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M. Henri Plagnol. Monsieur le Premier ministre, voilà un peu plus d'un an, le 3 octobre 2000 très exactement - je tiens à la disposition de tous mes collègues le Journal officiel -, je vous avais interrogé, lors d'une de nos séances de questions d'actualité, sur la portée exacte des accords de Matignon. Plus précisément, je vous avais demandé s'il n'y avait pas eu des tractations secrètes pour satisfaire une des principales revendications des nationalistes, à savoir le regroupement de l'ensemble des détenus corses sur l'île. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Dans votre réponse, vous aviez été extrêmement clair : il n'était, disiez-vous, « ni possible ni souhaitable » de regrouper l'ensemble des détenus corses sur le territoire de l'île. Aussi ai-je été surpris et choqué par les déclarations de votre ministre de l'intérieur, M. Vaillant, acceptant le principe d'un regroupement des prisonniers corses à Borgo. Circonstance aggravante, il a prononcé cette déclaration au lendemain d'un énième assassinat dans les milieux nationalistes, alors qu'il était venu sur l'île pour essayer de relancer le processus de Matignon, au point mort depuis le départ des élus nationalistes. M. Lucien Degauchy. Quel cafouillage ! M. Henri Plagnol. Tous les observateurs ont eu le sentiment d'un « donnant-donnant » entre le Gouvernement et les nationalistes, d'une concession de plus pour essayer de relancer le processus de Matignon à quelques mois des élections. Dans vos premiers commentaires, vous avez tenté de banaliser cette affaire en la ramenant à un simple problème de politique pénitentiaire. Mais vous ne pouvez en rester là et vous payer de mots, monsieur le Premier ministre. Vous nous devez une clarification. D'où ma question. M. Kofi Yamgnane. Enfin ! M. Henri Plagnol. De deux choses l'une : ou bien le ministre de l'intérieur ne vous avait pas informé, auquel cas vous devez le désavouer clairement aujourd'hui... M. Lucien Degauchy. Ce ne sera pas la première fois ! M. Henri Plagnol. ... et il lui appartiendra de prendre ses responsabilités, comme le fit son prédécesseur, M. Jean-Pierre Chevènement, lorsqu'il avait été désavoué sur le même processus ; ou bien vous étiez informé - et l'on a du mal à penser que vous ne l'ayez pas été sur une affaire aussi sensible, auquel cas vous devez répondre à la question que se posent tous ceux qui nous regardent : jusqu'où ira l'abaissement de l'Etat pour sauver le processus de Matignon ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, vous tenez mes déclarations à la disposition des parlementaires, je m'y référerai moi-même pour finir. De mon côté, je tiens à votre disposition, et je souhaiterais que vous le lisiez tous, le texte de la déclaration, très brève, du ministre de l'intérieur en Corse : je vous mets au défi d'y trouver la proposition d'un regroupement des détenus corses, nationalistes ou pas, actuellement incarcérés sur le continent. M. Maurice Leroy. C'est donc qu'on a rêvé ! M. Franck Dhersin. Encore un coup des journalistes ! M. le Premier ministre. La déclaration du ministre de l'intérieur en Corse ne méritait nullement toutes ces déformations et ces polémiques. Mais je répondrai très précisément à votre question. Qu'est-il envisagé ? La création d'un centre de détention pour longues peines dans l'île où il n'existe aujourd'hui que deux maisons d'arrêt, l'une à Borgo, l'autre à Ajaccio. Pourquoi ? Parce qu'un tel centre de détention pour les condamnés à de longues peines n'existe pas dans cette région. M. Jean-Claude Lenoir. C'est normal, on n'en attrape aucun ! (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. le Premier ministre. C'est une discrimination à l'égard des Corses. Cela pose un problème particulier non seulement aux familles, mais aussi aux condamnés, pénalisés par cette limitation d'un droit de visite et, tout à la fois légitime et utile à leur réinsertion à terme. Comment ? Par la construction d'un centre de détention (« Ah ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), c'est-à-dire d'une prison, d'une centrale, dans le cadre du plan de modernisation des établissements pénitentiaires qui a été annoncé par la garde des sceaux, Mme Marylise Lebranchu. