FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 3021  de  M.   Le Guen Jean-Marie ( Socialiste - Paris ) QG
Ministère interrogé :  santé
Ministère attributaire :  santé
Question publiée au JO le :  25/10/2001  page :  6509
Réponse publiée au JO le :  25/10/2001  page :  6509
Rubrique :  bioéthique
Tête d'analyse :  génétique
Analyse :  patrimoine génétique. brevetabilité. perspectives Monopole de Myriad Genetics - cancer du sein
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre délégué à la santé, les Français ont été choqués d'apprendre qu'alors que le diagnostic du cancer du sein représente un enjeu majeur de santé publique, les tests de dépistage de certains cancers du sein, provoqués notamment par la mutation du gène BRCA 1, ne pouvaient être réalisés que par l'intermédiaire d'un laboratoire américain, Myriad Genetics, qui, disposant d'un brevet sur ces tests génétiques, en détient donc le monopole commercial.
Cela a pour conséquence d'obliger l'ensemble des laboratoires français à envoyer leurs tests aux Etats-Unis, ce qui a des incidences évidentes quant aux coûts, aux délais et à la fiabilité des tests eux-mêmes.
Un tel monopole n'est pas non plus sans conséquence sur le développement de la recherche scientifique.
Dès lors, ma question est double. Tout d'abord, nous aimerions connaître la position du Gouvernement sur ce sujet et savoir quelles mesures il envisage de prendre.
Cet événement pose par ailleurs la question de la recherche et de l'avenir des industries françaises de biotechnologie. Certains pays européens - je pense notamment à l'Allemagne - ont accordé des aides financières à ces industries pour leur permettre de se développer. Monsieur le ministre, au-delà du problème de Myriad Genetics, quelle est donc la position du Gouvernement sur les questions touchant à la recherche et au développement des industries de biotechnologie ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, comme vous avez été très disciplinés, il reste à M. le ministre délégué à la santé pratiquement cinq minutes d'antenne pour répondre ! (Sourires.)
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. C'est trop, monsieur le président, d'habitude vous me donnez dix secondes ! Merci !
Monsieur le député, les Français et de nombreux députés se sont indignés, à juste titre, lorsqu'ils ont appris que ce test de prédisposition au cancer du sein avait fait l'objet d'un brevet déposé, en janvier dernier, devant l'Office européen des brevets par la société Myriad Genetics, interdisant ainsi des recherches semblables et obscurcissant l'avenir. Je rappelle qu'en France les inventions peuvent être brevetées, à l'exception de celles portant sur le génome humain.
M. Alain Tourret. Très bien !
M. le ministre délégué à la santé. Si ce brevet était accepté, il interdirait la réalisation du test aux dix-neuf laboratoires français le pratiquant actuellement dans de meilleures conditions, puisque 10 % à 20 % des mutations ne sont pas détectées par le laboratoire américain Myriad Genetics. De plus, il faudrait que les échantillons prélevés soient adressés à Salt Lake City,...
M. Jacques Myard. Chez les mormons !
M. le ministre délégué à la santé. ... les recueils d'échantillons internationaux étant centralisés pour que l'examen soit réalisé aux Etats-Unis. Cela serait inacceptable.
Voilà pourquoi, en octobre dernier, l'Institut Curie, l'Institut Gustave-Roussy, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ont déposé une plainte, soutenue par mon collègue Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, et par moi-même. Nous en sommes là ! Il est évident que les conditions d'exploitation d'un tel brevet par la société américaine seraient contraires à l'éthique et à la pratique française, qui se veut multidisciplinaire et n'accepte pas le brevetage du vivant.
Par ailleurs, et là je me tourne vers MM. Pierret et Fabius, la transposition en droit français de la partie consacrée aux biotechnologies de la directive 98/44 a longuement été discutée par le Premier ministre et le Président de la République. Pour l'instant, cette transposition n'est pas envisagée, car les conditions que nous avons posées pour des raisons éthiques et scientifiques ne sont pas remplies.
Enfin, une enveloppe de 150 millions d'euros est destinée à soutenir les entreprises performantes dans ce domaine de la biogénétique et un fonds de capital-risque sera créé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance.)
SOC 11 REP_PUB Ile-de-France O