Texte de la QUESTION :
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M. Pierre Lellouche attire l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la menace de destruction à terme des écosystèmes marins conséquemment à la surexploitation des océans et de l'ensemble des ressources de la mer. Les prélèvements dus à la pêche, industrielle ou non, sont non seulement excessifs mais aussi largement inadaptés à un écosystème océanique particulièrement fragile, dont les scientifiques ignorent encore largement les capacités de régénération et de résistance. Pendant longtemps, les questions sur l'environnement marin se sont focalisées sur la protection d'espèces « charismatiques » : baleines, phoques, dauphins, requins. Aujourd'hui, la grande inconnue du monde marin, sur laquelle s'appuient toutes les activités de pêche, reste la résilience du système, c'est-à-dire sa capacité à revenir à sa position initiale. Si l'IFREMER, au dire de son directeur des ressources vivantes, basé à Nantes, concède un certain retard dans ce domaine de la recherche halieutique, M. Daniel Poly, spécialiste de la modélisation des écosystèmes marins, a montré dans une étude (Sciences, 6 février 1999) que les poissons pêchés proviennent de réseaux trophiques de plus en plus profonds, ce qui revient à prélever des proies de plus en plus petites et qui se trouvent au plus bas de la chaîne alimentaire. Chaque année, les courbes et les chiffres publiés par la FAO (organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) mettent en avant la surexploitation des ressources marines quels que soient les zones océaniques, continentales et littorales et les espaces catégoriels correspondants (pélagique, demersal, demersal et benthique, benthique). Les captures en mer sont passées de 79,2 millions de tonnes en 1990 à 86,3 millions en 1997. Pourtant, si 35 % des 200 principales ressources maritimes ont des rendements en déclin, la flotte de pêche mondiale n'a cessé d'augmenter, comptant en 1998 plus de 1,2 million d'unités. Par ailleurs, en dépit de l'évolution technologique et faute d'engins sélectifs performants, pour 90 millions de tonnes pêchées dans le monde, 30 millions de tonnes de prises auxiliaires sont rejetées et inexploitées. Aujourd'hui, la plupart des pêcheries spécialisées prélèvent un contingent important d'autres espèces que les « espèces cibles » commercialisables. Les dégâts sont d'autant plus significatifs lorsqu'il s'agit d'engins de pêche industrielle adaptés au gros débits tels les chaluts pélagiques, semi-pélagiques ou les chaluts de fond, les filets maillants ou dérivants, les palangres dérivantes, les trémails, les sennes coulissantes ou dites « danoises ». De tous les outils utilisés, l'engin le plus destructeur dans son espace catégoriel (la zone benthique) est sans conteste la drague qui, d'après Les Watling, du Darling Marine Center (université du Maine), et Elliott Norse, du Marine Conservation Biology Institute (Redmond, Washington), représentent des fonds annuellement raclés jusqu'à dix centimètres d'épaisseur sur plus de 15 millions de kilomètres carrés, soit vingt-sept fois la surface de la France (Conservation Biology, décembre 1998). La France étant un des dix-neuf pays membres du Conseil international pour l'exploitation de la mer (CIEM) qui reste, malgré un excellent travail de recensement et de prévention, une organisation non gouvernementale sans pouvoir réglementaire, il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour renforcer la représentation du CIEM dans les organisations internationales, et quelles dispositions peuvent être envisagées pour garantir dans les eaux sous juridiction française le contrôle et le bon usage des engins de pêche mis à la disposition des professionnels, afin de préserver les ressources halieutiques essentielles au renouveau de la faune et de pérenniser la filière de la pêche en France par un stricte contrôle du dragage et, plus généralement, des prises.