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Puisque, apparemment, vous ne lisez pas les déclarations, écoutez au moins ce que je vous dis, moi ! M. Jean-Marie Demange. On n'attrape pas les mouches avec du vinaigre ! M. le Premier ministre. Dans quels délais ? Tout simplement dans le cadre de la mise en oeuvre de ce plan sur l'ensemble du territoire national,... M. Richard Cazenave. C'est bien ce qu'on avait compris ! M. le Premier ministre ... ce qui exigera plusieurs années. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et, puisque vous voulez de la clarté, qu'est-ce qui, aujourd'hui, ne change pas ? Ne change pas la situation des personnes en détention provisoire pour des faits de terrorisme. Aucune mesure de rapprochement ne peut être envisagée à leur égard, puisqu'ils sont à la disposition de juges d'instruction qui se trouvent à Paris, notamment à la quatorzième section. M. Richard Cazenave. Et il faudrait commencer par essayer de les attraper ! M. le Premier ministre. Ne change pas davantage la situation des condamnés à de longues peines : ils effectuent cette peine sur le continent car il n'y a pas, comme je viens de le dire, de centre de détention ou de maison centrale en Corse. L'administration pénitentiaire a accédé à des demandes individuelles de rapprochement - dans le Sud de la France et non en Corse - afin qu'ils puissent être plus près de leurs familles, et c'est pour eux qu'il est envisagé, dans le projet du Gouvernement, la création d'un centre de détention en Corse. Je précise que l'ensemble des élus de Corse qui assistaient à la réunion de Daniel Vaillant approuvent ce projet pour des raisons évidentes, et que vous devriez vous-mêmes partager. Quoi qu'il en soit, aucun regroupement de catégories particulières de condamnés, notamment pour faits de terrorisme, n'est envisagé. C'est pourquoi, monsieur le député, me référant précisément à la phrase que j'ai prononcée le 3 octobre 2000 : « Nous ne prendrons pas la décision de mettre l'ensemble de ces condamnés à la prison de Borgo en Corse, parce que cela ne nous paraît ni possible ni souhaitable », je vous réponds que je m'y tiens, comme s'y est tenu le ministre. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Quant au processus de Matignon, il n'est nullement au point mort, puisque le Sénat examinera la semaine prochaine le projet de loi sur la Corse, qui reviendra devant votre assemblée où, je le rappelle, il a été adopté, en première lecture, par une majorité plus large que la majorité plurielle. Le Parlement pourra améliorer ce texte. Nous avons été attentifs, notamment le ministre de l'intérieur, à certaines propositions des élus de l'assemblée territoriale. Mais, dans cette rencontre, tous les élus présents... Pourquoi, d'ailleurs, ne vous intéressez-vous qu'aux élus absents ? Pourquoi vous focalisez-vous sur des gens que vous condamnez, plutôt que de vous préoccuper des élus qui sont présents à l'assemblée de Corse ? Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française. Du calme ! M. le Premier ministre. Tous les élus présents à cette séance, disais-je, ont confirmé leur accord avec le processus que nous avons engagé. Vous savez très bien - mais cela vous ennuie parce que cela rompt avec la démarche de tractations secrètes et de conférences de presse clandestines qui était la vôtre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants) - que ce dialogue, nous le menons au grand jour. Je remercie le ministre de l'intérieur pour le travail qu'il a accompli sur la Corse (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), pour celui qu'il a accompli sur le terrain de la sécurité intérieure, et pour celui qu'il réalise, avec tout le Gouvernement, pour protéger les Français contre le terrorisme. Nous envisageons pour la Corse qu'elle s'engage dans la voie de la responsabilité, qu'elle mette un terme à la violence politique, qu'elle assure son développement. Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Et Colonna, où est-il ? M. le Premier ministre. Nous appelons ce changement de nos voeux, et ce qui a été engagé en Corse va dans la bonne direction. Je ne vous demande qu'une chose : à défaut d'avoir une alternative à proposer, au moins ne développez pas des polémiques contraires aux intérêts de la Corse et de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur plusieurs bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) |