FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 3086  de  M.   Asensi François ( Communiste - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  15/09/1997  page :  2913
Réponse publiée au JO le :  10/11/1997  page :  3932
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Rwanda
Analyse :  crimes de guerre. tribunal international. fonctionnement
Texte de la QUESTION : M. François Asensi souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation rwandaise. Le Rwanda tente toujours de se relever de la guerre civile perpétrée sur son territoire en 1994, au nom de prétendus critères éthniques, à l'encontre des Hutus modérés et des Tutsis, et qui a conduit au génocide de 500 000 à 1 million de personnes. Les responsabilités de la France dans ce conflit restent un sujet de controverses. Néanmoins, à la suite de l'installation d'un tribunal international pour le Rwanda, à Arusha, en Tanzanie, la représentation nationale française adoptait, le 15 mai 1996, un projet de loi portant « adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins ». Alors que les travaux du tribunal d'Arusha semblent paralysés, il souhaite connaître le bilan de l'application de cette loi et les intentions du nouveau gouvernement pour engager réellement la poursuite des auteurs du génocide rwandais. La condamnation de ces criminels est le pendant nécessaire d'une politique de réconciliation nationale qui se traduit actuellement par l'accueil de plusieurs centaines de milliers de réfugiés hutus de retour de l'ex-Zaïre, une politique d'adoption des orphelins, et l'amorce, difficile, d'une reconstruction du pays (logement, justice, santé, éducation). Sur ce dernier point, il lui demande si des dispositions sont envisagées pour alléger la dette rwandaise, héritage d'un passé douloureux, afin de faciliter le redressement du Rwanda et de marquer résolument l'engagement de la France aux côtés de la population rwandaise.
Texte de la REPONSE : L'ampleur de la tâche à laquelle les dirigeants rwandais ont dû faire face au lendemain de la tragédie de 1994 a immédiatement suscité une réaction de la communauté internationale à la mesure des besoins de ce pays dévasté, ruiné et traumatisé par un génocide et des massacres sans précédent sur le continent africain. Le retour à l'Etat de droit, et, en premier lieu, la nécessité de juger les auteurs présumés d'actes de génocide ou de violations graves du droit international humanitaire, préalable indispensable à une véritable politique de réconciliation nationale, ont immédiatement été retenus comme prioritaires. La France a soutenu activement la création en novembre 1994 du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) par le Conseil de sécurité des Nations unies et adapté sa législation interne en conséquence. Conformément aux obligations découlant de la résolution 955, elle a mis sur pied une coopération étroite avec le tribunal. C'est ainsi qu'en application des dispositions de la loi d'adaptation française, entrée en vigueur le 22 mai 1996, qui reconnaît la primauté du TPIR sur les juridictions françaises, le procureur du tribunal est informé de l'ouverture de poursuites judiciaires en France concernant des crimes relevant de la compétence du tribunal. Si ce dernier en fait la demande, les juridictions nationales ont la faculté de se dessaisir des dossiers concernés à son profit. Dans ce même esprit de coopération, les autorités françaises facilitent la recherche de témoins potentiels résidant en France, organisent, à la demande du procureur, des auditions en présence d'enquêteurs du TPIR et remettent des documents qui pourraient s'avérer utiles à l'instruction des dossiers. S'agissant du fonctionnement du TPIR, l'on doit garder à l'esprit que, contrairement au tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie dont le siège est à La Haye et qui a, de ce fait, bénéficié de structures déjà existantes, le choix qui s'est porté sur Arusha en Tanzanie a nécessité la création d'installations ad hoc, notamment d'un quartier pénitentiaire susceptible d'accueillir les détenus. Les délais nécessaires à cette installation, de même que les conditions dans lesquelles opère, à Kigali même, le procureur adjoint du tribunal, sont autant d'éléments à prendre en compte dans l'appréciation à porter sur cette instance internationale. En dépit de ces nombreuses difficultés, l'on peut se féliciter que 24 inculpés ou suspects soient aujourd'hui détenus à Arusha. Les premiers procès ont commencé et la première sentence pourrait être rendue avant la fin de l'année 1997. A cet égard, il convient de rendre hommage aux juges du tribunal qui, en dépit de conditions matérielles très précaires, tiennent à mener les procès selon des procédures exemplaires. Le jugement en Afrique, par un tribunal présidé par un Africain, M. Laïty Kama (Sénégal), de responsables de crimes qui heurtent la conscience même de l'humanité, constitue un événement historique. Ce processus doit permettre, au-delà de la sanction individuelle, de stigmatiser publiquement les événements dramatiques de 1994, et contribuer ainsi à rompre le cycle de la violence que connaît la région des Grands Lacs. La France continuera à manifester publiquement son soutien au tribunal d'Arusha. Pour ce qui est de l'aide au Rwanda, la France participe, notamment en liaison avec ses partenaires européens, à la reconstruction du pays. Sur le plan bilatéral, elle intervient, en accord avec les autorités rwandaises, dans les domaines humanitaires, de la santé, de l'éducation, de l'Etat de droit et du développement rural lié au retour des réfugiés. Les crédits engagés au titre de la seule année 1997 s'élèvent à 38 millions de francs. S'agissant plus spécifiquement d'une aide financière, les relations du Rwanda avec ses créanciers, bien qu'en voie de normalisation, ne permettent pas à ce stade de l'envisager. Lorsque des progrès substantiels auront été constatés, le Rwanda pourrait alors bénéficier d'un programme d'ajustement soutenu financièrement par les institutions de Bretton Woods, qui permettra à ce pays de bénéficier, le cas échéant, d'un rééchelonnement de sa dette dans le cadre du Club de Paris, comportant des annulations de dettes.
COM 11 REP_PUB Ile-de-France O