pierre Lellouche. C'est la méthode Coué !
M. François Goulard. Tout va bien !
M. le Premier ministre. Les magistrats de la chambre d'accusation, usant de leur pouvoir d'appréciation, ont pris cette décision, contraire aux réquisitions du procureur général, qui préconisait, lui, le maintien en détention.
Certes, il s'agit d'une décision souveraine du juge du siège...
Un député du groupe Démocratie libérale et Indépendants. C'est une faute !
M. Henri Emmanuelli. Non, ce n'est pas une faute !
M. le Premier ministre. ... sur un cas individuel - je le rappelle aux législateurs que vous êtres - mais force est de constater qu'a été commise une dramatique erreur d'appréciation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Nicolin. Responsable mais pas coupable !
M. le Premier ministre. La garde des sceaux a souligné hier qu'elle adresserait des orientations générales au parquet dans les tout prochains jours, afin qu'il soit veillé à la prise en compte des antécédents et de la dangerosité des personnes dans toutes les décisions relatives à la détention provisoire.
M. François Goulard. Il fallait y penser avant !
M. François d'Aubert. Où est la politique pénale du Gouvernement ?
M. le Premier ministre. Je rappelle que cette décision a été prise par un juge indépendant.
Mesdames et messieurs les députés, de même que le métier de policier est difficile, la fonction de juger est exigeante et lourde.
M. Guy Teissier Un peu moins risquée !
M. Lucien Degauchy. Quels risques les juges courent-ils ?
M. Franck Dhersin. Qu'en est-il de la sanction ?
M. le Premier ministre. Nos concitoyens demandent qu'il soit satisfait à la fois à l'exigence de respect des droits individuels et au besoin de sécurité. Chacun, dans sa fonction, doit veiller au respect de cet équilibre. C'est le rappel que je veux faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Yves Nicolin. Responsable mais pas coupable !
RPR 11 REP_PUB Lorraine O