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Texte de la REPONSE :
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Les problèmes évoqués dans cette question écrite sont importants et font l'objet d'une attention soutenue de la part des services du ministère de l'agriculture et de la pêche. La préservation des écosystèmes marins est en effet une condition sine qua non du maintien d'une activité durable de pêche maritime. La politique nationale des pêches s'inscrit dans le cadre plus général de la politique commune des pêches (PCP) mise en oeuvre par l'Union européenne. La PCP compte parmi ses objectifs la prise en compte des conséquences de la pêche sur les écosystèmes marins. En particulier, si le constat fait par l'organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (OAA) en ce qui concerne l'accroissement des flottes de pêche à l'échelle planétaire est exact, il faut toutefois noter que la taille des flottes communautaires est strictement encadrée par les plans d'orientation pluriannuels (POP), dont les objectifs sont fondés par la nécessaire adéquation entre la capacité de capture des flottilles et la productivité des ressources naturelles qu'elles exploitent. Ces plans successifs ont conduit à une diminution notable des flottilles depuis maintenant dix ans. Par ailleurs, les caractéristiques des engins de pêche sont encadrées par une réglementation communautaire dont les objectifs sont de limiter les prises de juvéniles et les prises accessoires indésirables. En particulier, l'utilisation de dispositifs sélectifs (chalut à grille, maille carrée...), déjà répandue à l'heure actuelle, est appelée à se généraliser dans les années à venir. Il est toutefois dangereux de procéder à une simplification excessive des messages concernant certains engins de pêche : l'utilisation du filet maillant dérivant s'est vu ainsi condamner en Europe, en dépit de la preuve scientifique de son innocuité, pour des motifs qui allaient au-delà de toute analyse raisonnable de la question. Le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) a un rôle de première importance pour la coordination internationale des activités de recherche halieutique et sur l'environnement marin. Organisme scientifique dont l'indépendance des travaux menés en son sein et la qualité des avis scientifiques transmis aux instances décisionnelles sont reconnus, il semble difficile de lui reconnaître un pouvoir réglementaire qui ne peut appartenir qu'aux Etats ou aux organisations qu'ils constituent. La France est très active au sein du CIEM et en a assuré la présidence de 1994 à 1997. Enfin, la représentation du CIEM au sein des organisations internationales est déjà très marquée : par exemple, l'essentiel des mesures de gestion des ressources halieutiques (TAC, mesures techniques) prises dans le cadre de la PCP sont fondées par les avis du CIEM. Il convient par ailleurs de souligner la part importante que prend l'Ifremer aux travaux de cet organisme. La qualité de sa contribution y est indiscutée et confirme la valeur de ses équipes dans le domaine de l'halieutique. Le contrôle et le bon usage des engins de pêche dans les eaux sous juridiction française sont assurés par les services de contrôle chargés d'appliquer les réglementations nationale et communautaire, dont les objectifs sont évoqués plus haut. Au-delà, la France s'assure également que les navires battant pavillon français et opérant dans les eaux internationales utilisent des engins en conformité avec les réglementations établies dans le cadre des organisations régionales de pêche. Par ailleurs, les prises sont strictement reportées par les professionnels, contrôlées par les services de contrôle et s'inscrivent dans le cadre des quotas alloués à la France. Enfin, en ce qui concerne le dragage, cette technique est utilisée en particulier par les flotilles artisanales lors de la saison de la coquille Saint-Jacques. Cette activité est tout à fait vitale pour les flotilles qui la pratiquent, dans la mesure où elle leur permet de passer la saison hivernale. Les caractéristiques techniques des dragues à coquille Saint-Jacques sont encadrées par l'arrêté du 17 janvier 1984. Par ailleurs, l'utilisation des dragues à coquille Saint-Jacques est fortement encadrée puisqu'elle fait l'objet d'un permis de pêche spécial (dispositif communautaire équivalent à une licence) qui limite le nombre de navires ayant accès à cette activité. La durée de la saison est limitée à quelques mois dans l'année. Enfin, les professionnels, soutenus par les pouvoirs publics et par l'Ifremer, réfléchissent à l'amélioration des dragues en vue de réduire leur impact sur les fonds marins.
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